Depuis quelque temps, impossible d’échapper aux hackathons. Ces réunions qui durent le temps d’un week-end et visent à apporter une solution à un problème en réunissant des personnes d’horizons différents autour d’une problématique donnée (lire encadré) se sont en effet multipliées. Et elles intéressent toujours plus les entreprises, soit comme participantes, soit comme organisatrices. Car ces événements-compétitions comportent de nombreux atouts.

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«C’est seulement dans un hackathon qu’une jeune entreprise comme la nôtre peut entrer en contact avec l’équipe d’innovation, les spécialistes métiers et la direction d’une grande structure», s’emballe Tobias Kuster, le cofondateur de la société Iabsis, au Grand-Saconnex, qui a participé à de nombreux hackathons en Suisse et à l’étranger. Ayant remporté plusieurs prix à ces occasions, il estime que l’exercice engendre alors des retombées supplémentaires. «De telles distinctions apportent de la visibilité, font connaître votre savoir-faire et montrent que vos idées sont validées par des experts en innovation. Cette validation externe est importante par rapport à vos clients existants.» 

3e édition aux HUG mi-avril

Pour celles qui organisent ces événements, les apports sont également nombreux. «Les hackathons permettent de créer une culture d’innovation à l’interne, de développer les compétences et l’engagement des employés et de positionner son entreprise comme innovante dans son secteur d’activité», énumère l’entrepreneur et promoteur d’innovations Alexis Moeckli, qui a organisé de nombreux hackathons, dont le premier Startup Weekend en Suisse.

Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), qui préparent une troisième édition (qui se tiendra à la mi-avril dans le cadre de l’Open Geneva, le Festival d’Innovation Ouverte), estiment que le hackathon est un outil idéal pour présenter rapidement des prototypes fonctionnels. «Nous estimons que c’est un levier important pour développer l’innovation dans notre institution», soulignent Helena Bornet dit Vorgeat, cheffe de projet du Centre de l’innovation des HUG (chargée de l’organisation du troisième hackathon des HUG), et Maurizio Ranieri, chef de projet Vision 20/20, responsable de l’implémentation du Centre de l’innovation des HUG.

Casser les silos

Et au-delà de cet aspect réside un attrait en termes de ressources humaines. «Les hackathons permettent de créer une véritable dynamique qui perdure après l’événement, d’impliquer les collaborateurs, mais aussi d’encourager la transversalité et la pluridisciplinarité, puisque les équipes se composent de profils différents», relèvent Helena Bornet dit Vorgeat et Maurizio Ranieri. C’est ainsi une manière de casser les silos, problématique qui se retrouve dans quasiment toutes les entreprises d’une certaine taille! L’exercice se traduit également par un aplanissement de la hiérarchie, tout le monde dans les équipes ayant le même poids, apprenti comme cadre supérieur.

Enfin, certaines entreprises organisatrices ne cachent pas qu’il s’agit là d’un moyen de repérer des profils intéressants (généralement, les équipes se composent de professionnels métiers issus de l’interne et de spécialistes, par exemple des développeurs, provenant d’autres entreprises), de tester des prestataires éventuels et de maintenir ou renforcer leur relation de proximité avec les acteurs de la thématique sur laquelle le hackathon se penche.

Mais comment s’y prendre pour réussir cet exercice? Là aussi, les bonnes pratiques dépendent du statut que l’on a: entreprise participante ou organisatrice. «L’entreprise qui veut participer doit venir avec un état d’esprit d’ouverture et de collaboration, conseille Alexis Moeckli. Elle doit se laisser le droit à l’erreur et l’absence d’obligation de résultats. Par ailleurs, c’est la pratique régulière de hackathons qui permet l’émergence de nouvelles idées: il ne faut pas se décourager suite aux résultats parfois peu fructueux d’une première expérience.»

