La pénalité équivaut à près de 3% du chiffre d'affaires de l'entreprise, un niveau «quasiment sans précédent», a précisé le gendarme français de la vie privée à l'AFP. Le maximum encouru est de 4%.

Au terme de quatre ans d'enquête et d'analyse juridique, la Cnil conclut qu'AFL a mis en place «un système de surveillance de l'activité et des performances des salariés excessivement intrusif» au regard du règlement général sur la protection des données (RGPD).

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En 2021, le chiffre d'affaires d'AFL s'élevait à 1,135 milliard d'euros, pour un résultat net de 58,9 millions d'euros.

«Nous sommes en profond désaccord avec les conclusions de la Cnil qui sont factuellement incorrectes et nous nous réservons le droit de faire appel», a réagi un porte-parole d'Amazon par communiqué.

Filiale du géant américain de la distribution en ligne, Amazon France emploie plus de 20.000 salariés en CDI, dont une partie travaille pour Amazon France Logistique, qui gère les entrepôts de grande taille dont huit centres de distribution.

Recevant l'AFP le 16 janvier dans celui des environs de Douai (Nord), David Lewkowitz, le président d'AFL, avait insisté sur la nécessité d'avoir des outils de gestion de précision pour être performant dans le traitement des commandes.

Dans cet entrepôt moderne, plusieurs dizaines de milliers de colis griffés du fameux sourire sont traités par jour, passant de main en main et de machine en machine dans une organisation au cordeau.

Au sein de ces quelque 90'000 m2 sur plusieurs étages, s'affairent plusieurs centaines d'employés, chargés de réceptionner, identifier, entreposer, emballer, vérifier et expédier des marchandises.

Un outil est au centre de toute cette logistique: le scanner.

Mais pour la Cnil, qui a ouvert une procédure en 2019 à la suite d'articles de presse et de plaintes de salariés, Amazon France Logistique en abuse.

«Pression continue»

Elle lui reproche notamment de recueillir des données de productivité de manière massive via les scanners, en infraction avec le RGPD.

Une analyse contestée par Amazon, qui argue dans son communiqué que «l'utilisation de systèmes de gestion d'entrepôt est une pratique courante du secteur: ils sont nécessaires pour garantir la sécurité, la qualité et l'efficacité des opérations et pour assurer le suivi des stocks et le traitement des colis dans les délais et conformément aux attentes des clients».

Trois indicateurs enregistrés par ces scanners et transmis aux managers sont considérés «illégaux» par la Cnil.

Le premier, le «stow machine gun», note lorsqu'un article est scanné «trop rapidement», en moins de 1,25 seconde.

Le deuxième est l'«idle time», signale une période d'inactivité de plus de dix minutes.

Un autre indicateur, enfin, mesure le temps écoulé «entre le moment où l'employé a badgé à l'entrée du site» et celui où il a scanné son premier colis, a encore expliqué la Cnil à l'AFP.

L'instance juge que ce système conduit potentiellement les salariés à devoir justifier de toute interruption, même «de trois ou quatre minutes», de l'activité de son scanner, «(faisant) peser sur eux une pression continue».

Outre ces indicateurs, la Cnil reproche également à Amazon de conserver durant 31 jours ces données, ce qu'elle juge «excessif».

Amazon a indiqué à l'AFP avoir proposé à la Cnil de désactiver le «stow machine gun» et d'étendre à 30 minutes le temps de déclenchement de l'«idle time».

Elle assure que le premier indicateur vise à vérifier que chaque salarié prend le temps que chaque article soit correctement inspecté et qu'il n'adopte pas des postures propres à compromettre sa sécurité et sa santé.

Et que le second sert à identifier une défaillance continue et anormale (fournitures manquantes, machines défaillantes, etc.).

L'entreprise a deux mois pour formuler un recours devant le Conseil d'Etat.

La Cnil a dit à l'AFP «se réserver la possibilité de faire de nouveaux contrôles».