Avec sa plainte pour prétendu abus de pouvoir de marché relatif, Payot reprochait à Madrigall d'empêcher les libraires suisses de se procurer en France des livres au prix du marché français et aux conditions usuelles françaises. Son patron Pascal Vandenberghe dénonçait une surmajoration du prix des livres et une distorsion de la concurrence. La Commission de la concurrence (Comco) a depuis ouvert une enquête à l'encontre du groupe français.
Son président, Antoine Gallimard, voit dans cette plainte, le moyen pour Payot de «renforcer son pouvoir sur le marché vis-à-vis de ses concurrents et améliorer les conditions commerciales obtenues de ses fournisseurs». «Payot agit à mon sens dans une logique purement financière», affirme-t-il dans l'entretien accordé au Temps.
Le dirigeant français justifie le prix d'achat des livres pour les libraires suisses 40 à 50% plus élevés que s'ils pouvaient s'approvisionner directement en France par le coût de la vie plus élevé en Suisse. Et avec le système actuel, les libraires n'ont pas à se soucier de la «chaîne logistique ou des questions douanières, précise-t-il. Ces services représentent un coût pour notre groupe».
«Paradoxal»
Antoine Gallimard se dit toutefois «pas opposé à l'approvisionnement direct en France avec les libraires qui le souhaitent». Des discussions à ce sujet étaient en cours avec Payot en septembre 2022, assure-t-il. Mais au lieu de continuer cette discussion, le groupe suisse a «préféré procéder à une dénonciation à la Comco».
Le leader romand n'est pas le seul à avoir réagi aux prix pratiqués par les diffuseurs de livres français. Des libraires indépendants ont fait pression l'automne dernier pour que la baisse de l'euro soit répercutée sur le prix suisse. «Madrigall a été parmi les premiers diffuseurs à baisser sa tabelle» à la suite de cette action, assure M. Gallimard.
Celui-ci souligne que si une majorité des indépendants a choisi de baisser ses prix à la suite de cette diminution, Payot n'a pas changé les siens à ce moment. «C'est paradoxal pour quelqu'un qui prétend agir au nom du pouvoir d'achat des consommateurs», lance le Français.
COMCO: décision attendue en 2024
Sollicité par Keystone-ATS, le patron de Payot n'a pas souhaité faire de commentaires, «pour l'instant», sur les propos tenus par M. Gallimard.
Egalement interrogé par l'agence de presse, le directeur de la COMCO Patrick Ducrey a indiqué que l'enquête ouverte le 31 janvier dernier était «toujours en cours». Ses conclusions ne sont pas attendues d'ici la fin de l'année, mais plutôt pour le premier semestre 2024, selon lui.