Au placard, morosité et inquiétudes, tous les signaux économiques sont repartis au vert! Seul bémol, à force de serrer les dents, de rationaliser et de redoubler d’ingéniosité pour rester dans les objectifs fixés par l’entreprise, les managers et les équipes se retrouvent épuisés, voire méfiants.
Pour repartir dans une dynamique positive, PME Magazine a interrogé George Kohlrieser, célèbre professeur américain en leadership à l’IMD de Lausanne, également négociateur lors de prises d’otages; Simon Sinek, fondateur britannique du mouvement planétaire Start with Why, connu notamment au travers de ses conférences TED; Annika Mansson, ancienne directrice chez Danone et fondatrice de Happy at Work, un cabinet de coaching basé à Genève; Maxime Raux, ancien délinquant devenu chef d’entreprise et «conférencier motivateur»; Michel Bolle, directeur commercial auprès de l’industriel Famat, ancien coach national de volleyball et auteur de The Art of Successful Leadership: Empower the Leader in You.
Pour compléter ce panel d’experts, nous avons choisi quelques directeurs en ressources humaines d’entreprises inspirantes et citées parmi les meilleurs employeurs de Suisse romande: Mauro Santarella de la régie immobilière lausannoise De Rham, qui a réussi à abaisser son turn-over de 30% à 5%; Debora Akinci, de MVT Architectes, une PME qui encourage l’entrepreneuriat auprès de ses collaborateurs; et Christian Meier-Staude, de Japan Tobacco International (JTI), promoteur des échanges de postes.
1- Chercher le pourquoi
«Toute entreprise ou tout leader inspiré commence par le pourquoi et il communique sur celui-ci, quitte à le répéter souvent, insiste Simon Sinek. Le comment et le quoi viennent ensuite. Si vous et vos équipes êtes convaincus de votre produit parce qu’il est plus simple, plus efficace ou plus innovant, c’est ce qui donnera aux gens envie de l’acheter ou de travailler pour vous. Le problème est que dans la très grande majorité des sociétés, les employés savent ce qu’ils font, éventuellement comment ils le font, mais pas pourquoi. Et, sur le long terme, c’est démotivant.»
Rappeler le sens d’une tâche est primordial. Cela même s’il semble évident. «Ce qui est fou, c’est que les salariés perdent très facilement la notion de pourquoi ils font les choses. Même dans les hôpitaux, beaucoup se retrouvent à se demander pourquoi ils soignent les patients. Cela paraît irrationnel, observe Annika Mansson. On n’est plus dans le taylorisme où les ouvriers faisaient les choses à la chaîne sans comprendre. Malheureusement, j’entends encore trop de patrons dire que si les employés sont contents au travail ou se posent des questions, ils bossent moins bien. Or c’est l’inverse! La motivation naît du pourquoi des choses.»
2- Oser affronter la réalité
Connaître le sens d’un projet et en être galvanisé, même si c’est essentiel, n’est ni facile ni un gage de réussite, analyse George Kohlrieser. «La motivation ne signifie pas forcément le succès ou être capable de gagner, glisse-t-il. Cela signifie beaucoup d’obstacles, beaucoup de pratique, cela implique d’endosser des peines, de tolérer ses propres erreurs, cela avec l’aide d’un mentor qui vous sécurise, et pour un résultat qui n’est pas forcément celui d’un champion. Mais c’est une récompense de l’esprit et une source d’inspiration.»
La régie immobilière De Rham a franchi le cap et est allée rechercher les causes du mal, après un passage à vide de la société (lire encadré). «Nous avons commencé par un audit de satisfaction très poussé où nous nous sommes confrontés à des consultants et pas seulement à un simple formulaire; et cela en impliquant la moitié des collaborateurs et pas uniquement les membres de la direction, explique Mauro Santarella. Deux problématiques sont ressorties: la communication et le management. Les employés ne savaient pas où allait la société. Nous en étions conscients, mais il fallait oser s’y confronter. Une démarche qui a été par la suite notre force.»
3- Avoir un ami dans l’entreprise
Travailler sur la motivation, c’est aussi s’approcher de l’intrinsèque, du personnel; ce qui peut effrayer, voire rebuter le manager. Dès lors, comment appréhender ce point? Le niveau d’engagement des employés peut être évalué. Les Gallup Studies s’y penchent régulièrement avec des questions sur les besoins primordiaux des collaborateurs (en tête des réponses: faire ce pour quoi je suis bon, avoir un bon manager, avoir de l’autonomie) et sur leurs satisfactions principales (la sécurité, des collègues sympas et des jours de vacances sont cités en premier). Ce type d’outil permet d’écouter et de comprendre son entourage professionnel.
