La monnaie turque, soutenue massivement par la Banque centrale turque avant les élections présidentielle et législatives de mai, s'échangeait peu après 12H00 GMT autour d'un dollar pour 23,15 livres turques, soit -7%.
La livre turque perdait encore davantage de terrain face à l'euro (-7,7%), après avoir franchi la barre symbolique de 25 livres pour un euro. Il s'agit de la plus forte baisse de la livre depuis la dégringolade survenue fin 2021.
La monnaie évoluait à moins de 20 livres pour un dollar et moins de 21,50 livres pour un euro avant le second tour de l'élection présidentielle le 28 mai.
La banque centrale turque a dépensé près de 30 milliards de dollars pour soutenir la monnaie nationale entre le 1er janvier et le scrutin présidentiel, propulsant ses réserves de change en terrain négatif pour la première fois depuis 2002.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a conduit ces dernières années une politique monétaire hétérodoxe, a nommé samedi un nouveau ministre de l'Economie, Mehmet Simsek, qui aura pour mission d'endiguer l'inflation (39,6% sur un an en mai) et de remettre l'économie turque sur les rails.
Lors de sa prise de fonction dimanche, M. Simsek, partisan d'un virage vers l'orthodoxie, a averti qu'il faudrait revenir à des "mesures rationnelles" pour redresser l'économie.
"Coma"
"Je pense que nous voyons l'impact de Simsek qui pousse la Banque centrale turque vers une politique rationnelle - ce qui signifie une monnaie plus faible et compétitive", a estimé mercredi Timothy Ash, analyste spécialiste des marchés émergents au cabinet BlueBay, pour qui "nous assistons à une normalisation" de la politique monétaire turque.
Pour Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote Bank, la livre turque sort du "coma" et "va passer de nouveau d'un record à l'autre".
"Personne ne sait ce que le gouvernement (turc) veut vraiment faire mais nous savons qu'il y a, après les élections, un effort pour sortir d'une politique monétaire absurde et revenir à des choix plus orthodoxes", affirme-t-elle.
"C'était inévitable", indique pour sa part à l'AFP l'économiste Güldem Atabay.
Pour elle, cette chute de la livre devrait durer jusqu'à la décision de la Banque centrale sur les taux d'intérêt le 22 juin. "Quelle sera la hausse des taux d'intérêt ? Si c'est 25 points de base (...), cela ne changera rien. Vont-ils passer de 8,5% à 20% ? Nous verrons", ajoute M. Atabay.
Les analystes estiment qu'une forte hausse du taux directeur, actuellement stable à 8,5% depuis fin février, pourrait aider à redresser l'économie turque.
Le président Erdogan a contraint la Banque centrale turque à abaisser régulièrement ses taux d'intérêt, contribuant à la flambée de l'inflation.
A rebours des théories économiques classiques, le chef de l'Etat turc estime que les taux d'intérêt élevés favorisent l'inflation.
M. Erdogan a, à plusieurs reprises, invoqué les préceptes de l'islam, qui interdit l'usure et affirme que les taux d'intérêt élevés sont promus par un "lobby" étranger.