En vertu d'un vaste jeu de chaises musicales, le gouvernement Meloni, le plus à droite qu'ait connu le pays depuis la Seconde Guerre mondiale, cherche à placer des personnes de confiance à la tête de la radio-télévision d'Etat et de prestigieuses institutions publiques.
Dernier trophée en date, celui de Carlo Fuortes, l'administrateur délégué de la Rai, qui a justifié son départ par les pressions qu'exerceraient sur lui ses autorités de tutelle.
Changements de ligne refusés
Dans un courrier au ministère de l'Economie et des Finances dont il dépend, Carlo Fuortes dit refuser les changements de ligne éditoriale et de programmation qu'il ne "considère pas dans l'intérêt de la Rai".
Nommé par le précédent gouvernement de Mario Draghi, il souligne que "depuis le début de 2023, il y a un conflit politique qui concerne mon poste et ma personne et qui affaiblit la Rai".
Fratelli d'Italia (FDI), le parti d'extrême droite de Mme Meloni, avait saisi en septembre 2022 le gendarme de l'audiovisuel contre Carlo Fuortes, en dénonçant la présence à l'antenne du philosophe français Bernard-Henri Lévy, qui avait fustigé la droite italienne mais sans débat contradictoire, alors que la campagne électorale devait s'achever quelques jours plus tard.
"Article Fuortes"
Avant d'arriver à la Rai, M. Fuortes a été à la tête du Théâtre de l'Opéra de Rome, et le gouvernement envisagerait de lui attribuer un placard doré en lui donnant la direction de l'Opéra de Naples.
Or jeudi, un Conseil des ministres a adopté plusieurs décisions, dont une mesure aussitôt baptisée par les médias "l'article Fuortes": cette décision impose à tous les directeurs de théâtres lyriques ayant plus de 70 ans de quitter leur poste au plus tard le 10 juin.
Stéphane Lissner, le directeur français de l'Opéra de Naples, se trouve dans cette situation et son départ devrait permettre de recaser M. Fuortes. Selon des sources dans son entourage citées lundi par le quotidien La Repubblica, il ne devrait toutefois pas briguer ce poste.
Selon ce même décret, Dominique Meyer, à la tête de la Scala de Milan, serait aussi frappé par la limite d'âge en 2025. Sollicités par l'AFP, MM. Lissner et Meyer n'ont pas souhaité réagir dans l'immédiat.
Contrôler l'audiovisuel public
Pour le patron d'un des partis de la gauche italienne, Nicola Fratoianni, "avec la démission de Fuortes s'amorcent les manoeuvres en vue du contrôle total de l'audiovisuel public".
"Le gouvernement n'a même pas la patience d'attendre les échéances normales des mandats", déplore Roberto Zaccaria, ex-président de la Rai, professeur de droit constitutionnel et ex-député de gauche, interrogé par l'AFP.
"Il faut avoir le respect des institutions et ne pas les manipuler pour satisfaire ses propres exigences politiques et personnelles", préconise-t-il.