Interrogé par l'AFP, Rahul Kadakia, directeur international pour la joaillerie de la célèbre maison de vente, a qualifié l'événement de "succès", soulignant qu'elle avait dépassé un record établi lors de la dispersion des biens de la star Elizabeth Taylor en 2011, qui avait alors dépassé les 100 millions de dollars.
Plus de 700 bijoux font partie de cette collection Horten estimée à plus de 150 millions de dollars, mais moins de 100 étaient proposés mercredi et 150 autres vendredi. Le reste est vendu en ligne jusqu'au 15 mai et en novembre.
Polémique
La plupart des lots ont trouvé preneur mercredi, malgré les demandes d'annuler la vente de nombreuses organisations juives. Mais certaines pièces maîtresses de la collection ont été dispersées à des prix inférieurs aux estimations.
"L'ensemble de la collection était estimée à 150 millions de dollars. Et nous avons atteint 155 millions rien que pour la première vente, donc je pense que c'est un très bon résultat", s'est félicité M. Kadakia.
Juste avant la vente, il avait de nouveau expliqué pourquoi Christie's avait choisi d'accepter de disperser cet impressionnant ensemble de joyaux.
La provenance des bijoux est irréprochable et "tous les profits de la vente seront versés à une fondation (la fondation Horten), qui soutient des causes philanthropiques", avait-il insisté, ajoutant que "Christie's apportera une contribution significative" du produit de la vente aux institutions juives et à l'éducation sur l'Holocauste, "d'importance vitale".
Mardi encore, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) est venu joindre sa voix aux opposants à la vente, la jugeant indécente.
Bien que très disputée, l'une des pièces maîtresses de la collection de Mme Horten (1941-2022), une bague Cartier sertie d'un rubis "sang de pigeon" de 25,59 carats, estimée entre 14 et 18 millions de francs suisses, n'a atteint que 11 millions de francs au marteau, environ 13 millions avec la commission.
La "Briolette d'Inde", un diamant blanc de 90,36 carats rattaché à un collier formé d'une myriade de petits diamants blancs, estimée entre 9 et 14 millions de francs suisses, est partie à seulement 5,2 millions de francs au marteau (6,3 millions de francs avec la commission).
Quant au somptueux collier de trois rangées de perles naturelles, avec pour fermoir un diamant rose de 11,15 carats (estimé entre 6,4 et 9,3 millions de francs), il a été vendu 4 millions de francs (près de 6,5 millions de francs avec la commission).
Selon le classement Forbes, la fortune de Mme Horten, décédée en juin 2022, s'élevait à 2,9 milliards de dollars.
"Doublement indécente"
Mais l'origine de la fortune de son mari, qui possédait l'une des plus grandes chaînes de grands magasins en Allemagne, a suscité des critiques. En 1936, trois ans après l'accession du dictateur nazi Adolf Hitler au pouvoir, il avait repris la société textile Alsberg dont les propriétaires juifs avaient fui, ainsi que plusieurs autres magasins ayant appartenu à des juifs avant la guerre.
Helmut Horten a par la suite été accusé d'avoir profité de l'"aryanisation" des biens juifs - ces mesures de spoliation visant à transférer la propriété d'entreprises détenues par des personnes d'origine juive.
Malgré les assurances de Christie's, le président du Crif y voit une vente aux enchères "doublement indécente: non seulement les fonds ayant permis d'acquérir ces bijoux sont pour partie issus de l'aryanisation des biens juifs menée par l'Allemagne nazie, mais en plus, cette vente doit abonder une fondation dont la mission est d'assurer la postérité du nom de famille d'un ancien nazi!"
Le Centre Simon Wiesenthal, spécialisé dans la traque des anciens nazis, et le Comité juif américain ont aussi dénoncé la vente.
"Ne récompensez pas ceux dont les familles ont pu s'enrichir grâce à des Juifs désespérés ciblés et menacés par les nazis", a plaidé le rabbin Abraham Cooper, un des responsables du centre Simon Wiesenthal.
Pour le Comité juif américain non plus, les efforts de Christie's ne suffisent pas.