Les travailleurs ont rejeté la convention à 94,6% et voté jeudi soir la grève à 96%, a précisé Jon Holden, président du syndicat des machinistes IAM-District 751. «Nous ferons grève à minuit», soit à 07H00 GMT vendredi, a-t-il ajouté.
«Nos membres se sont exprimés haut et fort ce soir», a affirmé M. Holden, dont le syndicat qui représente environ 33'000 travailleurs dans le nord-ouest du Pacifique, avait initialement soutenu l'accord. M. Holden avait auparavant déclaré ne pas pouvoir «garantir que nous obtiendrons davantage en faisant grève».
La grève entraînera la fermeture de deux grandes usines d'assemblage d'avions dans la région de Puget Sound - les deux tiers des votes étaient nécessaires pour lancer un arrêt de travail dès l'expiration jeudi à minuit de la convention actuelle, vieille de 16 ans.
Elle va paralyser la production du 737, du 777 et du 767 cargo, dont les livraisons cumulent déjà les retards. Une situation d'autant plus problématique que l'avionneur encaisse la plus grosse partie du paiement (environ 60%) à la remise des avions.
Selon les analystes de TD Cowen, une grève de 50 jours priverait Boeing de 3 à 3,5 milliards de dollars de liquidités et aurait un impact de 5,5 milliards sur le chiffre d'affaires.
Le vote de jeudi marque un rejet décisif d'un accord qui, selon les travailleurs, était bien moins généreux que ne l'affirmaient les dirigeants de Boeing.
Cette nouvelle convention, qui concerne les adhérents de l'IAM dans la région de Seattle (nord-ouest), prévoyait une hausse salariale de 25% sur quatre ans ainsi qu'un engagement d'investissements dans la région.
Et aussi la construction du prochain avion - annoncé pour 2035 - dans le berceau historique de l'avionneur qui devait assurer des emplois pour plusieurs décennies.
Dernière grève en 2008
Boeing espérait que ces concessions suffiraient à esquiver une grève, alors que sa situation financière est précaire depuis le crash de deux 737 MAX 8 en 2018 et en 2019, ayant coûté la vie à 346 personnes, et une multitude de problèmes de qualité de la production.
«Ce n'est un secret pour personne: notre activité traverse une période difficile, en partie à cause de nos propres erreurs du passé. (...) Une grève mettrait en péril notre reprise commune», avait prévenu mercredi soir Kelly Ortberg, qui a succédé le 8 août à Dave Calhoun au poste de directeur général de l'avionneur américain.
Il avait exhorté les employés à ne pas «sacrifier» les progrès futurs en raison de «frustrations liées au passé».
Mais les mécontents jugent la hausse salariale trop éloignée des demandes du syndicat (+40% initialement) et le volet sur les retraites insatisfaisant.
Une semaine après sa prise de fonction, M. Ortberg s'était engagé à «réinitialiser» la relation avec l'IAM. Mais à la lecture de l'accord, de nombreux syndiqués ont réagi négativement et plaidé pour un arrêt de travail.
«On nous a bradés», a lancé jeudi à l'AFP Kamie Bryan, employée chez Boeing depuis 18 ans, après avoir voté contre l'accord et pour la grève. «Nous ne devrions pas prendre ces quelques sous qu'ils nous donnent et être reconnaissants», a-t-elle relevé, insistant sur l'ampleur des «revenus du patron».
Les télévisions ont montré des rassemblements quotidiens d'ouvriers protestant dans les usines contre des mesures salariales qu'ils estiment inadéquates face à l'inflation.
Après des grèves dans les secteurs de l'automobile, du divertissement et d'autres secteurs d'activité, les syndicats engagent ainsi un nouveau bras de fer.
Le règlement de l'IAM prévoit que les grévistes reçoivent 250 dollars par semaine à partir de la troisième semaine d'arrêt de travail.
Boeing fait l'objet d'une supervision accrue depuis un incident en vol début janvier sur un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines. Survenu après une série de problèmes de conformité et de contrôle qualité, il a ravivé les questions soulevées sur ces mêmes lacunes après les deux crashes.
La dernière grève chez l'avionneur américain remonte à 2008 et avait duré 57 jours.