Parfaitement camouflée, la truite marmorata (Salmo marmoratus) a dominé les eaux du sud de la Suisse pendant des millénaires, relève mardi la FSP. Mais elle n'est aujourd'hui plus présente que dans le lac Majeur et quelques cours d'eau isolés du Tessin, dans le Val Bregaglia et le Val Poschiavo.
De plus, de nombreuses truites marmorata ne sont plus génétiquement pures, mais hybridées avec la truite de souche atlantique.
Prédateur alpha
La marmorata est un poisson vorace. Les jeunes individus se contentent d'insectes et de crustacés. Mais dès que sa bouche caractéristique est assez grande, la truite ne connaît aucun répit et dévore tout ce qu'elle peut. Même les plus petits de ses congénères ne sont pas à l'abri.
Il n'est donc pas étonnant que ce prédateur alpha, qui peut atteindre plus d'un mètre de long, trône au sommet de la chaîne alimentaire.
Politique de repeuplement erronée
Même cette espèce de poisson adaptable a toutefois été victime de notre civilisation, déplore la FSP. Elle a ainsi fait les frais d'une pratique de repeuplement involontairement erronée durant les décennies passées, explique David Bittner, administrateur de la fédération, cité dans le communiqué. Des truites du bassin du Rhin ont en effet été introduites dans les eaux de la marmorata.
Autres problèmes, les obstacles mis à la migration des poissons. Or la marmorata remonte les cours d’eau sur plusieurs kilomètres pour frayer. «Si la migration piscicole est interrompue par des obstacles, la reproduction est fortement limitée», dit M. Bittner. Sans compter d'autres problèmes fondamentaux de la protection des eaux.
Efforts de conservation
La fédération de pêche du canton du Tessin s'engage, en collaboration avec la FSP, pour le sauvetage et la conservation du poisson, dans le domaine de l'élevage et de la gestion.
En outre, un projet similaire aux efforts actuels dans le cadre du projet «Doubs Vivant» pour la sauvegarde du «Roi du Doubs» est à l'étude. Le projet MarmoGen de la fédération de pêche du Tyrol du Sud doit servir de modèle.
Plusieurs raretés
Le Tessin, région hydrographique relativement isolée de Suisse, dispose d'une biodiversité de poissons particulière, relève la FSP. On y trouve ainsi encore la truite de l'Adriatique, autre espèce unique, à côté de la truite marmorata et des autres espèces de truites de Suisse, la truite atlantique, la truite zébrée et la truite du Danube.
La palette des poissons tessinois comprend encore d'autres raretés, comme le brochet méridional et l'ombre adriatique. Au total, plus de 20 espèces ne se trouvent que sur le versant sud des Alpes. Certaines sont des raretés spécifiques du Tessin, comme une sorte d’alose «Agone», la blennie «Cagnetta» ou les cyprinidés «Pigo», «Triotto» et «Alborella».
Autorités exhortées à agir
Pour sauver la truite marmorata et la biodiversité piscicole sous pression dans tout le pays, la FSP pose plusieurs exigences. Il s'agit d'abord de protéger systématiquement les derniers cours d'eau écologiquement intacts.
Il faut aussi revitaliser les autres en valorisant leurs habitats, garantir la libre migration des poissons avec des débits résiduels suffisants, des ouvrages de montaison et de dévalaison ainsi que l’assainissement du régime d'éclusées et du charriage minéral pour toutes les installations hydroélectriques.
La pollution des eaux par l'agriculture, l'industrie et les agglomérations doit par ailleurs être réduite. Les autorités sont enfin appelées à prévenir la propagation d'espèces invasives.