Sur huit autoroutes autour de Paris, la circulation est fortement perturbée avec des portions fermées à quelques dizaines de kilomètres de Paris selon le site Sytadin, dans des opérations encadrées par les forces de l'ordre. Paris elle-même n'est pas bloquée, ni le marché vital de Rungis (Val-de-Marne) et les aéroports parisiens.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a réuni à l'Elysée plusieurs ministres pour faire un «point sur la situation agricole». Le chef du gouvernement, Gabriel Attal, a convié à 18h00 les présidents du premier syndicat agricole français FNSEA et des JA (Jeunes agriculteurs), en présence des ministres de l'Agriculture, Marc Fesneau, et de la Transition écologique, Christophe Béchu, selon des sources concordantes.
L'autoroute A13, qui relie la Normandie à Paris, est fermée dans les deux sens à environ 60 km à l'ouest de la capitale, vers la gare de péage de Buchelay, dans les Yvelines. Les agriculteurs y ont organisé un planning jusqu'à jeudi, avec des personnes de garde et des renforts prévus mardi.
«Le Premier ministre (Gabriel Attal) nous a fait une mise en bouche, on voudrait qu'il continue de travailler un peu et qu'il nous en fournisse un petit peu plus sur d'autres sujets», dit Arnaud Lepoil, de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire.
«Le temps qu'il faudra»
De l'autre côté de la capitale, à Jossigny (Seine-et-Marne), l'A4 est aussi bloquée par des tracteurs garés en épi des deux côtés du terre-plein central. Ils prévoient groupes électrogènes, toilettes de chantier et braseros. De quoi passer au moins trois jours sur place.
Applaudie par les agriculteurs à son arrivée, la présentatrice de l'émission télévisée «L'Amour est dans le pré», Karine Le Marchand, est venue y témoigner son soutien au groupe rassemblé sous un pont autoroutier. «Les promotions aujourd'hui dans les supermarchés sont les cimetières de nos frigos de demain», a déclaré l'animatrice juchée sur une bobine de chantier en bois, installé au milieu des voies désertes.
L'A6 au sud et l'A1 au nord sont aussi coupées, dans ce dernier cas à une trentaine de kilomètres. Même mot d'ordre: ils dormiront sur place «le temps qu'il faudra», dit le vice-président de la FNSEA, Luc Smessaert.
Selon la gendarmerie, 30 départements sont touchés et 16 autoroutes concernées. Une source policière compte plus de 3000 agriculteurs mobilisés lundi dans toute la France, avec près de 2000 engins. Un tiers sont dans le Sud-Ouest.
Parallèlement au mouvement des agriculteurs, des opérations escargot organisées par les taxis, qui réclament à l'Assurance maladie une renégociation des conditions de rémunération du transport de patients, bloquent plusieurs axes à Paris, Marseille ou Bordeaux.
«Modération»
Le gouvernement laisse faire et encadre les manifestants, mais veut empêcher que les tracteurs n'entrent dans «Paris et les grandes villes», le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, demandant de la «modération» à ses troupes. Les renseignements territoriaux ont relevé lundi une «certaine forme de coordination» entre la FNSEA et les autorités.
Parfois débordés par leur base au début d'un mouvement parti du sud-ouest et aux revendications multiples selon les territoires, les filières et les modèles agricoles, les syndicats accompagnent une mobilisation qu'ils veulent voir durer.
M. Attal, qui fera sa déclaration de politique générale mardi, a dévoilé vendredi de premières mesures, dont l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique.
Il a aussi promis des sanctions lourdes contre trois industriels de l'agroalimentaire, non nommés, au motif qu'ils ne respecteraient pas les lois Egalim censées préserver la rémunération des agriculteurs. Ces entreprises ne sont visées à ce stade que par des «pré-injonctions», a nuancé lundi une source gouvernementale à l'AFP.
Les agriculteurs réclament autre chose que des «mesurettes» dans une France qui a perdu les trois quarts de ses exploitants en 50 ans et recourt de plus en plus aux importations : un poulet consommé en France sur deux vient d'ailleurs, comme 60% des fruits.
Mais les organisations écologistes s'inquiètent d'un éventuel retour en arrière sur les normes environnementales, les syndicats dominants étant passés dans la surenchère, en particulier pour défendre les pesticides.
«Doucement»
Le reste de la France aussi connaît des barrages. A Lyon, un blocage a débuté «doucement», «le gros des troupes arrivera demain (mardi)», selon Michel Joux, patron de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes.
Déjà bloquée dans les deux sens entre Chanas (Isère) et Orange (Vaucluse), l'A7 est désormais «coupée» en plusieurs point au sud de Lyon dans les deux sens, selon Vinci Autoroute.
De sources préfectorales, on signale des blocages sur l'A43 à hauteur de Saint-Clair-de-la-Tour, l'A48 à Grenoble, l'A49 dans la Drôme... L'aéroport de Toulouse sera visé par des agriculteurs mardi.
Le marché de gros de Rungis, poumon alimentaire de la capitale, est protégé par des blindés de la gendarmerie, destination annoncée d'une trentaine de tracteurs qui ont pris la route d'Agen dans la matinée, à l'appel du syndicat Coordination rurale.
Leur arrivée est prévue «mardi soir ou mercredi matin», a déclaré à l'AFP Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne.