Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total en Ouganda ont déposé cette plainte le 22 septembre.

«Alors que l'ONU s'inquiète de +l'effondrement climatique+ en cours, TotalEnergies ne doit plus continuer à alimenter sciemment, librement et impunément le dérèglement climatique», ont déclaré lundi les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth, confirmant une information du Monde. «Il est temps que l'entreprise soit tenue responsable de ses activités», ont-ils ajouté dans un communiqué.

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Cette plainte est selon eux «inédite» car elle assigne la société TotalEnergies «devant le juge pénal pour des faits s'apparentant à un climaticide, et qui, jusqu'ici, n'avaient leur place que devant des juridictions civiles».

La plainte vise plusieurs infractions: abstention de combattre un sinistre, atteintes involontaires à l'intégrité de la personne, destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui de nature à créer un danger pour les personnes, et homicide involontaire.

TotalEnergies «n'a pas connaissance de cette plainte et ne sait pas ce qu'elle vise», a réagi l'entreprise, sollicitée par l'AFP. «La compagnie mène ses opérations en conformité avec ses standards d'opération et avec les lois et règlements. Elle répondra aux demandes des autorités le cas échéant», a-t-elle ajouté.

TotalEnergies avait annoncé l'année dernière un accord d'investissement de 10 milliards de dollars avec l'Ouganda, la Tanzanie et la compagnie chinoise CNOOC, comprenant notamment la construction d'un oléoduc chauffé (EACOP) de 1443 kilomètres reliant les gisements du lac Albert, dans l'ouest de l'Ouganda, à la côte tanzanienne sur l'océan Indien.

Le groupe prévoit le forage de près de 400 puits de pétrole dans le parc naturel des Murchison Falls - les chutes du Nil blanc, parmi les plus puissantes au monde - remarquable réserve de biodiversité et plus grand parc national d'Ouganda.

Projet contesté

Le projet a rencontré l'opposition de militants et de groupes de défense de l'environnement qui estiment qu'il menace le fragile écosystème de la région et les populations qui y vivent. Début juillet, Human Rights Watch avait demandé son arrêt, estimant dans un rapport qu'il avait déjà «dévasté les moyens de subsistance de milliers de personnes».

Pour les avocats des associations, ce projet entraînerait «d'importants déplacements de populations» et «un appauvrissement majeur des populations locales». Il aurait aussi un impact majeur sur «de nombreuses zones naturelles», soulignent-ils.

Les plaignants accusent le groupe de ne mettre en place «aucune action permettant de lutter contre le sinistre qui frappe déjà la moitié de la population mondiale». Ils dénoncent sa stratégie de communication «visant à donner l'illusion d'une stratégie environnementale ambitieuse afin de dissimuler l'absence d'actions concrètes et adaptées» pour lutter contre le réchauffement climatique.

TotalEnergies avait déjà été assigné en justice en octobre 2019 par Les Amis de la Terre, Survie et quatre associations ougandaises, qui lui reprochaient de mener le projet EACOP/Tilenga au mépris des droits humains et de l'environnement.

Elles avaient été déboutées en février dernier par le tribunal de Paris, qui reprochait en creux aux ONG de ne pas avoir suffisamment exploré la voie du dialogue avec le géant pétrolier avant de saisir la justice.

Mes Bourdon et Brengarth ont aussi rappelé que selon l'Agence internationale de l'énergie, il fallait, pour respecter l'accord de Paris sur le climat et «éviter +un avenir apocalyptique+», «renoncer immédiatement à tout nouveau projet pétrolier».

Or TotalEnergies est l'entreprise pétrolière privée «qui a approuvé le plus de nouveaux projets pétroliers» pour la période allant de 2022 à 2025, «qui sont totalement incompatibles avec l'accord de Paris et nous mènent tout droit vers un réchauffement de +3°C ou +3,5°C» conduisant «au chaos», selon les avocats.

Ils espèrent désormais que «la justice française obligera TotalEnergies à changer radicalement sa stratégie d'investissement pour diminuer drastiquement les investissements fossiles et développer massivement les énergies renouvelables», rappelant qu'aux Pays-Bas, «la justice a obligé le groupe Shell à diminuer de 45% ses émissions de CO2 d'ici 2030».

Ils attendent «l'ouverture d'une enquête dans les meilleurs délais».