Ces investissements, qui ont pour ambition de faire émerger «un champion européen de l'IA» capable de proposer une large gamme de services aux entreprises désirant développer leurs propres applications dans le domaine, surviennent alors que l'Europe est jusqu'ici très largement dépassée par les Etats-Unis dans la course à l'intelligence artificielle, à l'image des milliards de dollars dépensés par les géants américains Google, Microsoft ou Meta.
«Pour que l'intelligence artificielle marche, il vous faut trois choses: des chercheurs, de la puissance de calcul et des sociétés qui exploitent tout ça», a confié Xavier Niel lors d'un entretien à l'AFP.
«On a vraiment besoin de ça, pour être sûr d'avoir des choses qui sortent d'ici, (...) pour ne pas avoir la totalité de nos données qui vont transiter vers ailleurs, pour que l'IA ne dépende pas d'algorithmes non créés ici et qui ne soient pas européens», a-t-il expliqué.
«On n'a pas envie d'avoir pour nos enfants des algorithmes qui reposent sur nos amis américains ou amis chinois. Ils sont fantastiques mais on n'a peut-être pas les mêmes règles ou les mêmes usages. (...) On a envie que nos algorithmes soient avec nos règles, avec notre méthode de fonctionnement», a-t-il poursuivi.
Pour atteindre cet objectif, Iliad a acquis un supercalculateur auprès de Nvidia, le géant américain des processeurs, pour doter Scaleway, sa filiale de fournisseur de services d'informatique dématérialisée (cloud), de «la plus grande puissance de calcul» du continent.
«Cet investissement représente une première étape pour le groupe», a encore précisé l'entreprise, qui n'écarte pas une montée en puissance dans le domaine, au vu de la demande «colossale».
Conférence européenne «de référence»
Iliad a également révélé mardi la création d'un laboratoire de recherche d'excellence en IA à Paris, déjà doté de «plus de 100 millions d'euros», avec pour mission la construction et la démocratisation d'une «intelligence artificielle générale».
Si l'entreprise ne dévoile pas les noms de l'équipe de recherche, elle affirme avoir déjà constitué un groupe de chercheurs «internationalement reconnus» pour leur expertise dans le domaine, et qui ont déjà travaillé «depuis une dizaine d'années au sein des plus grands acteurs internationaux du marché».
Alors que la compétition fait rage pour attirer les talents de l'IA, l'enjeu, «c'est comment réussir à les convaincre ? Qu'est-ce qu'on est capable de leur promettre pour les faire venir ?», a insisté Xavier Niel, alors que Meta a installé le Français Yann Le Cun pour diriger son laboratoire d'intelligence artificielle.
En France, «on a les meilleurs écoles pour faire de la recherche et, ça, tous les Américains vous le diront», a-t-il ajouté, faisant référence à l'école Polytechnique ou à l'ENS.
Dans cette course à la construction d'un écosystème français de l'IA, Xavier Niel a déjà investi, à travers ses différentes entités, «une grosse dizaine de millions d'euros cumulés», dans les start-up les plus prometteuses du secteur, où il y a des «équipes de recherche incroyables, des génies», selon lui.
Il a par exemple fait partie du tour de table réalisé par Mistral AI, jeune pousse française créée par des pointures du secteur qui avait enregistré en juin dernier une levée de fonds de 105 millions d'euros. Un record pour une start-up d'IA française.
Iliad va aussi organiser sa première conférence européenne sur l'IA, qui a vocation à devenir «l'événement annuel de référence» sur ce sujet en Europe.
La première édition doit avoir lieu le 17 novembre à Station F, le plus grand incubateur de start-up au monde à Paris, fondé en 2017 par Xavier Niel.