«Ce que nous voulons faire, c'est décarboner notre industrie», a déclaré Sébastien Bruna, directeur hydrogène au sein de la branche raffinage Chimie du géant français, lors d'un entretien téléphonique avec la presse.

Le pétrolier compte remplacer d'ici 2030 par de l'hydrogène propre les quelque 500'000 tonnes d'hydrogène «gris» qu'il utilise chaque année pour retirer le soufre de ses carburants dans ses six raffineries européennes: Anvers (Belgique), Leuna (Allemagne), Zeeland (Pays-Bas), Normandie, Donges et Feyzin (France), ainsi que dans ses deux bioraffineries de La Mède et Grandpuits (France).

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L'objectif est de réduire de 5 millions de tonnes (Mt) par an les émissions de CO2 de ses sites de raffinage chimie en Europe qui s'élevaient à 20,9 Mt en 2015, a précisé Jean-Marc Durand, directeur du raffinage et des sites de pétrochimie européens du groupe.

Car l'hydrogène «vert», produit par électrolyse de l'eau grâce à de l'électricité éolienne ou solaire, n'émet quasiment pas de CO2 dans l'atmosphère lors de sa fabrication.

Alors que l'hydrogène «gris», issu du gaz méthane, a un bilan carbone catastrophique: près de 10 tonnes de CO2 par tonne d'hydrogène produite.

«Changer d'échelle»

Parallèlement, Totalenergies a aussi confirmé qu'il allait continuer ses propres projets de production d'hydrogène propre localement, sur ses sites français, notamment en Normandie avec le groupe Air Liquide pour produire jusqu'à 15'000 tonnes par an d'ici 2026.

Cette coopération entre le chimiste et le pétrolier vise à décarboner «toutes les activités industrielles» de l'embouchure de la Seine.

Elle permet aussi à Totalenergies de revendiquer un rôle d'«acteur intégré de l'électricité» puisque l'électrolyseur d'Air Liquide sera partiellement alimenté par de l'électricité solaire et éolienne (pour 10'000 tonnes d'hydrogène), les 5000 tonnes restant venant du réseau électrique essentiellement d'origine nucléaire.

«Mais on a décidé de changer d'échelle, il y a énormément d'acteurs sur le marché mondial, aussi nous lançons cet appel d'offres pour tester le marché et voir les réponses», a indiqué M. Bruna.

«Nous nous fixons un an pour réunir l'ensemble des offres des acteurs qui voudront bien y répondre», a précisé Jean-Marc Durand.

Aucun des électrolyseurs de grande taille nécessaires à la production de telles quantités d'hydrogène vert n'est encore en activité dans le monde. Mais un tel appel d'offres est de nature à accélérer les constructions d'usines et les installations, espère le groupe.

L'appel «vise à donner un coup de boost» à la filière, a expliqué M. Bruna, qui souhaite «trouver l'hydrogène vert »le plus compétitif" possible.

100'000 emplois

En France, une dizaine de projets de giga-usines d'électrolyseurs, d'usines de piles à combustibles, de réservoirs à hydrogène ou de membranes d'électrolyseurs sont annoncés et ont reçu des aides validées par Bruxelles: McPhy à Belfort, Elogen à Vendôme, John Cockrill en Alsace, Genvia à Béziers, Alstom à Aix en Provence (piles à combustible) Forvia dans le Jura, Plastic Omnium à Compiègne, Symbio à Saint-Fons avec Michelin et Stellantis, Hyvia dans les Yvelines (Renault et Plug Power) et Arkema pour des membranes d'électrolyseurs.

Outre les projets de décarbonation de Totalenergies, France Hydrogène, qui regroupe tous les acteurs du secteur, recense aussi 250 projets en France autour de l'utilisation d'hydrogène: chez ArcelorMittal pour décarboner l'acier, chez Borealis (engrais), chez le producteur de ciment Vicat, ou des projets liés à la mobilité lourde au Mans, à Auxerre et à Dijon notamment.

Au total, la filière devrait compter 100'000 personnes d'ici 2030, contre 6.000 actuellement, avec une capacité de production installée de 6500 MW en 2030 contre 10 MW aujourd'hui, selon France Hydrogène.

Le défi sera de produire l'hydrogène vert à un prix compétitif. Actuellement sur les marchés, il est deux à trois fois plus cher que celui qui est produit à partir du méthane, souligne Totalenergies.

Un faible prix de l'électricité utilisée pour le produire est en effet capital, soulignait récemment auprès de l'AFP Pierre-Etienne Franc, patron du plus grand fonds d'investissement hydrogène, Hy24.