«Le bilan de Gallup Studies sur l’engagement est que les employés veulent d’un leader qui se soucie d’eux. C’est vraiment le terme approprié, souligne George Kohlrieser, auteur du best-seller Care to Dare. Cela signifie que si on se sent dans un environnement sûr, on prendra davantage de risques et on ira plus loin. Cette base de sécurité peut être une personne de l’entreprise, l’équipe en entier ou un projet. Elle est une source d’inspiration qui vous porte.» Le conférencier et psychologue américain poursuit par une boutade: «Avez-vous un meilleur ami dans l’entreprise, quelqu’un pour qui vous êtes prêt à prendre des risques, qui vous motive et inversement? Si c’est non, vous allez perdre l’appétit pour le challenge assez rapidement.» On n’est pas loin du Petit Prince de Saint-Exupéry, un autre visionnaire…
4- Agir sur la pensée positive
Citant les mêmes études, Annika Mansson pointe le fait que 70% de l’engagement d’un employé dépend de son manager. «Le problème, c’est qu’on se focalise souvent sur la performance pour délivrer des résultats et, ensuite, on prend du temps pour le relationnel, car des tensions se sont développées. La formule magique, c’est l’équilibre des deux R: résultat et relationnel, théorise la consultante. Le dirigeant doit se demander quelle ressource il met à disposition pour que les collaborateurs voient une progression ou un résultat tangible et pour qu’ils se parlent à tous les échelons.»
Exemple concret: une société en Suède a mis en place un fil à linge entre tous les bureaux. On y suspend les tâches achevées dans la journée. Cela leur donne une visibilité. C’est également une manière de décharger la direction, car les félicitations ne doivent pas provenir que d’en haut, mais se muer en une pratique entre collègues. Tous les intervenants le rappellent: «Il est important de se focaliser sur les accomplissements, alors que c’est exactement l’inverse qu’on fait la plupart du temps.»
5- Montrer l’impact d’un acte
La pensée positive? De la théorie, grimacez-vous, car beaucoup d’actions se révèlent répétitives, les clients sont souvent insatisfaits et la pression sur le temps est toujours le paramètre de trop. George Kohlrieser n’est pas de cet avis. «J’ai rencontré des travailleurs qui font le même job depuis trente ans et sont motivés chaque matin. Ils se réinventent dans le même boulot, ouvrant leurs perspectives. Lorsque je négocie avec un preneur d’otages, c’est justement cette mise en perspective qui est importante. Montrer à celui qui a l’arme dans sa main qu’il a le choix de détruire ou non une famille, de faire de la peine à son propre entourage… Je lui fais observer le bénéfice de ce choix, même si, pour lui, la meilleure option implique de se rendre et d’aller en prison.»
La formule magique, c'est l'équilibre des 2 R: résultats et relationnel.
Un avis partagé par Michel Bolle: «Il faut montrer aux employés que leur travail ou leur choix a une valeur ou un impact pour quelqu’un, ce qui est souvent oublié derrière les délais et les volumes. Lorsque votre vendeur ne fait aucun deal après 20 visites, alors qu’il a un bon produit, s’il connaît la valeur de son travail sur le long terme pour la société, il persévérera. Cela grâce à des feed-back réguliers, pas seulement en fin d’année, c’est trop tard. Je donne 25 feed-back par semaine à mes équipes commerciales. C’est comme dans une compétition, une série de défaites ne fait jamais plaisir, mais les grands champions se relèvent et continuent, pour eux, pour l’équipe ou pour le club.»
6- Assumer son rôle de leader
Ce n’est pas un mystère, le responsable doit être prêt à être un moteur pour ses collaborateurs. C’est épuisant et beaucoup ne sont pas formés pour être des dirigeants. «Le système de promotion, tel qu’on le connaît, est biaisé car on devient manager lorsqu’on fait bien son job. Quelqu’un d’autre reprend alors ce travail, souvent pour le faire moins bien, entraînant des situations que vous devez alors régler, ironise Simon Sinek dans ses vidéos. On n’est pas préparé à ce rôle. Etre leader est un grand sacrifice et, lorsque ça sent mauvais, c’est chez vous qu’on vient et c’est à vous de dire posément à vos équipes d’essayer encore.» Qui a envie de ça?
