Le premier ministre Gabriel Attal a réuni jeudi matin les ministres de l'Agriculture, de la Transition écologique et de l'Economie et de premières mesures seront annoncées vendredi.
Le temps presse d'autant plus pour le gouvernement que les «syndicats risquent d'être débordés si l'attente est trop longue», ont alerté les services de renseignement dans une note consultée par l'AFP, en jugeant «réels» «les risques de troubles à l'ordre public».
Jeudi, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a lancé un «dialogue stratégique» avec le secteur agricole pour tenter de surmonter «la polarisation croissante sur les sujets liés à l'agriculture», sur fond de manifestations à travers l'Europe.
Promis depuis septembre, ce rendez-vous intervient alors qu'entre blocages d'autoroutes et défilés de tracteurs, la grogne agricole touche la France, l'Allemagne, la Roumanie ou la Pologne, visant notamment les normes écologiques et les importations jugées déloyales dans l'UE.
«Du pain ou du plomb»
En France, des viticulteurs ont forcé jeudi les portails de deux entrepôts de la grande distribution près de Béziers (sud), après avoir incendié des palettes dans la cour d'un grand négociant de vin, a constaté un correspondant de l'AFP. «Maintenant c'est du pain ou ça sera du plomb», proclamait une pancarte dans un cortège de quelque 80 tracteurs ou remorques.
Les agriculteurs ont organisé 77 points de blocage un peu partout en France, selon un décompte du syndicat majoritaire FNSEA. Et les sections d'Ile-de-France (région parisienne) de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) ont appelé leurs adhérents à se rassembler vendredi «sur les grands axes autour de la capitale».
«La balle est dans la camp du gouvernement», auquel il revient «de faire qu'on évite une paralysie du pays», a estimé Arnaud Gaillot, le président des JA.
«Plus ils laisseront s'enkyster les choses, plus le risque (de possibles débordements) existera», a-t-il observé.
La FNSEA et les JA ont présenté mercredi soir au premier ministre une liste de 140 revendications, allant du versement immédiat d'aides à l'allègement de contraintes environnementales.
Camions étrangers visés
Symptôme du rejet des paysans français vis-à-vis d'une concurrence étrangère qu'ils jugent souvent déloyale, des manifestants ont arrêté et vidé «des camions étrangers, la plupart espagnols, marocains ou bulgares» sur une route à hauteur de Montélimar (sud-est), a indiqué à l'AFP Sandrine Roussin, présidente du syndicat FDSEA de la Drôme.
Dans le Gers (sud-ouest), des agriculteurs ont déversé huit bennes chargées de terre, gravats, souches et branches d'arbres, étalés sur plusieurs dizaines de mètres sur une autoroute.
Les actions d'agriculteurs se rapprochaient également de Paris, avec une opération escargot menée par des tracteurs à l'ouest de la capitale.
Ordre de modération
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a donné mercredi soir des consignes de «grande modération» aux préfets, leur demandant de ne faire intervenir les forces de l'ordre qu'en «dernier recours».
«Ras-le-bol général», «exaspération», «l'agriculture va mal», «pessimisme»: partie du sud-ouest la semaine dernière, la fronde des agriculteurs a pris de l'ampleur avec l'appel à la mobilisation de la Confédération paysanne, troisième syndicat d'agriculteurs classé à gauche.
La FNSEA exige des «réponses immédiates sur la rémunération», dont une aide d'urgence aux «secteurs les plus en crise» et, à plus long terme, la mise en oeuvre d'un «chantier de réduction des normes».
Cultivateurs et éleveurs partagent un même malaise sur leur avenir, écartelés entre désir de produire et nécessité de réduire l'impact sur la biodiversité et le climat, sur fond de revendications très diverses: marges de la grande distribution, jachères, pesticides, normes environnementales, autorisations administratives, prix du gazole...
Des annonces immédiates sont possibles, comme une ristourne sur le carburant des tracteurs. Des députés ont recommandé dans un rapport mercredi «la mise en place de prix planchers pour les produits agricoles»