"Aujourd'hui nous avons ouvert un nouveau chapitre vert pour la mer du Nord", s'est félicité le prince Fréderic, qui a donné le coup d'envoi la phase pilote du projet "Greensand" à Esbjerg(sud-ouest).

Conduit par le géant britannique de la chimie Ineos et l'énergéticien allemand Wintershall Dea, le projet devrait permettre de stocker vers 2030 jusqu'à 8 millions de tonnes de CO2 par an, l'équivalent de 1,5% des émissions françaises ou 10% des émissions danoises. Ce cimetière de CO2 paradoxalement est un ex-gisement de pétrole ayant donc contribué aux émissions.

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Captage et stockage

Encore balbutiant et très coûteux, le captage et stockage de carbone ("CCS") consiste à capturer puis emprisonner le CO2, principal responsable du réchauffement planétaire. Plus de 200 projets sont actuellement opérationnels ou en développement dans le monde.

Particularité de Greensand: contrairement aux sites existants qui séquestrent le CO2 d'installations industrielles voisines, il fait venir le carbone de loin.

"C'est une réussite européenne en matière de coopération transfrontalière: le CO2 est capturé en Belgique et bientôt en Allemagne, chargé sur des navires dans le port d'Anvers", a relevé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. "Ce projet est bénéfique pour notre industrie et pour le climat", a-t-elle ajouté.

Acheminé par mer vers la plateforme Nini West, à la lisière des eaux norvégiennes, le gaz est injecté dans un réservoir à 1,8 km de profondeur. Pour les autorités danoises, qui visent la neutralité carbone dès 2045, c'est un "instrument indispensable dans notre boîte à outils climatique".

Le sous-sol danois contient un potentiel de stockage aux émissions du pays, ce qui permet d'y stocker également le carbone étranger.

Atouts de la mer du Nord

La mer du Nord est une région propice à l'enfouissement car elle abrite de nombreux gazoducs et réservoirs géologiques vides après des décennies d'exploitation pétrogazière.

"Les gisements épuisés de pétrole et de gaz présentent de nombreux avantages car ils sont bien documentés et il existe déjà des infrastructures qui peuvent très probablement être réutilisées", explique Morten Jeppesen, directeur du Centre des Technologies Offshore à l'Université technologique du Danemark (DTU).

Près de Greensand, le géant français TotalEnergies va explorer le potentiel d'enfouissement à plus de deux kilomètres sous les fonds marins avec l'objectif d'emprisonner annuellement cinq millions de tonnes à horizon 2030.

Pionnière du CCS, la Norvège voisine va aussi accueillir d'ici quelques années des tonnes de CO2 liquéfié, en provenance du Vieux Continent. Principal producteur d'hydrocarbures d'Europe de l'Ouest, le pays posséderait également le plus gros potentiel de stockage de CO2 du continent.

Solution perfectible

Les quantités stockées restent faibles par rapport aux émissions. L'Union européenne a, selon l'Agence européenne pour l'environnement, émis 3,7 milliards de tonnes de gaz à effet de serre en 2020, une année pourtant plombée par la pandémie.

Longtemps perçue comme une solution techniquement compliquée et coûteuse à l'utilité marginale, le CCS est désormais jugé nécessaire aussi bien par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) que l'Agence internationale de l'énergie. Ce n'est cependant pas une solution miracle.

Gourmand en énergie, le processus de captage et stockage du CO2 émet lui-même l'équivalent de 21% du gaz capturé, selon le think tank australien IEEFA. Et la technique n'est pas sans risques, prévient le centre de recherche, citant le risque de fuites aux conséquences catastrophiques.

"Le CCS ne doit pas être utilisé pour maintenir le niveau actuel de production de CO2 mais il est nécessaire pour limiter le CO2 dans l'atmosphère", assure M. Jeppesen. "Le coût du stockage du carbone doit encore être réduit pour que cela devienne une solution durable de mitigation, à mesure que l'industrie gagnera en maturité", ajoute le scientifique.

Chez les défenseurs de l'environnement, la technologie ne fait pas l'unanimité. "Cela ne règle pas le problème et prolonge les structures qui sont nuisibles", fustige la responsable énergie de Greenpeace Danemark, Helene Hagel. "La méthode ne change pas nos habitudes mortifères".