S’il n’endosse pas son rôle ou entre uniquement dans une dynamique de commandement, le leader se retrouvera très vite seul face à un groupe démotivé où il se révèle être le maillon faible. «Diriger, c’est rassembler des personnes divergentes dans un but commun. Le leader peut mettre en mouvement, mais c’est ensuite au collaborateur de marcher, développe Michel Bolle. On doit soutenir, mais tout en restant humble dans cette démarche car, très honnêtement, lorsque vous êtes à 13-13 dans le cinquième set, les deux derniers points, ce n’est pas l’entraîneur qui les marque. Le boulot, c’est le joueur qui le fait. C’est une magie entre tous, il faut en avoir conscience.»
Pour cela, il est important de bien cerner ses salariés, sans jugement. «Certains ne bossent que pour l’argent, d’autres que pour arriver à la retraite, d’autres encore parce qu’ils s’éclatent au travail. Il faut reconnaître ces paramètres, poursuit l’ancien coach. Rien de mieux, alors, que de s’ouvrir soi-même à ses employés. Un leader doit aussi être capable de partager sur sa personne, de parler de ses expériences. Il doit susciter l’envie d’entamer une vraie discussion.»
7- Garder un esprit ouvert
Donner envie n’est pas toujours simple, en particulier dans une économie disruptive où le changement est inévitable et, pour certains, angoissant et démotivant. «La clé est de ne pas demander au salarié de changer, mais d’expliquer pourquoi il peut être bon de changer», pose Simon Sinek, citant Martin Luther King, un motivateur viscéral. Appréciez la nuance entre voir le but et voir le cheminement jusqu’au but, les deux visions ayant leur intérêt.
«En tant que motivateur, on ne peut pas changer la peine ou la peur, mais on peut changer la manière de les aborder, reformule George Kohlrieser. Le leader qui tente d’ignorer les difficultés de l’entreprise ou de ses collaborateurs n’est pas bon. Il doit créer de l’empathie, comprendre, pour ensuite proposer des pistes de solution et faire apparaître le bénéfice de cette situation. C’est lui qui conduit tout changement et, si on réfléchit bien, chaque journée est constituée de minuscules petits changements. Aller contre ou les refuser génère justement le découragement.»
On se souvient que sur les bancs de l’école, nos maîtresses changeaient souvent les élèves de place pour redonner une nouvelle dynamique. Certains dirigeants s’en inspirent, à l’image de Japan Tobacco International (JTI) qui propose des «lateral steps» (lire encadré). Lutter contre la morosité se fait au quotidien, rappelle Maxime Roux: «Il ne faut pas attendre que la motivation revienne pour agir, c’est l’inverse qui se produit. En faisant, on apprend, on se confronte et c’est stimulant. Il n’y a rien de plus frustrant que de voir les autres évoluer et de rester toujours à la même place.»
8- Avoir une écoute mature
Passons désormais à la pratique et communiquons cette motivation. Une idée? Pas vraiment. Simon Sinek s’amuse de la gaucherie de certains chefs d’entreprise: «Ce qui me fait le plus rire, ce sont ces CEO qui me disent: «Ma priorité numéro un, ce sont mes clients!» C’est le discours d’il y a cinquante ans. Un CEO est responsable de ses employés. Les clients sont responsables pour eux-mêmes, tout comme un parent n’est pas responsable des enfants du voisin.» Après cet exemple à ne pas suivre, le motivateur britannique lance une piste: «Empathie et perspective, voilà les deux composants du leader inspirant.»
Et de glisser les propos de Nelson Mandela, qui rappelait les deux conseils de son père: «Assieds-toi dans le cercle et parle en dernier.» Délicieusement caricatural, l’auteur de Leaders Eat Last insiste en particulier sur le rôle d’écoute du dirigeant qui doit connaître l’opinion des salariés et surtout pourquoi ils pensent cela. A partir de là, il peut démarrer son propos.
La maturité dans les échanges permet de lancer des projets motivants de développement, de formation ou d’innovation. Ces discussions de tour de table ne coûtent rien, paraissent simplistes ou illusoires, mais leur impact est énorme. «C’est comme dans un couple, l’erreur est de ne plus prêter attention à l’autre parce qu’on croit tout savoir de lui», évoque Michel Bolle.
9- Encourager, mais comment?
