Parfum de glycines et scintillement des eaux vert sombre du lac de Lugano: ici, le printemps semble encore plus beau. Puis il y a cette baie qui rappelle Rio, encadrée par les silhouettes des deux «pains de sucre» locaux: le Monte San Salvatore, d’un côté, et le Monte Brè, de l’autre. A chaque fois que l’on y revient, ce paysage paraît encore plus divin. Et si la chance s’en mêle, le soleil printanier confère à ce décor hérissé de palmiers l’atmosphère subtropicale qui donne à la période de Pâques au Tessin un air exotique de voyage lointain. Et pourtant, on est à quatre heures et demie de train de la Suisse romande (en voiture, à Pâques, le Gothard est à éviter). Juste le temps de se mettre au rythme des vacances!

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Tchin-tchin, les verres de spritz s’entrechoquent joyeusement sur la terrasse de la villa Castagnola. Encadrée de camélias en fleur, cette noble villa, construite au XIXe siècle pour une famille d’aristocrates russes, s’est muée au fil des décennies en un petit «grand hôtel» de charme. Un luxueux hôtel de famille, serti dans un parc enchanté, et qui vit au rythme des palaces d’autrefois: dès le matin, le cliquetis de l’argenterie annonce le petit-déjeuner, somptueux. Puis, le personnel, impeccable, dresse les tables de la terrasse soigneusement nappées.

On ne peut qu’adorer, en ces lieux préservés, ce cérémonial immuable et rassurant qui raconte la grande hôtellerie d’autrefois. Une vraie vocation d’excellence! Année après année, les familles viennent et reviennent ici. Le maître d’hôtel complimente Madame pour son élégance. Il appelle les enfants par leur prénom: «Ah, mais comme il est devenu grand!» Et s’enquiert auprès de Monsieur s’ils ont fait bonne route. Bienvenue au paradis. Un paradis épicurien avant tout.

Gandria, village pittoresque

Car ce Tessin idyllique regorge de bonnes tables, de grotti, de glaciers… Un petit tour en bateau? Alors descendez à Gandria. A défaut d’être une destination originale (une demi-heure de navigation, tout au plus), c’est un village tellement pittoresque qu’on ne l’oubliera plus jamais. Au débarcadère, le Rocabella vit au rythme des vagues. Pas gastronomique, cette terrasse toute simple, perchée au-dessus de l’eau, n’en sert pas moins des planchettes de viandes froides très honnêtes, à accompagner d’un petit merlot qui vous fera même oublier que tous les autres clients parlent allemand.

Puis, c’est le «sentiere dell’olivo» (le sentier de l’olivier, vous l’aurez deviné) qui chemine en direction de Lugano, passant de champ d’oliviers – si, si! – en forêt de châtaigniers. De cahutes de pêcheurs, où l’on aimerait tout de suite s’installer, en incroyables palais XIXe qui entourent la fameuse villa Favorita, on sent que l’on s’approche de la ville. Ah, ces jardins magiques, hérissés de cyprès, de bambous et de tulipiers géants…

Charme rustique du grotto ou gastronomie de haut vol, on a le choix.

La marche vous a donné faim? Alors réservez dans un grotto, un de ces adorables restos typiques, où l’on mange des ragoûts fondants et de la polenta voluptueuse. Oui, ceux qui ont récemment fait parler d’eux parce que les lois cantonales leur imposent plus que jamais de cuisinier uniquement d’authentiques spécialités tessinoises. Adieu frites et ketchup! Ici on s’attable sous la tonnelle quand il fait beau, dans les petites salles où craque le feu de bois quand il pleut. Et l’on s’y délecte de merlots tantôt rustiques, tantôt ciselés par les plus grands vignerons du Tessin. Dans ce dernier cas de figure, il faut savoir que l’addition grimpe très vite! Mais quand on aime…

Top 3 des «grotti» luganais

Ainsi, en ville, le grotto della Salute se prolonge d’un grand jardin qui s’épanouit sous des platanes centenaires: un peu bobo, c’est un incontournable, au service expéditif mais aux spécialités réalisées dans les règles de l’art. Lapereau au four et joue de veau au merlot s’y arrosent d’un magique choix de vins régionaux.
Un peu plus perché, et caché sous les frondaisons de la forêt de marronniers qui escalade les pentes raides du Monte San Salvatore, le grotto del Pep permet de jouer aux boules en écoutant les rires d’enfants. Le meilleur «capretto» (cabri) au four, c’est ici! Il est servi sur de grands plats à partager, qu’un service tout en gentillesse souriante dépose sur les solides tables de granit d’une terrasse où les rayons du soleil jouent à travers les frondaisons printanières. 

