C’est souvent un handicap important pour les cadres et les dirigeants d’entreprise. Prendre la parole en public peut s’avérer une véritable torture pour certains et freiner considérablement leur carrière. Que ce soit devant une commission, un auditoire ou des collaborateurs, le patron ou le chef d’équipe est amené régulièrement à s’exprimer devant un parterre attentif. Maîtriser cet exercice, c’est aussi faire preuve d’autorité et de compétence. Un talent oratoire qui est parfois inné, mais souvent absent chez la plupart d’entre nous.
Gérer l’émotivité et le stress
Que ce soit de la timidité, de l’angoisse ou un manque de confiance en soi, nombre de personnes ont alors besoin d’un accompagnement professionnel pour dépasser ce cap autant psychologique que comportemental. Dans le monde de la formation, on appelle cela l’art oratoire. Et la demande et l’offre explosent en Suisse romande. Exemples parmi d’autres: la société Apprentus.ch, qui propose des enseignants en art oratoire dans tous les cantons, Superprof.ch ou encore Face à Vous, à Genève. Interrogés, plusieurs coachs nous ont décrit ces formations pas vraiment comme les autres.
Sandra Amodio est une jeune entrepreneuse qui a lancé Exprimerie en 2015 dans de splendides locaux à Neuchâtel. Formatrice avec un brevet fédéral et coach en prise de parole, elle décrit avec passion son métier. «Mon rôle consiste à accompagner des personnes et des groupes dans la révélation de leur potentiel oratoire grâce à des techniques de communication et de théâtre. Mon objectif est aussi de concevoir des formations autour de la problématique de la prise de parole tant dans des milieux scolaires, professionnels que privés. Oser s’exprimer dans le cadre de son travail, face à sa hiérarchie, est fondamental pour garder un équilibre dans la relation à soi et à l’autre, dénominateur commun d’une communication efficiente.»
Comment procède-t-elle? «Nous faisons un travail spécifique qui permet de consolider les appuis physiques et vocaux. Le but est de prendre la parole en toute circonstance devant un public large ou restreint, en gérant l’émotivité et le stress. Et que cela devienne un plaisir. Cette pratique s’adresse à toute personne amenée à parler en public, à animer des groupes de travail ou souhaitant développer des compétences orales à titre personnel.» Sandra Amodio en a fait le constat: l’art oratoire amène à travailler des aspects très personnels auprès des élèves, qui vont au-delà de la simple prise de parole: «Il est important d’oser exprimer ses points de vue sans culpabilité et sans peur, pour ainsi déjouer les inhibitions verbales qui sont, par ailleurs, aussi l’une des causes du burn-out.»
On apprend ainsi à conduire une discussion, à persuader, à exprimer son point de vue, mais aussi à gérer des situations difficiles. Une véritable leçon de vie, en somme. A ce sujet, la Neuchâteloise insiste sur le fait que les groupes ne doivent pas dépasser six personnes, afin de personnaliser au maximum l’accompagnement. «Notre problématique de base est de poser un diagnostic, de mettre des mots sur un potentiel manque de confiance.» Au total, l’accompagnement se déroule sur deux ou trois mois afin que les personnes puissent s’exercer, entre les cours, dans leur contexte professionnel.
A la manière d’un acteur
Christophe Béguin a pour sa part lancé en 2009 l’entreprise de formation continue AskFor à Lausanne. L’entrepreneur vient du monde des grandes sociétés et son approche est pragmatique. Il constate un renforcement de la demande de la part des PME: «Les besoins vont en grandissant de leur part
et la demande en formation oratoire s’amplifie depuis des années. Aujourd’hui, dans le monde de l’entreprise, on a tous besoin de s’exprimer clairement, que ce soit en petit comité ou en public. Il est intéressant de constater que ce ne sont plus uniquement des cadres mais aussi des collaborateurs spécialisés qui doivent présenter leurs produits ou services à l’extérieur.»
La demande vient aussi bien des cadres que des simples collaborateurs.
La démarche de formation d’AskFor est fortement liée au «théâtre d’entreprise». Encadrés par deux experts, les élèves tirent profit des techniques utilisées par les acteurs et les grands managers en travaillant sur les postures et les comportements qui facilitent l’art de parler face à une audience. «Vous explorez les dimensions de la voix et de la gestuelle qui améliorent l’expression orale et renforcent votre impact pour réussir votre prise de parole en public. Les objectifs sont aussi de comprendre l’importance de la préparation, de la construction du message et du discours en fonction de l’auditoire, puis de gagner en aisance en travaillant sa diction, sa voix et sa gestuelle avec des mises en situation», ajoute le fondateur d’AskFor.
«Nous prenons le meilleur de ce que fait le comédien dans son métier et nous le transposons, nous l’adaptons au monde de l’entreprise.» Un comédien est d’ailleurs systématiquement présent durant les cours qui se déroulent sur deux jours dans les locaux du formateur à Lausanne ou au sein de l’entreprise. «Depuis deux ou trois ans, les clients demandent davantage un accès vidéo pour se préparer à la théorie. Ils arrivent ensuite aux cours pour entraîner uniquement la pratique. En outre, le besoin de formation pour bien «réseauter» et bien se présenter est aussi très en vogue», conclut Christophe Béguin.
A noter qu’il existe également des formations académiques en Suisse romande pour se former à parler en public. La plus connue est La Manufacture (Haute Ecole des arts de la scène, anciennement Haute Ecole de théâtre de Suisse romande.) Cette école lausannoise dispense notamment un enseignement dans le domaine des arts et des métiers de la scène. Hormis la prise de parole en public, l’école donne des cours éclectiques qui pourraient intéresser de nombreux entrepreneurs. On pense notamment à la formation «Comment préparer un discours ou une présentation publique». Les cours montrent comment structurer son intervention et comment faire ressortir le message essentiel et ne pas perdre son fil rouge. Il s’agit d’abord de travailler sur des textes déjà rédigés, puis sur ses propres textes.
Chaque exercice pratique est enregistré devant une caméra, puis visionné sous forme de débriefing. Autre proposition de La Manufacture, les très prisés conseils pour s’adresser aux médias. Les objectifs de cet atelier visent à acquérir les outils pour préparer un entretien TV ou radio, à exercer l’interview pour apprendre à gérer ses émotions et rendre vivantes ses interventions ainsi qu’à réagir de la bonne façon face à différents types d’interview.
Les astuces de Sandra Amodio pour capter son auditoire
- Respiration: il est primordial de respirer profondément avant de commencer son intervention et de bien se tenir droit. «Se sentir ancré dans le sol avec les épaules détendues et le cou flexible pour bien regarder toute l’assemblée.»
- Mental: la première pensée en entrant sur scène doit être positive, il faut s’encourager soi-même.
- Visage: la posture faciale est tout autant essentielle. «Je conseille de sourire, d’être dans l’ouverture du visage.»
- Public: le considérer non pas comme une masse, mais comme plusieurs individus. Un peu comme si l’on s’adressait à une seule personne.
- Ton: il faut bien sûr parler fort et articuler. L’orateur doit occuper l’espace, faire des pauses pour laisser respirer le public qui a aussi besoin d’intégrer les informations.
- Gestuelle: ne pas hésiter à accompagner la prise de parole par quelques gestes explicatifs ou à décrire les choses avec ses mains.