«En raison de tensions économiques, les temporaires sont congédiés en nombre important sur les sites de production et chez les sous-traitants depuis la fin de l'année dernière», déclare à l'agence AWP Solenn Ochsner, responsable du secteur industrie chez Unia Neuchâtel.

Une information que confirme une source au sein d'une agence de placement de la région. «La tendance globale pour les marques horlogères est de se défaire des temporaires, surtout dans le milieu de gamme. Pour celles qui s'en tirent mieux, dans le luxe, les effectifs sont stabilisés», affirme ce responsable.

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Le Service de l'emploi neuchâtelois, canton où se trouve une grande partie de la production horlogère suisse, observe pour sa part que le taux de chômage actuel est de 5% dans l'horlogerie, un peu plus élevé que la moyenne de 3,3% pour l'ensemble des secteurs économiques du canton, enregistrée fin avril.

«Nous ne connaissons pas le nombre précis de temporaires actuellement au chômage. Il faudrait, pour les identifier, reprendre chaque dossier d'inscription individuellement, ce que nous ne pouvons pas faire dans le temps imparti avec les ressources disponibles», déclare sa cheffe, Valérie Gianoli. Elle souligne toutefois que «l'Etat n'est pas particulièrement sollicité par les temporaires et qu'aucun dysfonctionnement les concernant n'a été signalé, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes».

Marge de manoeuvre

Pour Mme Ochsner, qui évalue le nombre de temporaires dans l'industrie horlogère neuchâteloise à un pourcentage dépassant largement les 10% de l'ensemble des employés, «ce type de contrat donne aux groupes horlogers une marge de manoeuvre très utile en temps de crise». «Ils peuvent licencier très facilement et à moindre coûts, sans plan social», explique-t-elle.

Aux manufactures de Tudor et Kenissi au Locle - la première appartenant à Rolex et la seconde y étant étroitement liée - ce sont par exemple une vingtaine de personnes sur 100 qui ont été licenciées du jour au lendemain entre fin 2023 et le début de cette année, sans mesure sociale, rapporte la syndicaliste.

Interrogée sur le sujet, une porte-parole du groupe Rolex explique que le nombre des collaborateurs temporaires fluctue en fonction des besoins de la production. «Il est stable à ce jour. Nous ne pouvons donc pas confirmer que celui-ci rencontre une baisse significative», ajoute-t-elle.

D'autres grands groupes, tels le genevois Richemont et le français LVMH, renoncent également à bon nombre de leurs temporaires, selon Unia. Contactés, ils n'ont pas souhaité répondre à nos questions.

Rumeurs de rachat chez Zenith

Chez Zenith, entreprise locloise qui appartient à LVMH, «la grande majorité d'entre eux a été congédiée depuis fin 2023. Sur une vingtaine, il n'en reste que trois ou quatre», révèle un employé sous couvert d'anonymat. «Au vu du manque de travail, l'ambiance n'est pas au beau fixe», relate-t-il, alors que des rumeurs de rachat circulent dans les ateliers.

Le roulement du personnel chez Someco, une manufacture de cadrans et aiguilles basée à La Chaux-de-Fonds qui sous-traite pour Richemont, Swatch et LVMH, est lui aussi «très élevé», avec deux à cinq temporaires remercié chaque mois, rapporte une ex-ouvrière. Egalement interrogée, la société n'a pas souhaité réagir.

«Les boîtes se plaignent de ne pas avoir de personnel qualifié, mais dans le même temps elles ne fixent pas leurs temporaires», note de son côté Alejo Patiño, secrétaire syndical horlogerie chez Unia Genève.

Dans le canton de Genève, les temporaires sont moins nombreux car il y a moins de production, explique-t-il. Le groupe Rolex en emploierait néanmoins un nombre important, estimé par Unia à environ 1000 employés sur un total de 6000.

«La production est également en baisse sur Genève. Certains sous-traitants ont déjà annoncé à une partie ou la totalité de leurs temporaires qu'il n'y aurait plus de travail dans les prochaines semaines», fait savoir le syndicaliste.

Au premier trimestre 2024, les exportations horlogères suisses ont diminué de 6,3% sur un an. Elles ont repris des couleurs en avril, avec une hausse de 4,3% tirée par les garde-temps de luxe et contrastant avec l'état des carnets de commandes de l'entrée et du milieu de gamme.