Mal de dos, stress ou burn-out: le monde du travail moderne engendre une variété de nouvelles conséquences néfastes pour le corps ou l’esprit. Alors qu’en 2000 un quart des Suisses actifs se sentaient stressés au travail, cela concerne aujourd’hui un tiers de la population active, selon le Seco. Un surmenage professionnel entraîne souvent de l’absentéisme et dans certaines situations du burn-out.
Ces baisses de performance coûtent environ 6,5 milliards de francs par an à l’économie suisse. Pour y répondre, de plus en plus d’entreprises se penchent sur la santé de leurs employés.
A vélo au boulot
La campagne nationale «Bike to Work» de l’association Pro Vélo Suisse recommande depuis 2005 aux employés d’utiliser un vélo pour se rendre sur leur lieu de travail pendant les mois de mai et/ou juin. «Notre objectif est de montrer que la bicyclette est une forme de mobilité plus active, agréable et facile à adopter», résume Dorothée Nicolaisen, collaboratrice de l’initiative chez Pro Vélo Suisse. L’usage du vélo dans les déplacements domicile-travail entraîne par ailleurs une réduction du risque de mortalité précoce de 28%, selon une récente étude danoise.
En 2018, 2114 entreprises et institutions de toute la Suisse, comme Migros, l’EPFL ou le CERN, ont parcouru ensemble plus de 15 millions de kilomètres. «Le projet est très bénéfique pour les entreprises, poursuit Dorothée Nicolaisen. Il véhicule une bonne image publique et renforce l’esprit d’équipe entre leurs collaborateurs, qui sont plus en forme et plus concentrés après avoir bougé en plein air.» Selon une étude de l’Université de Berne de 2018, près d’un participant de «Bike to Work» sur cinq, soit plus de 12 000 personnes, continue à faire du vélo après avoir tenté l’expérience. L’avantage de cette discipline est également qu’elle peut se compléter avec une activité physique au bureau.
Méditation et musculation
La société lausannoise Wellness Corporate propose une approche plus globale aux entreprises qui la mandatent. Depuis douze ans, avec des équipes de 25 coachs en nutrition, sport et «mindfulness», la société parcourt toute la Suisse romande pour dresser des bilans de santé des employés et les sensibiliser aux vertus du sport par des programmes personnalisés. Ils évaluent notamment la flexibilité, la composition du corps (masse graisseuse, masse musculaire), la force générale ou encore la pression artérielle. Patricia Soave, directrice de la société, constate que le surpoids, le manque de souplesse, le stress et les mauvaises postures sont les problèmes les plus récurrents. «Chaque personne peut s’améliorer. Nous proposons des exercices de sport faisables sur la chaise de travail, des exercices de méditation en pleine conscience et des conseils nutritionnels, à adopter au travail et à la maison.»
Les coûts de ces actions sont minimes en comparaison des conséquences de l'absentéisme et du burn-out.
Cette prestation est facturée entre 90 et 190 francs par personne, le prix variant selon la taille de l’entreprise et l’offre demandée. Au total, la société a réalisé plus de 2800 bilans, avec une demande en forte progression. «Les départements de ressources humaines ont compris l’intérêt de promouvoir la santé de leurs employés. Les coûts de ces actions sont minimes en comparaison des conséquences de l’absentéisme, des maladies, du burn-out.» La société s’appuie notamment sur la revue médicale The Lancet, dont un récent article indiquait que la pratiquer régulière d’une activité physique diminue de 50% le stress et le risque de dépression.
L’entreprise pharmaceutique Debiopharm International, basée à Lausanne, a elle-même mis en place des mesures de santé, comme des dépistages ou des activités sportives sponsorisées (lire encadré). «Nous avons constaté que si les employés sont épanouis au travail, ils sont plus engagés dans l’entreprise», souligne Manuela Perraudin, directrice des ressources humaines.
Du bienfait de l’autonomie
Les solutions développées ne concernent pas que les activités physiques. Neuvoo, une plateforme d’agrégation des offres d’emploi sur internet basée à Lausanne, a adouci les horaires afin que les employés puissent gérer les emplois du temps à leur convenance (lire encadré). «Nos collaborateurs sont responsabilisés par rapport à leur travail, explique Maxime Droux, cofondateur de la société. Autonome, chacun est libre de gérer son temps comme il le souhaite. Beaucoup d’entre eux en profitent pour intégrer leurs activités sportives dans la journée.»
