Aucun haut responsable russe n'a commenté l'évènement. Le président russe Vladimir Poutine, qui considère le chef mercenaire comme un traître, n'a pas évoqué directement le sujet lors d'apparitions publiques mercredi soir et jeudi matin.

L'agence russe pour le transport aérien, Rossaviatsia a confirmé qu'Evguéni Prigojine se trouvait à bord de l'avion effectuant un vol entre Moscou et Saint-Pétersbourg qui s'est écrasé en début de soirée mercredi dans la région de Tver.

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Aucun des sept passagers et trois membres d'équipage n'a survécu, mais les autorités n'ont pas encore formellement annoncé la mort du chef de Wagner, les corps n'ayant pas été identifiés.

Bras droit aussi à bord

On compte aussi parmi les morts présumés le bras droit de Prigojine, Dmitri Outkine, mystérieux ex-officier du renseignement militaire russe et commandant opérationnel de Wagner. Autre nom, Valéri Tchekalov, que des médias russes présentent comme un responsable logistique du groupe.

Le ministère russe des Situations d'urgence a, lui, indiqué que l'appareil qui s'est écrasé près du village de Koujenkino était un jet privé Embraer Legacy.

Des vidéos dont l'AFP n'a pas pu confirmer l'authenticité ont été diffusées sur plusieurs chaînes Telegram se disant liées à Wagner, montrant des débris en feu dans un champ ou encore un appareil tombant du ciel. Les images des sauveteurs russes montrent des restes fumants dans une clairière.

Thèse d'un tir de missile

Une enquête a été ouverte pour «violation des règles de sécurité du transport aérien» par le Comité d'enquête russe, puissant organe d'investigation, qui n'évoque aucune piste particulière.

Sur les réseaux sociaux, des comptes proches de Wagner - qui n'a pas de présence officielle en ligne - évoquaient dès mercredi soir la thèse d'un tir de missile sol-air pour expliquer le drame, alimentant les conjectures quant à un assassinat. Car durant la révolte armée de 24 heures, Vladimir Poutine avait du mal à cacher sa colère, accusant Prigojine de «trahison».

Si certains, en ligne, évoquent une mise en scène orchestrée par le chef mercenaire pour disparaître, la cheffe de RT, média d'Etat et soutien farouche de Vladimir Poutine, Margarita Simonian, n'y croit pas. «Personnellement, je penche vers (la piste) la plus évidente», a-t-elle écrit sur X, l'ex-Twitter.

Oeillets rouges et têtes de mort

Dans la nuit, des badauds sont venus se recueillir devant le siège de Wagner à Saint-Pétersbourg, déposant des oeillets rouges, des bougies et des écussons à tête de mort devant le bâtiment.

«Nous n'avons pas de mots», y a déclaré à l'AFP un homme masqué, portant une casquette et un sweat-shirt avec le logo de l'organisation et appelant à soutenir «Evguéni Viktorovitch (Prigojine) et tous nos commandants».

Signal de «Poutine aux élites russes»

En Ukraine, où Wagner a longtemps combattu, on se réjouit de la mort présumée du chef de guerre.

«Peut-être que cela donnera une impulsion à des évènements déstabilisateurs» en Russie, dit Iryna Kouchina, une fonctionnaire interrogée par l'AFP sur l'avenue centrale de Kiev où des carcasses de chars russes ont été installées à l'occasion de la fête de l'Indépendance jeudi.

Un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak, a lui vu dans la mort de M. Prigojine un signal de «Poutine aux élites russes avant l'élection (présidentielle) de 2024».

Poutine muet

Vladimir Poutine est resté silencieux sur l'évènement qui domine l'actualité de son pays. Il est intervenu brièvement jeudi par visioconférence lors du sommet des pays du Brics en Afrique du Sud, où il ne s'est pas rendu car il reste visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale.

Mercredi soir, il avait prononcé un discours marquant le 80e anniversaire de la bataille de Koursk. Clin d'oeil ou non, le Russe a salué le «dévouement» et la «loyauté» des soldats russes en Ukraine. A l'étranger, des responsables sous-entendaient que la mort du chef mercenaire pouvait avoir été orchestrée par l'Etat russe.

«Pas un hasard»

Le président américain Joe Biden a estimé mercredi que «peu de choses se passent en Russie sans que Poutine n'y soit pour quelque chose».

La cheffe allemande de la diplomatie a estimé que ce n'était «pas un hasard» que tout le monde soupçonne le Kremlin« quand un ex-proche de Poutine en disgrâce tombe littéralement subitement du ciel deux mois après avoir tenté une rébellion».

Annalena Baerbock a pointé un système «dictatorial» «basé sur la violence en interne et à l'extérieur». Le porte-parole du gouvernement français Olivier Véran a lui estimé qu'existaient «des doutes raisonnables» sur «les conditions» du crash.

Bataille pour Bakhmout

Evguéni Prigojine a mené les 23-24 juin une rébellion contre l'état-major russe et le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, marchant sur Moscou, prenant un QG militaire et abattant des avions de l'armée russe.

Il a renoncé à sa mutinerie après une médiation du président bélarusse Alexandre Loukachenko. L'accord prévoyait l'exil de Prigojine au Bélarus, avec les hommes souhaitant le suivre et l'abandon de toutes poursuites. Mais le chef de Wagner a continué de venir en Russie, même au Kremlin.

Puis, il est apparu lundi soir dans une vidéo où il affirmait se trouver en Afrique pour «rendre la Russie encore plus grande». Wagner devait y poursuivre son activité, alors que le groupe avait quitté l'Ukraine.

En Ukraine, Evguéni Prigojine s'était illustré lors de la longue et sanglante bataille pour Bakhmout, dans l'Est, capturée en mai au prix de lourdes pertes. C'est lors de cette bataille que son conflit avec les hauts responsables militaires russes s'était envenimé, Prigojine les accusant d'incompétence et de ne pas lui livrer assez de munitions.