Un brin démagogique si on en abuse, les conseils sont souvent accompagnés d’une série de bonnes pratiques de l’entreprise. Cours de fitness, fruits frais et autres stimulations visent à fidéliser les employés. Le réel impact est limité, même si tout n’est pas à jeter. «Ce sont des méthodes à l’ancienne qui ne procurent pas une satisfaction durable. C’est de l’utopie, avance même la fondatrice de Happy at Work. Ce n’est pas une banane qui va vous motiver à travailler. Aujourd’hui, on vise la récompense individuelle où chacun choisit son cadeau, non pas une prime mais quelque chose qui lui tient à cœur.»
La motivation ne signifie pas forcément le succès ou être capable de gagner.
Avec la foultitude de tendances, difficile dès lors d’y voir clair dans la manière d’encourager le personnel. Le plus simple, finalement, c’est de demander à chacun ce qui le motive. Afin de mieux cibler les souhaits, chez De Rham, on a remis au goût du jour la boîte à idées dans la cafétéria. Elle est utilisée en moyenne une fois par semaine. «Cela permet de dire à tous qu’on est à l’écoute et qu’on agit, relève le DRH. Il n’y a rien de révolutionnaire, mais on implique les salariés, tout comme avec le comité de loisirs, élu en interne et qui organise sorties ou mesures suggérées.»
10- Jouer le jeu infini
Motiver, c’est donc comprendre, s’ouvrir, donner des perspectives, valoriser. Le problème, c’est que de nombreux dirigeants jouent le mauvais jeu, selon Simon Sinek. «Beaucoup de CEO sont engagés dans le «final game», dans lequel on cherche à battre l’autre. Alors que le business, c’est un «infinite game», schématise-t-il. Le mode «gagner ou perdre» entraîne de la frustration. On est obsédé par la compétition. Tandis que si son modèle est d’avancer, d’apprendre, d’enseigner et de transmettre l’information, les obstacles ou crises n’auront pas le même impact car on continue le jeu. On sait qu’un problème est suivi d’une solution et que c’est la route du jeu durable.»
Tous le savent, rester dans la partie malgré les secousses du marché est un défi. «Nous avons tous des périodes avec de hauts volumes de production ou un problème technique qui met des équipes sous pression. La motivation est un challenge à ce moment, note Christian Meier-Staude. Il n’y a pas de recette magique. Mais l’important est d’être très proche des collègues à qui ça arrive, y compris le management. Ce dernier ne va pas forcément apporter la solution, mais il va être là, en amenant des ressources additionnelles lorsque c’est possible et surtout en soulignant qu’ils sont la priorité. Une crise peut être un instrument de motivation très puissant si elle est bien gérée. Parce qu’on partage davantage encore dans l’urgence, en créant la confiance.» Enfin, George Kohlrieser parle aussi de résilience ou de faculté à se remotiver rapidement pour un projet; le secret serait de ne pas cesser… de rêver.
Chez Japan Tobacco International, on échange les postes
Reconnu par de nombreux classements comme l’un des meilleurs employeurs en Suisse depuis plusieurs années, Japan Tobacco International (JTI) regroupe 1300 collaborateurs entre Genève et le canton de Lucerne. Christian Meier-Staude, directeur des ressources humaines en Suisse, partage quelques axes favorisant l’implication du personnel. «Nous partons du principe que les employés qui arrivent chez nous sont motivés. On ne parle donc pas de motiver les gens, mais de maintenir leur motivation initiale et d’éviter de les décourager, nuance le DRH. Pour cela, on forme nos managers et nos équipes à donner du feed-back, à utiliser ces retours, à parler positivement…»
Les interactions «cross-fonction» entre tous les échelons de la hiérarchie sont aussi encouragées. «Ces séances tour de table sont particulièrement appréciées. Elles permettent d’échanger. Le management y rappelle aussi la contribution de chacun dans le succès de la compagnie. Les employés ne sont pas vus comme du capital, mais comme des investisseurs qui engagent leur temps, et aussi leur créativité et leurs idées, ce qui influence la relation avec le supérieur.»
Enfin, le concept qui fait le succès de JTI est le «lateral step», à savoir le changement de poste au sein de la société. «Cela dure six mois, dix-huit mois ou de manière permanente, note-t-il. Par exemple, notre manager qualité est devenu manager RH pendant un an. Il a acquis ainsi de nouvelles connaissances dans l’entreprise, tout en amenant son bagage «qualité». Cela demande un certain effort, un programme de suivi, des connaissances minimales et un travail de proximité entre collaborateurs. Cela prend aussi un peu plus de temps pour accompagner la personne transférée. Pour cela, nous avons un groupe de mentors en soutien. L’intérêt suscité par le «lateral step» est énorme, car il enrichit le cercle de collègues et permet de développer son potentiel, tout en conservant son salaire. Il y a un partage d’expérience très stimulant.» Une carrière horizontale en quelque sorte, sur le principe du «learning by doing», cela avant d’envisager une promotion, si tel est le souhait du collaborateur.