Le bien-être des salariés passe aussi par une bonne relation avec les supérieurs. Selon Promotion Santé Suisse, 1,4 million de personnes actives ressentent un déséquilibre entre ce qui leur est demandé et les ressources dont elles disposent. C’est pourquoi la structure a créé le label «Friendly Work Space», qui récompense les entreprises qui respectent certains critères de gestion de la santé, comme le développement d’environnements favorables au travail collaboratif, par exemple. «Nous encourageons les entreprises à adopter un management plus bienveillant, basé sur la confiance et la reconnaissance du travail», détaille Karine Gautschi Hälg, responsable sensibilisation et diffusion chez Promotion Santé Suisse. Pour l’instant, 82 sociétés en bénéficient.
Elle alerte cependant sur la nécessité de cohérence dans les demandes de l’entreprise: «On ne peut pas demander aux employés de faire attention à leur sommeil tout en continuant de leur envoyer des e-mails jusqu’à 23 heures.» Quelle que soit leur méthode, un nombre croissant d’entreprises semblent avoir pris conscience de l’intérêt de promouvoir la santé de leurs employés. La problématique est également entrée dans le débat politique et fait notamment partie des objectifs de Santé2020 fixés par la Confédération.
Eviter l’ascenseur pour une action philanthropique
L’entreprise pharmaceutique Debiopharm International fidélise ses employés en soutenant leur épanouissement et la promotion de leur santé.
Chez Debiopharm International, on privilégie les escaliers. En effet, depuis 2014, la société pharmaceutique basée à Lausanne invite ses employés à limiter l’usage des ascenseurs. L’initiative s’intitule «l’attitude téléthonique», puisque le montant des économies d’énergie réalisées est ensuite reversé à la fondation du Téléthon. «L’idée de se soucier de sa propre santé tout en contribuant à une cause philanthropique est très motivante, dit Manuela Perraudin, directrice des ressources humaines chez Debiopharm. Nous avons constaté une baisse de 40% de l’utilisation des ascenseurs. Les échanges informels entre collaborateurs ont aussi été multipliés car ceux-ci se croisent et échangent davantage dans les couloirs, ce qui a amélioré l’ambiance de travail.»
La société de 250 employés a aussi instauré une politique de prévention de la santé qui comprend des activités sportives sponsorisées, des dépistages de maladies cardio-vasculaires, des contrôles de l’audition et de la vue, des interventions de spécialistes en ergonomie ou encore des vaccinations saisonnières contre la grippe gratuites. Les salariés peuvent également assister à des conférences avec des professionnels sur des thèmes allant de la gestion du stress et des émotions, l’arrêt du tabac, ou à l’importance de la nutrition. «Ces mesures représente un budget important, mais contribuent à l’épanouissement de nos employés, ce qui renforcent aussi leur engagement et leur fidélité à l’entreprise.»
La culture du bonheur au travail
La société Neuvoo applique la confiance réciproque pour proposer à ses employés des horaires libres.
Pour l’entreprise lausannoise Neuvoo, plateforme d’agrégation des offres d’emploi sur internet, l’épanouissement au travail est primordial. Les 200 employés ont des vacances illimitées et des horaires de travail totalement flexibles. «Nos collaborateurs sont responsabilisés par rapport à leur travail, ils sont donc autonomes et libres de gérer leur temps sans avoir à suivre des pointages d’une autre époque, explique Maxime Droux, cofondateur de Neuvoo. Ainsi, ils ont facilement la possibilité d’intégrer leurs activités sportives au sein de leur journée, durant leur pause de midi ou le matin, par exemple.» En moyenne, les employés de Neuvoo prennent 20 à 25% de congés en plus que dans les entreprises traditionnelles, soit 6 à 7 semaines de vacances par année. «Nous fonctionnons selon une approche de résultats, poursuit Maxime Droux. Tant que l’employé atteint ses objectifs, il peut s’organiser comme il le souhaite.»
La société Neuvoo cultive l’idée du bonheur au travail, ce qui lui permet d’augmenter la productivité de l’entreprise mais aussi d’attirer et de garder les bons employés. En cinq ans, la société n’a enregistré que deux départs. «Les renouvellements de personnel sont coûteux, précise Maxime Doux. Il est donc toujours préférable de garder ses collaborateurs et, pour qu’ils aient envie
de rester, qu’ils soient heureux.»