Les banquiers centraux membres de la BCE ont été clairs lors de leurs récentes déclarations, notamment lors du forum de Davos la semaine dernière: les chances sont faibles de voir l'institution de Francfort assouplir sa politique monétaire avant l'été.
C'est l'horizon qu'a mentionné la présidente de la BCE Christine Lagarde qui a jugé «probable» des baisses de taux à cette période, tout en insistant sur l'importance des «données» encore à venir, sur l'évolution des prix ou des salaires.
Après avoir porté ses taux directeurs à leur plus haut niveau historique, la BCE marque une pause dans ce cycle inédit de resserrement monétaire qui l'a conduit à relever ses taux à dix reprises depuis mi-2022.
Pour la troisième fois depuis octobre, elle devrait les laisser inchangés à l'issue de sa réunion de jeudi à Francfort.
Le principal taux directeur rémunérant les dépôts, référence pour le crédit en zone euro, campe désormais à un niveau historiquement haut de 4,00%.
Selon les gardiens de l'euro, il faut continuer à se donner le temps d'évaluer le cap que prend l'économie en zone euro.
Le loyer élevé de l'argent a freiné le financement de l'économie en limitant la demande de crédit et par ricochet celle de biens et de services, permettant de calmer les prix qui s'étaient envolés avec les effets de la guerre en Ukraine sur les coûts du gaz et du pétrole.
La hausse des prix à la consommation a atteint 2,9% sur un an en décembre, en zone euro, très loin du sommet de 10,6% touché en octobre 2022.
Ce chiffre marque un léger sursaut, à cause d'un effet statistique, après l'inflation de 2,4% enregistrée en novembre.
Et la BCE veut rester vigilante dans un contexte de crises multiples : les prix de l'énergie moins prévisibles dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas et de perturbations en mer Rouge, qui font également grimper les coûts de transport.
Salaires à la loupe
Les marchés eux continuent eux de parier en majorité sur une première baisse des taux en avril, suivie d'autres baisses de 25 points de base à chaque réunion pendant le reste de l'année, selon les économistes.
«Le Conseil des gouverneurs devrait discuter jeudi du moment où il faudra réduire les taux, même si Mme Lagarde dira qu'officiellement aucune discussion n'a eu lieu, afin de ne pas alimenter les spéculations», déclare à l'AFP Dirk Schumacher, chez Natixis.
Scrutée par les marchés financiers et la BCE, l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire corrigée des prix très volatils de l'énergie et de l'alimentation, a reculé à 3,4%, après 3,6% en novembre, mais toujours bien au-dessus des 2% visés par l'institution.
Le communiqué de presse jeudi devrait ainsi répéter que les taux maintenus suffisamment longtemps à leur niveau élevé vont «fortement contribuer» au retour de l'inflation à l'objectif.
Les tensions sur les prix domestiques restent soutenues, aux yeux des banquiers centraux, du fait de la croissance forte des coûts unitaires de main-d'oeuvre.
La BCE surveille l'évolution des salaires, dernièrement en forte hausse en zone euro pour compenser l'inflation. Combinée à une faible productivité, ils continuent de faire grimper les coûts unitaires de main-d'oeuvre et donc les prix, avec le risque d'un effet de spirale redoutée par les responsables monétaires.
La croissance de la rémunération par employé a diminué de 0,3 point de pourcentage au troisième trimestre de 2023 pour s'établir à 5,2%.
La BCE voudra attendre jusqu'en juin pour voir comment s'est comporté l'indicateur sur les deux trimestres suivants, a récemment déclaré son chef économiste Philip Lane.
Aux Etats-Unis, où les marchés envisagent une première baisse des taux en mars, les responsables de la Réserve fédérale ont également modéré leurs attentes, indiquant qu'il reste encore beaucoup à faire pour ramener l'inflation à 2%.