«On vient de prendre une grande gifle avec la Chine et maintenant c'est les Etats-Unis», regrette Sabine de Witasse, qui a repris il y a 30 ans l'une des dernières exploitations familiales de cognac utilisant encore une chaudière à bois en Charente.
«Mon principal client faisant quasiment tout son commerce à l'international, en Chine et aux Etats-Unis, forcément, il va y avoir des répercussions», s'inquiète la productrice, qui travaille avec un négoce représentant 80% de son chiffre d'affaires.
La filière du cognac (72'500 emplois en France) est ultradépendante des exportations, qui représentent 98% de ses ventes, pour un montant de 3,35 milliards d'euros, avec comme premier client les Etats-Unis (38% des expéditions en volume), devant la Chine (25%).
«Prisonniers de sanctions douanières»
«Dans le cognac, on est malheureusement soumis à ce qui se passe au niveau international. On est souvent prisonniers de sanctions douanières qui ne nous concernent pas directement», regrette Olivier Laurichesse, à la tête d'une exploitation familiale qui existe depuis cinq générations et s'étale aujourd'hui sur 60 hectares.
Le cognac est sur le qui-vive depuis l'ouverture en janvier par Pékin d'une enquête sur les eaux-de-vie à base de vin importées de l'Union européenne, en riposte à une procédure similaire de Bruxelles sur les subventions aux voitures électriques produites en Chine.
En septembre, environ 800 professionnels du secteur avaient défilé devant la sous-préfecture charentaise, une mobilisation sans précédent depuis un quart de siècle, pour protester contre la menace de surtaxes, évaluées à 35%, en Chine, deuxième marché d'exportation pour ce spiritueux.
L'interprofession s'estime «sacrifiée» par le gouvernement, qui a fermement soutenu l'imposition par l'UE de droits de douane supplémentaires sur les voitures électriques importées de Chine, définitivement confirmés la semaine dernière par Bruxelles.
Le gouvernement français mène cependant «une intense activité diplomatique en Chine en ce moment pour que les Chinois renoncent à cette mesure de rétorsion», a déclaré la ministre de l'Agriculture Annie Genevard vendredi sur France Info.
Récolte en chute
Alors que les exportations ont déjà chuté l'an dernier (165,3 millions de bouteilles contre 212,5 millions en 2022) et que la production devrait diminuer de 37% cette année en raison d'une météo défavorable, selon le ministère de l'Agriculture, les promesses de Donald Trump d'augmenter de 10 à 20% les droits de douane inquiètent un peu plus le secteur.
Lors de son premier mandat à la Maison Blanche, le républicain avait imposé une surtaxe de 25% sur certains vins européens dans le cadre d'un long différend entre l'Europe et les Etats-Unis sur les aides publiques à l'aéronautique.
La taxe, qui avait renchéri les vins français et plombé les ventes, avait été étendue au cognac et à l'armagnac en janvier 2021, juste avant que M. Trump ne quitte ses fonctions, mais elle «avait été suspendue avant de rentrer en application pour nous», précise Anthony Brun, président du syndicat des viticulteurs de l'AOC Cognac.
M. Laurichesse n'est d'ailleurs «pas persuadé» que Donald Trump «aille jusqu'au bout». «Il risque de faire usage (des taxes) à un moment donné s'il a d'autres choses à négocier», estime-t-il.