Deux mois après l'irruption inattendue d'UniCrédit au capital de Commerzbank, les deux établissements continuent de se jauger, sans dénouement en vue pour ce qui pourrait être l'une des fusions les plus ambitieuses en Europe depuis la crise financière de 2008.

Hasard du calendrier les deux groupes ont publié mercredi leurs résultats financiers du troisième trimestre: tant UniCredit, qui a vu son bénéfice net grimper de 8,2% à 2,5 milliards d'euros (2,35 milliards de francs), que Commerzbank, avec un solde net de 642 millions d'euros, en recul de 6%, ont fait mieux qu'attendu par les analystes.

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L'italienne a confirmé son intérêt pour le groupe de Francfort: «au cours du trimestre, nous avons déployé une partie de notre capital excédentaire et réalisé un investissement stratégique dans Commerzbank, qui pourrait ou non déboucher sur un regroupement complet», a souligné Andrea Orcel, l'entreprenant patron d'UniCredit.

Fin octobre, il avait cependant souligné sa «volonté de ne pas entrer en conflit avec le gouvernement allemand», selon des représentants de syndicats européens.

La toute nouvelle présidente du directoire de Commerzbank, Bettina Orlopp, entend au contraire renforcer l'indépendance de l'établissement.

Feu vert attendu

Mercredi, Commerzbank a encore relevé ses objectifs annuels de recettes et vise un bénéfice net «record» à 2,4 milliards d'euros.

UniCredit a aussi relevé sa prévision de chiffres d'affaires annuel, à 24 milliards d'euros et a confirmé visé un bénéfice net à plus de 9 milliards d'euros, qu'il avait revu en hausse en septembre.

La banque milanaise, qui a surpris en septembre en annonçant avoir acquis 9 % de Commerzbank, attend l'approbation de la Banque centrale européenne (BCE) pour augmenter sa participation à 21 %, et vise déjà au-delà, jusqu'à 29,9 %, juste en deçà du seuil déclenchant une offre de reprise.

Commerzbank, sauvée par l'Etat allemand en 2008, a accéléré ces dernières années son virage numérique et réduit ses effectifs. La banque de détail et de crédit aux entreprises a pu ainsi augmenter ses bénéfices, tirés aussi par la hausse des taux en 2022 et 2023.

Mais ce dynamisme, en bonne passe d'être confirmé en 2024 malgré le début de l'assouplissement monétaire, pourrait ne pas suffire à la protéger contre une potentielle prise de contrôle par UniCredit.

«Naïveté» de Berlin

Le gouvernement italien est plutôt favorable à un rapprochement pour former un champion bancaire européen, contrairement à la chancellerie allemande qui y voit une menace.

Berlin est de fait critiqué sur son manque de précaution lors de la mise sur le marché d'une partie de sa participation dans Commerzbank.

Il apparaît qu'UniCredit n'était pas seul intéressé, début septembre, pour mettre la main sur ce paquet de titres. Une «autre manifestation d'intérêt», non identifiée, a été reçue par Berlin, selon une réponse écrite du secrétaire d'Etat aux finances FlorianToncar au député Matthias Hauer.

Le gouvernement a au final agi «naïvement» sans «prendre aucune précaution contre une OPA hostile», assène M. Hauer - membre de l'opposition conservatrice CDU - auprès de l'AFP.

UniCredit avait déjà réussi en 2005 une prise de taille en Allemagne avec le rachat de la banque bavaroise HypoVereinsbank.

Depuis 2021, Andrea Orcel a privilégié la croissance interne, sans exclure des acquisitions mineures, comme celle d'Alpha Bank Romania, annoncée lundi.

Pour renforcer l'indépendance de Commerzbank en offrant aux investisseurs une perspective attrayante, les objectifs à moyen terme ont été relevés en septembre, avec un bénéfice net attendu supérieur à 3 milliards d'euros d'ici 2027.

La banque va aussi racheter à compter de mercredi ses propres actions sur le marché, pour environ 600 millions d'euros, ce qui fera mécaniquement monter le titre.

Au moins 70% des bénéfices de l'année 2024 ont vocation à être redistribués aux actionnaires, ce qui «vise à créer une valeur durable pour les actionnaires», selon Mme Orlopp.

Enfin, un département de fusions-acquisitions, dirigé par un cadre maison va être mis sur pied en décembre pour stimuler la croissance externe, selon une annonce interne.