Déjà associés dans un «partenariat stratégique», Honda et Nissant vont entamer des pourparlers pour se réunir sous la houlette d'une société holding unique et signeront «bientôt» un protocole d'accord, affirme mercredi le quotidien Nikkei. Honda considère plusieurs options: fusion, rapprochement capitalistique ou société holding, a précisé son vice-président Shinji Aoyama à l'agence Bloomberg. Selon la télévision japonaise TBS, l'annonce officielle pourrait intervenir dès lundi.
«Comme annoncé en mars et août, nous discutons de possibilités de coopération dans de nombreux domaines» et une fusion «figure parmi les possibilités», a reconnu un porte-parole de Honda auprès de l'AFP. Les deux groupes «explorent diverses possibilités de collaboration, pour tirer parti de leurs forces respectives», a simplement réagi Nissan.
De son côté, le géant taïwanais de l'électronique Foxconn (Hon Hai), fournisseur clé d'Apple, a également approché Nissan pour acquérir une participation majoritaire, dans l'objectif d'étendre ses activités à la voiture électrique, selon Bloomberg. Honda et Nissan sont respectivement les deuxième et troisième constructeurs japonais derrière Toyota.
«Partenariat stratégique»
Ils envisagent d'inclure Mitsubishi Motors, dont Nissan est le principal actionnaire, au sein de la holding, pour donner naissance à l'un des plus gros groupes automobiles au monde derrière Toyota et l'allemand Volkswagen, précise Nikkei. A eux trois, ils cumulaient 4 millions de véhicules vendus au premier semestre, contre 5,16 millions pour Toyota.
L'action Nissan s'est envolée mercredi de 23,69% mercredi à la Bourse de Tokyo, celle de Mitsubishi de 19,64%, tandis que le titre Honda reculait de 3,03%.
Honda et Nissan avaient déjà annoncé en mars un protocole d'accord pour un «partenariat stratégique», souhaitant collaborer dans les plateformes de logiciels et les composants pour véhicules électrifiés. Initiative qu'a rejoint Mitsubushi en août, à l'heure où les constructeurs nippons cherchent tous à se renforcer rapidement dans l'électrique, dont le décollage en Chine et en Europe les a pris de vitesse.
Fusionner serait «une nécessité stratégique (...) l'escalade des coûts de développement des véhicules électriques et des batteries rend nécessaire la coopération pour gérer les risques, réduire la charge financière» et «sécuriser les chaînes d'approvisionnement», sur fond de rentabilité étroite, indique à l'AFP Tatsuo Yoshida, analyste de Bloomberg Intelligence.
Pour Nissan, ajoute-t-il, «une fusion apporterait un répit à court terme» face à une forte pression financière: le groupe a annoncé début novembre qu'il allait supprimer 9000 postes dans ses effectifs mondiaux et tailler dans ses capacités de production face au plongeon de ses ventes, notamment en Chine face à la concurrence des marques locales sur l'électrique.
De son côté, faute de taille critique, Honda peine à développer les technologies pour l'électrification et vient d'échouer dans ses négociations avec General Motors pour le développement commun d'un véhicule électrique. «Honda bénéficierait d'économies d'échelle en termes de réduction des coûts et d'élargissement des gammes», alors qu'il ne commercialise aucun modèle électrique, souligne Seiji Sugiura, de Tokai Tokyo Intelligence.
Rattrapage
Les groupes japonais ont longtemps choisi de se concentrer plutôt sur les véhicules hybrides combinant motorisations thermique et électrique, qui se sont révélés très populaires au Japon, représentant 40% des ventes en 2022 dans l'archipel. Seul 1,7% des voitures vendues au Japon cette année-là étaient électriques, contre 15% en Europe occidentale et 5,3% aux Etats-Unis.
Cela a conduit les constructeurs nippons à négliger l'essor de la demande mondiale pour le tout électrique, qui a permis à la Chine de dépasser le Japon comme premier exportateur de véhicules du globe en 2023, alors même que Nissan figure au rang des tous premiers constructeurs à avoir commercialisé une voiture propulsée par un moteur électrique.
Au Japon même, le marché est désormais ébranlé par l'Américain Tesla, l'arrivée du champion chinois de l'électrique BYD et le retour du sud-coréen Hyundai, là aussi avec des véhicules électrifiés.
Sous pression, Honda a annoncé en mai vouloir doubler ses investissements dans ce domaine pour atteindre 65 milliards de dollars d'ici 2030, avec l'objectif de vendre 100% de véhicules électriques d'ici 2040. Nissan assurait, lui, que 16 de ses 30 nouveaux modèles des trois prochaines années soient «électrifiés».
Un rapprochement leur donnerait les moyens de leurs ambitions et tournerait encore davantage la page de l'alliance historique de Nissan avec le français Renault, déjà nettement réduite l'an dernier. Nissan s'était opposé à une fusion avec Renault, mais un rapprochement avec Honda «pourrait être considéré comme plus équilibré et équitable», avance Tatsuo Yoshida. Et, ajoute-t-il, «vu sa situation financière dégradée, Nissan n'a peut-être pas beaucoup le choix».