Tobias Kuster recommande pour sa part aux entreprises participantes de bien se renseigner sur la raison d’être du hackathon. «Il faut qu’elle soit en adéquation avec le but que vous recherchez», estime le cofondateur de Iabsis. Participer à un hackathon coûte beaucoup en temps et en énergie, mieux vaut donc éviter ceux où l’on sent qu’il est organisé uniquement pour rechercher des profils intéressants ou pour donner une image de dynamisme à la structure qui l’organise. «N’hésitez pas à poser des questions avant de vous inscrire. Pour savoir si les organisateurs cherchent vraiment une solution, vous pouvez par exemple demander si le projet gagnant pourra être implémenté.» Autre point à connaître: les idées circulent, sont échangées. C’est le but, les hackathons s’inscrivant dans la mouvance de l’innovation ouverte. Mais cela veut aussi dire que les autres peuvent s’en inspirer, voire les copier. Mieux vaut donc ne pas venir avec des concepts que l’on voudrait breveter par la suite.

Quant aux participants eux-mêmes, «il est indispensable qu’ils se préparent très bien, en se documentant sur la problématique soulevée, pour savoir exactement quels sont les manques, les solutions espérées, la technologie existante, etc. Ils doivent savoir précisément pourquoi ils viennent et quel sera leur rôle.» Et ils doivent savoir qu’ils travailleront de manière intense durant cette compétition chronométrée. 

Ne forcez personne!

Les personnes qui relèveront le défi «ne doivent pas rester figées sur leurs idées de solution, car la créativité du travail d’équipe est fondamentale», complètent Helena Bornet dit Vorgeat et Maurizio Ranieri. Enfin, les participants doivent savoir «vendre» et défendre leur idée devant un jury, à l’instar d’un chef de projet qui vient présenter son dossier devant un comité de direction. Le jury va se prononcer à la fin de l’événement, sur la base d’une présentation sous forme d’un pitch de quelques minutes, sans forcément considérer ce qui s’est passé en amont durant les trente-six heures du hackathon. Il convient donc d’être très convaincant durant la présentation finale!

Et quelles sont les règles lorsque l’on organise un hackathon? Déterminer une problématique claire, en rapport avec l’entreprise et son environnement, faire porter le projet par la direction, inscrire la démarche dans la stratégie d’innovation de l’entreprise et ne forcer personne à participer constituent quelques recommandations de base. En général, il y a également une phase de sélection des projets pour que le jour venu, seuls soient présentés ceux qui s’inscrivent pleinement dans le sujet et qui ont réussi à regrouper autour d’eux une équipe complète. Et une fois l’événement passé, donner suite aux projets gagnants afin de les finaliser et, mieux, de les concrétiser. L’objectif est d’en réaliser autant que possible, sans quoi le risque est grand d’engendrer une grosse frustration et de voir la motivation s’effondrer.


A l’origine, des compétitions entre geeks

  • Les premiers hackathons remontent au tournant du millénaire et s’inscrivaient dans la logique de l’économie collaborative et de l’open innovation. A la base, des geeks et développeurs y voyaient un moyen d’élaborer de nouvelles solutions informatiques. Devenus très populaires, ils sont sortis de la sphère purement techno et sont aujourd’hui organisés sur des problématiques aussi différentes que sauver le commerce de proximité, fluidifier le trafic urbain, faire évoluer les soins hospitaliers ou réduire les inégalités.
  • Ce mot-valise provient de «hack» (solution rapide et bricolée pour résoudre un problème) et de «marathon» (pour souligner le caractère intense de l’événement qui dure entre vingt-quatre et quarante-huit heures non-stop). Les équipes proposent des solutions sous forme de prototype à la fin du hackathon. Cette volonté de développement très rapide s’inscrit dans l’ère du temps et correspond à la volonté d’être «agile», caractéristique plébiscitée de toutes parts. Il n’est dès lors pas étonnant que ces événements soient aujourd’hui organisés tant par les entreprises que par les hautes écoles, organisations humanitaires, associations faîtières ou encore les  collectivités publiques.