Pépinière de grandes tables

Puis il y a le grotto dell’Ortiga, dans la commune de Manno, à 5 kilomètres du centre de la ville de Lugano. Au charme unique de cette auberge de village pimpante et vivante répond un patio couvert d’une pergola et serti dans ces murs de pierres sèches. C’est si typiquement tessinois! Un palmier par-ci, une vigne par-là, la goulache de sanglier della casa est tout simplement inoubliable.

Aux plaisirs rustiques de ces emblématiques adresses de charme répond aussi une gastronomie de haut vol: oui, le Tessin est une vraie pépinière de grandes tables. Il faut dire que le Tout-Zurich fortuné y vient en vacances et que les Milanais aisés adorent venir profiter de la reposante sécurité helvétique.

Aux yeux de Dany Stauffacher, entrepreneur, épicurien et organisateur du festival gastronomique annuel Sapori Ticino, qui attire ici les plus grands chefs du monde entier, le Tessin est une région bénie: «Le meilleur rapport qualité-prix? La Locanda Orico, à Bellinzona (à 35 kilomètres, ndlr), surtout si vous y allez à midi, vous n’en croirez pas vos yeux! Puis, il y a Dario Ranza, le remarquable chef de la villa Principe Leopoldo, ici, à Lugano. Un chef au talent extraordinaire et à la régularité sans faille.»

Il faut dire, en plus, que Dario Ranza, 17/20 au GaultMillau, est le chef de l’un des plus beaux hôtels de la ville. Une villa bâtie pour le prince Léopold de Hohenzollern, le beau-frère de l’empereur Guillaume, sur la bien nommée Collina d’Oro. Là, le pic pêche et frappe contre des troncs d’arbre qui semblent sortis d’un conte de fées, le rossignol chante dans la lumière bleutée du petit jour tessinois et le regard se perd dans un paysage d’une émouvante beauté. Quand on passe la nuit dans l’une de ses chambres prolongées d’un salon et d’une terrasse, avec toute la ville et la baie à ses pieds, on croit survoler le monde!

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Le saumon mi-cuit de Dario Ranza, chef de la villa Principe Leopoldo, 17/ 20 au GaultMillau.
© Villa Principe Leopoldo

Un apéro dans le jardin de ce belvédère somptueux s’impose. Ou un verre de vin, peut-être? Car la carte recèle ici les plus grands crus du Tessin et d’ailleurs. Et pour en parler comme personne, il y a Gabriele. Maître d’hôtel et sommelier, il est un pivot de la maison, associant l’aisance et la prestance volubile d’un Vittorio Gassman au professionnalisme d’un diplomate parfaitement plurilingue. Alors on boit ses commentaires en même temps que les crus dont il parle si bien, et l’on se délecte de la prestation d’une brigade de service d’une efficacité absolue et d’une attention rare, autant que l’est la qualité des plats de Dario Ranza. 

Apéritif volant et repas envoûtant

Dans les assiettes, cela donne du homard translucide, des émulsions aériennes, un pigeon intense et des sauces puissantes. Le tout servi en un équilibre parfait au fil d’un menu d’un exquis raffinement. Pas étonnant, dès lors, que la cité luganaise soit chaque année le théâtre de l’un des festivals gastronomiques les plus courus de Suisse (Sapori Ticino, du 22 avril au 10 juin, cette année) et qu’elle soit élue Ville du Goût 2018. Le programme gourmand sera d’autant plus dense tout au long de l’année.

Autant dire qu’un week-end printanier ne suffira pas à épuiser les nombreux trésors de cette cité gourmande. Mais avant de partir, une halte s’impose chez Vanini, la grande terrasse de la piazza Dante, entourée de belles façades. On y jouera à l’été en dégustant une glace, si possible assortie de cerises amarena, avant de faire un petit détour chez Münger, à deux pas: car c’est là que l’on trouve les meilleurs amaretti, ces gâteaux aux amandes tout à fait irrésistibles que l’on peut tenter de rapporter à la maison… Tout en sachant qu’ils ont bien peu de chances de ne pas être mangés avant la fin de la route du retour. En voilà, une bonne raison de revenir!