Selon une première estimation publiée vendredi par l'Institut national des statistiques (INE), la croissance espagnole a atteint 5,5% en 2022, en raison notamment de la nette reprise du tourisme - un secteur stratégique pour Madrid - après deux ans de crise sanitaire.

Ce chiffre, supérieur aux prévisions du gouvernement (4,4%), mais aussi de la Banque d'Espagne (4,6%), place l'Espagne, à moins d'un an des législatives, dans le peloton de tête des pays les plus dynamiques de l'UE, où la Commission européenne s'attend à une croissance moyenne de 3,3%.

Contenu Sponsorisé
 
 
 
 
 
 

"Au vu de la situation actuelle, l'Espagne s'en sort bien", surtout comparé aux "autres grandes économies européennes", souligne auprès de l'AFP Rafael Pampillon, professeur d'économie à l'université Ceu San Pablo de Madrid.

Signe de cette bonne santé: le chômage a légèrement reculé pour atteindre 12,87% de la population active l'an dernier, avec une forte progression des emplois en CDI (+1,6 million), dopés par une réforme du marché du travail en vigueur depuis janvier.

Contrairement à ce que prédisaient les "prophètes de l'apocalypse, nous avons aujourd'hui une croissance économique forte, l'inflation la plus faible d'Europe et un emploi record", s'est félicité sur Twitter le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez.

"Exception ibérique"

Voilà un an, la situation semblait pourtant mal engagée pour la quatrième économie de la zone euro - l'une des plus affectées par la crise sanitaire, avec un recul historique de son produit intérieur brut (PIB) de 10,8% en 2020.

L'Espagne a en effet été l'un des premiers pays touchés par la flambée de l'inflation, en raison de son manque de connexions électriques avec le reste de l'Europe, qui a empêché la concurrence de jouer sur les prix de l'énergie. En juillet, un pic record de 10,8% a même été atteint.

Mais Madrid a réussi depuis à dompter cette poussée de fièvre. En décembre, l'inflation a ainsi ralenti à 5,7%, le chiffre le plus faible de la zone euro.

Ceci grâce au régime d'"exception ibérique" accordé par Bruxelles à Madrid et Lisbonne, qui a permis depuis l'été de plafonner les prix de l'électricité, mais aussi aux nombreux plans d'aide annoncés par le gouvernement de gauche pour soutenir le pouvoir d'achat.

Ces mesures, concentrées notamment sur les carburants et les loyers, et d'un coût global de 50 milliards d'euros, "ont permis à la consommation de se reporter sur d'autres secteurs" et de "soutenir l'activité", souligne Rafael Pampillon.

D'autant que l'Espagne a bénéficié en parallèle de nombreux investissements, grâce aux fonds du plan de relance européen - dont elle est l'un des principaux bénéficiaires - et à l'appétit mondial pour les énergies renouvelables, en plein boom en Espagne.

"Bon pied"

Tout n'est pas rose pour autant. Selon les économistes, une partie de ces résultats s'explique en effet par un rattrapage, l'Espagne ayant tardé plus que les autres à récupérer de la crise du Covid: d'après le FMI, Madrid ne retrouvera d'ailleurs son niveau d'avant-crise qu'en 2024.

L'économie du pays a en outre connu un net ralentissement depuis l'été. Selon l'INE, la croissance a ainsi plafonné à 0,2% aux troisième et quatrième trimestres. Et d'après la Banque d'Espagne, elle devrait rester atone début 2023.

Enfin, l'argent dépensé pour soutenir le pouvoir d'achat pèse sur les finances publiques alors que le pays a déjà l'un des endettements les plus élevés d'Europe (116% du PIB).

Pour le gouvernement, soucieux de mettre en avant ses bons résultats en vue des législatives de fin 2023, les voyants sont néanmoins au vert: l'Espagne "entame l'année 2023 du bon pied", a assuré récemment la ministre de l'Economie Nadia Calviño.

Selon l'exécutif, le PIB devrait grimper de 2,1% cette année. Une hypothèse jugée optimiste par nombre d'organismes économiques - comme le FMI qui prévoit 1,1% - qui saluent néanmoins la "résilience" de l'Espagne. L'Espagne devrait cette année encore "faire mieux que la plupart des autres pays de la zone euro", prévoit ainsi la banque ING.