Cette accélération de la consommation va contraindre le pays à doubler sa production d'énergies renouvelables d'ici à 2035, souligne RTE dans cette analyse destinée à éclairer le débat public avant l'élaboration de la stratégie énergétique du pays par le gouvernement.
Le gestionnaire s'attend à une consommation annuelle d'électricité en forte hausse, comprise entre 580 et 640 terawattheures en 2035, alors qu'en 2021 il tablait encore sur une consommation de 540 TWh dans un scénario moyen dit de référence, et de 585 TWh en cas de "réindustrialisation profonde" du pays.
En 2022, les Français ont consommé 460 TWh d'électricité.
Les nouvelles prévisions intègrent les bouleversements intervenus depuis deux ans : la publication du programme européen "Fit for 55" qui renforce les exigences de réduction des émissions de CO2 des pays européens (-55% par rapport à 1990 au lieu de -40% précédemment) et la guerre en Ukraine.
Celle-ci a mis en évidence une nécessité de souveraineté et de relocalisation de l'industrie à mener de pair avec la décarbonation de la société. En clair, un besoin urgent et massif d'électricité dans les usines pour remplacer le gaz et le charbon émetteurs de CO2, alors que les consommateurs ont besoin aussi de plus d'électricité dans leur vie quotidienne, comme pour les voitures électriques.
"Plus vite"
Du coup, la croissance de la consommation électrique en France devrait dépasser 10 TWh par an pendant la décennie 2025-2035, un rythme qui "n'a plus été atteint depuis les années 80", estime RTE dans son bilan.
Ce rythme "met en évidence l'ampleur du défi auquel le système électrique est confronté", insiste RTE. Il va falloir produire rapidement plus d'électricité bas-carbone, alors même que les premiers des nouveaux réacteurs nucléaires annoncés par le gouvernement ne verront pas le jour avant 2035 au plus tôt.
"Atteindre d'ici 2035 une production électrique bas-carbone de 600 TWh minimum, et si possible de 650 TWh voire plus de sorte à couvrir le haut de la fourchette des perspectives de consommation électrique, apparaît ambitieux (...) mais faisable", rassure néanmoins RTE.
Cela va conduire de fait le pays à produire "plus de renouvelables, et plus vite dans les prochaines années", a résumé Xavier Piechaczyk, président de RTE lors d'une conférence de presse.
Avec pour objectif d'atteindre au minimum 250 TWh d'ici 2035, contre environ 120 TWh aujourd'hui. C'est un doublement de la production actuelle, mais cela reste inférieur à ce que fait l'Allemagne, souligne M. Piechaczyk.
"Il y a urgence à déployer l'éolien terrestre et le solaire qui peuvent être mis en oeuvre dans des délais courts" a ajouté Thomas Veyrenc, directeur exécutif de RTE. Selon lui, "viser moins de 250 Twh de renouvelables en 2035, ce serait prendre un gros risque sur la trajectoire (climatique) à moyen terme".
Les objectifs précis de production, et leurs coûts, seront détaillés dans la suite du rapport de RTE prévue "en septembre".
La sobriété "n'est plus une option"
Entre 2030 et 2025, l'éolien en mer pourra s'ajouter "sous réserve que la France parvienne à attribuer massivement des parcs entre aujourd'hui et 2025". Puis, après 2035, le renouvellement du parc nucléaire par des EPR2 "peut permettre de poursuivre la croissance de la production" d'électricité bas carbone, complète RTE.
D'ici 2035, la prévision "prudente" de RTE pour la production nucléaire annuelle moyenne est au total de 360 TWh, pouvant aller jusqu'à 400 TWh grâce à des actions de "maximisation" du parc actuel.
Mais les marges de manoeuvre diminuent. Pour boucler l'équation énergétique, c'est à dire réussir à la fois la décarbonation et l'industrialisation, "il faut de l'efficacité, de la sobriété, une production nucléaire la plus disponible possible et beaucoup d'énergies renouvelables supplémentaires", selon M. Piechaczyk.
La sobriété, et toute forme d'économie d'énergie, présentée comme une option en 2021, "n'est plus une option", ajoute-t-il, "c'est ce qui est nouveau".