Les collaborateurs de MVT Architectes encouragés à être entrepreneurs
J’étais en poste dans une multinationale auparavant et j’imaginais toujours que les PME n’avaient ni le temps ni les moyens de mettre en place des initiatives motivantes structurées. J’ai changé d’avis, remarque Debora Akinci, directrice RH de MVT Architectes. Ce qui est fantastique avec les petites structures, c’est que le processus décisionnel est bien plus rapide.» L’atelier de presque 40 collaborateurs à Genève a développé une approche où les employés peuvent devenir associés. Ce qui a été le cas pour trois d’entre eux l’an dernier, grâce aussi à une gestion financière tout en transparence.
«La société répartit ses bénéfices selon la règle des trois tiers: un pour les actionnaires, un pour le personnel (suivant un système de points de base et de points à discrétion) et un pour le développement de l’entreprise, explique la directrice, pour poser le cadre. Par souci de pérennité et en guise de motivation, nous avons eu une démarche proactive pour ouvrir l’actionnariat. Parfois, la question financière est un frein. Nous avons donc constitué une réserve pour ça, sur la base de nos bénéfices.»
Un autre projet stimulant a été la reprise de la société Nuances - Architecture d’intérieur par une collaboratrice du bureau. «L’employée, devenue depuis directrice de la filiale, avait les compétences pour cette activité qui est complémentaire à notre cœur de métier et MVT a amené le cadre administratif, financier et légal, se réjouit Debora Akinci. Un investissement pour lequel nous avons commencé à rentrer dans nos frais dès le cinquième mois après la reprise.»
Ce type de mesures motivantes découle d’entretiens annuels très ouverts, sous forme de questions telles que: «Quelles sont les trois choses qui m’ont plu cette année?», «Lesquelles de mes compétences ne sont pas utilisées?», «Y a-t-il un projet que j’aimerais développer?»... Cela a permis également de créer un service d’imagerie 3D pour un salarié engagé comme architecte mais passionné par la réalité virtuelle, une activité externalisée avant cela.
De Rham, de la crise de valeur à la volonté "d'être bien" au travail
En proie à une crise des valeurs qui a abouti à la vente de l’activité de courtage en septembre 2013, la régie immobilière lausannoise De Rham a voulu prendre davantage soin de ses 75 collaborateurs. Le turn-over était alors de 30%. Quatre ans plus tard, il a été réduit à 5%, grâce à une nouvelle dynamique RH. Quant à l’absentéisme, il est passé sous les 2%, ce qui a permis de réduire le temps de travail de 42,5 à 41,15 heures, sans augmenter les heures supplémentaires. «Nous sommes passés de la recherche du bien-être au travail à la volonté d’être bien au travail, tout simplement, explique Mauro Santarella, directeur RH chez De Rham. Nous avons œuvré avec des moyens qui ne sont pas ceux d’une multinationale. Le bien-être à travers un massage, un cours de yoga ou des bureaux électriques, ça s’achète, c’est facile. Mais ce n’est pas ce qui va motiver l’employé sur le long terme ou le fidéliser. L’«être bien», c’est différent.»
Engagé il y a cinq ans avec l’objectif de remotiver les salariés dans des valeurs familiales, le directeur a pu se consacrer presque totalement à cette question. «Nous avons mis en place une formation managériale décalée, basée sur l’optimisme, à savoir comment voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, cela grâce à une approche en amont des problèmes et la création d’équipes heureuses. Jusque-là, on nommait responsables nos meilleurs vendeurs. Mais être un bon gérant d’immeubles ne fait pas de vous un bon manager.»
Mieux communiquer à tous les niveaux hiérarchiques, former les managers pour diriger des collègues, en les valorisant, en les responsabilisant, en leur donnant du sens, tels ont été les stimuli, auxquels s’ajoutent de nombreuses initiatives comme un comité de loisirs, une boîte à idées, des jours de vacances supplémentaires, etc.
Tout cela a un coût. «Nous sommes convaincus que c’est du donnant-donnant, appuie le DRH. Nous consacrons 2,75% de la masse salariale à ce type de formations. C’est énorme. Mais en moins de cinq ans, nous nous nous sommes métamorphosés. Du reste, nous recevons des offres spontanées de talents et nous sommes devenus la référence du canton dans notre secteur.»