Un accord préliminaire a été annoncé le 8 septembre, fruit de plusieurs mois de négociations entre la direction du géant aéronautique et l'antenne locale du syndicat des machinistes (IAM).
Cette nouvelle convention, qui doit remplacer celle en vigueur depuis seize ans, prévoit une hausse salariale de 25% sur quatre ans ainsi qu'un engagement d'investissements dans la région.
Et en particulier, la construction du prochain avion dans le berceau historique de l'avionneur qui assurerait des emplois pour plusieurs décennies.
Boeing espérait que ces concessions suffiraient à écarter tout risque de grève, alors que sa situation financière est précaire depuis le crash de deux 737 MAX 8 en 2018 et en 2019 (346 morts) et une multitude de problèmes de qualité de la production.
Mais la réaction des adhérents de l'IAM a douché ces espoirs. Un message posté dimanche sur la page Facebook du syndicat, annonçant l'accord préliminaire, a reçu des centaines de commentaires, négatifs pour beaucoup et appelant à la grève. Il a depuis été retiré.
Les télévisions ont montré des rassemblements quotidiens d'ouvriers dans les usines, pour protester contre des mesures salariales qu'ils estiment inadéquates face à l'inflation.
«Nous avons obtenu tout ce que nous pouvions», a assuré Jon Holden, président de l'IAM-District 751, aux adhérents.
«Nous recommandons la ratification car nous ne pouvons garantir que nous obtiendrons davantage en faisant grève», a-t-il relevé.
Les mécontents arguent que la hausse salariale est trop éloignée des demandes du syndicat (+40% initialement) et que le volet sur les retraites est insatisfaisant.
Dans un entretien au Seattle Times publié lundi soir, M. Holden a déclaré: «Je pense que (...) nos membres vont approuver la grève».
Rejet
Leeham News, site spécialisé dans l'aviation, a qualifié l'accord de «difficile à vendre».
Il «a marqué des avancées sur les sujets prioritaires des membres mais reste éloigné des objectifs fixés en amont par le syndicat dans la plupart d'entre eux», a-t-il noté, anticipant un rejet.
Mais il restait incertain sur la probabilité d'atteindre les deux-tiers nécessaires pour lancer un arrêt de travail dès l'expiration de la convention jeudi à minuit.
Or, si une majorité simple refuse la convention collective mais que le seuil des deux-tiers n'est pas atteint pour faire grève, elle sera ratifiée «par défaut», d'après le règlement du syndicat.
Stephanie Pope, présidente de Boeing Aviation Commerciale (BCA), est également montée au créneau pour défendre le texte. Selon elle, il prévoit la plus importante hausse salariale jamais accordée et, ce, malgré l'endettement de quelque 60 milliards de dollars de l'avionneur.
«Nous avons donné le maximum», a-t-elle assuré dans un message aux employés.
«Ce n'est un secret pour personne: notre activité traverse une période difficile, en partie à cause de nos propres erreurs du passé. (...) Une grève mettrait en péril notre reprise commune», a réagi dans un communiqué le nouveau PDG de Boeing, Kelly Ortberg, qui a succédé le 8 août à Dave Calhoun, et s'est engagé à «réinitialiser» la relation avec l'IAM.
Un vent de syndicalisation souffle sur les Etats-Unis, avec des négociations notamment chez Starbucks ou des velléités de rattachement à des organisations syndicales chez les constructeurs automobiles étrangers présents sur le territoire.
Et les trois groupes auto historiques -Ford, General Motors, Stellantis- ont subi une grève inédite de six semaines à l'automne 2023. Le géant de la logistique UPS y a échappé in extremis, tout comme dans l'aérien (pilotes, hôtesses/stewards).
«La balance du pouvoir est en train de pencher du côté des employés», a commenté Harry Katz, spécialiste des relations du travail à l'université Cornell.
Boeing fait l'objet d'une supervision accrue depuis un incident en vol début janvier sur un 737 MAX 9 de la compagnie Alaska Airlines.
Survenu après une série de problèmes de conformité et de contrôle qualité, il a ravivé les questions soulevées sur ces mêmes lacunes après les deux crashes. L'avionneur a été mis sous surveillance par le régulateur FAA, qui a aussi plafonné sine die la production du 737.