L'histoire «un peu folle, mais magnifique, a commencé en octobre 2022 où j'ai été contacté par un biologiste italien. Il s'inquiétait de la disparition d'une espèce de triton en Calabre qu'il suivait depuis 20 ans», a expliqué à Keystone-ATS Michel Ansermet, directeur d'Aquatis.
Très similaire du triton alpestre suisse, cette espèce unique s'est développée lors de la dernière ère glaciaire. Elle ne vit que sur quelques kilomètres carrés, dans quatre petits lacs de montagne. La cause de sa disparition: la relâche de poissons rouges, carpes et guppys (poissons tropicaux) qui s'en nourrissent.
Autorisation rapide
Avec l'appui de l'Association européenne des eaux et après avoir contacté les autorités italiennes concernées, Aquatis a reçu en quelques semaines l'autorisation de ramener quarante spécimens à Lausanne. Ils ont été prélevés par l'Université de Calabre à fin mai.
Après avoir observé le milieu naturel et effectué des prélèvements d'eau sur place, Aquatis a ramené mi-juin les amphibiens à Lausanne dans un jet privé. «Nous avons pu nous greffer sur un voyage existant, les tritons n'ont ainsi pas eu à souffrir d'un grand transport très long», explique Michel Ansermet. En juillet, quelques centaines de larves avaient déjà vu le jour après la ponte des oeufs dans des installations adaptées.
Aujourd'hui, Aquatis dispose de quelque 800 larves, certaines aquatiques, certaines terrestres, qui vont hiberner artificiellement dans des frigos. L'aquarium compte en remettre entre 3000 et 5000 dans leur milieu naturel en juillet prochain.
Eliminer les espèces invasives
Entretemps, l'institution a convaincu le département de l'environnement de la Calabre de dévier les arrivées d'eau des quatre petits lacs pour les assécher durant l'hiver. Il sera ainsi possible d'éliminer les espèces invasives.
L'opération est actuellement en cours. En janvier ou février, les plans d'eau seront à nouveau remplis, ce qui permettra de reconstituer l'écosystème pendant cinq à six mois.
Il s'agira également d'impliquer la population locale, afin de lui faire prendre conscience de l'enjeu de ne pas remettre des poissons dans la nature. Un travail sera fait avec les écoles, des classes seront, par exemple, responsables d'un lac.
«Ce programme de préservation a permis en quelques semaines à notre jeune entreprise de sauver une espèce», se réjouit M. Ansermet. «On a prouvé qu'on sait le faire et bien. C'est une base pour de futurs projets». Le financement a été assuré par la Fondation Aquatis. L'opération a été contrôlée par les autorités italiennes et suisses.