Cette troisième et dernière sélection a été annoncée mardi par le jury depuis le Musée national de la littérature roumaine à Bucarest. Sept jurés sur dix avaient fait le déplacement, les trois autres ayant participé par visioconférence à la délibération, dans la matinée.

«Houris» du Franco-Algérien Kamel Daoud (éditions Gallimard) et «Jacaranda» du Franco-Rwandais Gaël Faye (éditions Grasset) étaient favoris.

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Les deux évoquent des événements historiques parmi les plus violents de la fin du siècle dernier: la guerre civile de la «décennie noire» en Algérie (1992-2002) et le génocide de 1994 au Rwanda.

«Livres de guerre civile»

Kamel Daoud, 54 ans, était alors jeune journaliste à Oran et couvrait les massacres commis par des islamistes. L'héroïne et narratrice de son roman, une fiction, a vu sa famille tuée.

Gaël Faye, 42 ans, également chanteur, connaît son deuxième best-seller en autant de romans. Alors que «Petit pays», en 2016, racontait le Rwanda essentiellement depuis le Burundi, dans «Jacaranda», également une fiction, le héros est un Franco-Rwandais qui a grandi en région parisienne et qui va partir pour Kigali.

«Dans cette liste, il y a deux livres qui racontent deux tragédies», a relevé l'un des jurés, Tahar Ben Jelloun, devant la presse. Un autre juré, Pierre Assouline, y a vu «deux livres de guerre civile. Et la guerre civile, c'est pire que la guerre: c'est un peuple qui s'entre-dévore».

La révélation Hélène Gaudy

«Madelaine avant l'aube» de Sandrine Collette (éditions JC Lattès) et «Archipels» d'Hélène Gaudy (éditions de L'Olivier) sont outsiders.

Sandrine Collette, 54 ans, régulièrement saluée par la critique pour la force d'évocation de son style, signe un récit sur la révolte face à l'asservissement, dans une campagne sauvage et des temps reculés.

Moins connue, Hélène Gaudy, 45 ans, est l'une des révélations de cette rentrée littéraire. Son roman parle de la difficile transmission familiale, en enquêtant sur un père et un grand-père dont l'autrice se rend compte qu'elle connaît très peu de choses.

«On oublie l'éditeur»

Le prix Goncourt 2024 a semblé dès l'origine se diriger vers une finale entre Kamel Daoud et Gaël Faye. Chacun des deux est défendu par un éditeur parmi les plus influents dans le milieu des lettres en France, avec des personnalités fortes à leur tête: Antoine Gallimard pour la maison du même nom et Olivier Nora pour Grasset.

«Le prix Goncourt a une responsabilité au-delà de nous-mêmes, une responsabilité nationale et même internationale», a indiqué l'un des jurés, Pascal Bruckner.

«Nous aurons à penser aussi aux lecteurs. Comment les lecteurs vont recevoir ça? Ceux qui vont mettre le livre au pied de l'arbre de Noël», a-t-il ajouté, lui qui est édité par Grasset depuis une trentaine d'années et vu comme partisan de Gaël Faye.

Mais, a souligné Tahar Ben Jelloun, «quand on lit, quand on parle des livres, on oublie l'éditeur». Les éditions JC Lattès n'ont jamais remporté le Goncourt et L'Olivier une seule fois, grâce à Jean-Paul Dubois en 2019.

Ventes galvanisées

Les finalistes du Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français, sont désormais annoncés dans des grandes villes de pays avec lesquels la France cultive des liens culturels anciens. En 2022, c'était à Beyrouth, la capitale du Liban, et en 2023 à Cracovie, deuxième plus grande ville de Pologne.

Le prix Goncourt, dont la première édition remonte à 1903, permet de remporter un chèque de dix euros. Mais il promet à son lauréat ou sa lauréate des ventes en centaines de milliers d'exemplaires.