Ces regroupements de centaines, voire de milliers d'étourneaux sansonnets qui volent ensemble, formant un nuage opaque sans jamais se percuter, portent le nom de «murmurations.» «Elles sont particulièrement impressionnantes cette année», constate François Montet, président de la Fédération vaudoise des vignerons (FVV), à l'heure où la récolte tire à sa fin.
La faute au calendrier: d'habitude les étourneaux arrivent quand les vendanges sont finies et se nourrissent des grains non récoltés ou de vendanges tardives non protégées.
«Cette année, la récolte a commencé plus tardivement qu'en 2022 et 2023 en raison d'une météo chaotique», observe M. Montet. En parallèle, les étourneaux migrateurs en provenance de la Baltique et du nord de l'Allemagne sont partis plus tôt vers le sud, à cause du froid, explique-t-il à Keystone-ATS.
Pesée d'intérêts
S'ils fréquentent également les vergers, les vignobles constituent un garde-manger tout à fait apprécié de cette espèce grégaire. «Les oiseaux prennent des forces ici avant de poursuivre vers l'Espagne ou le Maghreb. Plongeant dans les vignes, ils peuvent piquer des centaines de kilos sur une parcelle non couverte», estime le président de la FVV. «Leurs prélèvements peuvent limiter fortement la récolte».
Comme moyen de défense, le vigneron évoque «l'activité humaine qui les fait fuir. Des filets sont également disposés sur les vignes. Mais ils coûtent cher et il n'est pas possible de mettre tout le vignoble sous cloche», relève-t-il.
Les vignerons effectuent donc des pesées d'intérêts. «On connaît leurs endroits de prédilection. Les filets sont posés plutôt à proximité des arbres où ils aiment se percher. Des pétards effaroucheurs sont également régulièrement utilisés. Ils s'envolent, puis filent dans la vigne du voisin», soupire M. Montet.
Et de remarquer que les étourneaux mangent les grains de raisin «proprement». Contrairement aux moineaux qui les piquent et les laissent ouverts, à la merci des guêpes et des abeilles, et qu'il faut ensuite trier.
Se protéger des prédateurs
Environ 130'000 couples se reproduisent en Suisse chaque année. A ces effectifs s'ajoutent les étourneaux qui migrent du nord de l'Europe vers le sud. «Nous sommes actuellement dans un pic rassemblant ces populations autour des sources de nourriture abondantes à l'instar des vignobles», confirme Lionel Maumary, président du Cercle ornithologique de Lausanne.
Les vols en nuées sont caractéristiques de cette espèce grégaire et sociale. Outre la recherche de nourriture, former une masse compacte permet aux étourneaux de se protéger des prédateurs, tels les éperviers et les faucons pélerins, explique l'ornithologue.
Pour réaliser leurs chorégraphies, ces étourneaux sont loin d'être étourdis. Dès que l'un d'entre eux amorce un changement de direction, ses voisins les plus proches le suivent, réagissant au mouvement de manière quasi instantanée. «En Suisse, ce sont les seuls oiseaux à effectuer des rassemblements aussi spectaculaires», note M. Maumary.
Dès novembre, la plupart d'entre eux vont filer vers le sud de l'Europe. Une faible proportion va rester en ville pour l'hiver, où ils se trouvent au chaud et protégés. «Il est notamment possible de les observer à Lausanne, à la place St-François ou à la place des Pionnnières (ex-place Centrale)», glisse M. Maumary.