C’est un vocable un peu décrié en Suisse, une pratique restée longtemps discrète mais qui pourrait devenir très vite incontournable dans le monde du travail romand. Le portage salarial est en effet une activité en forte croissance dans les relations d’affaires locales et qui correspond parfaitement à l’avènement récent de la recherche d’indépendance professionnelle ainsi qu’à la multiplication des mandats de consultants dans toutes les branches.
Mais qu’est-ce, au juste, le portage salarial? Dans sa version moderne, il s’agit d’un cadre légal de travail au sein duquel une personne (considérée comme le contractant) peut être employée par une structure lui permettant de cotiser aux assurances sociales tout en négociant les mandats de son choix de façon indépendante (lire encadré).
«Ce système permet alors à une société de recourir aux services d’un consultant rapidement, sans devoir l’embaucher ou s’occuper des contraintes administratives et légales inhérentes au recrutement d’un employé traditionnel. On se rend compte, d’après notre expérience, que ce système rend les personnes davantage ’employables’ à tout âge et qu’elles réussissent ainsi des missions temporaires plus rapidement et plus facilement», décrit Gina Empson, fondatrice de la société The Business Harbour, à Genève. Cette entité a été fondée en 2009. Auparavant, la directrice (par ailleurs membre du conseil d’administration de la Banque cantonale de Genève) dirigeait sa propre fiduciaire avec un département d’administration des salaires en pleine expansion.
«En écoutant les besoins de mes clients, j’ai compris la flexibilité dont ils avaient besoin. J’ai décidé d’apporter aux sociétés, ainsi qu’aux consultants, une solution qui réunit le meilleur de leurs deux mondes. Un peu comme un ménage à trois! De plus, en étant en quelque sorte les employeurs, nous assumons les risque en ressources humaines à la place des entreprises.» Gina Empson décrypte ensuite les rouages du portage salarial, encore trop méconnu du grand public, estime-t-elle.
Commission de 5%
A la différence de celles consacrées au travail temporaire, les agences de portage salarial en Suisse romande fonctionnent en majorité avec des consultants qui cherchent ou détiennent déjà un mandat auprès d’un client ou d’une entreprise désirant optimiser ses coûts de ressources externes, en toute transparence. Dans ces cas, The Business Harbour est alors l’employeur du consultant et fournisseur du client. La société de portage s’occupe en l’occurrence de toutes les charges sociales et autres obligations administratives. En revanche, elle facture sa prestation aux entreprises, à hauteur de 5% du montant facturé au client pour les services du consultant. Un deal qui semble très apprécié des sociétés et «indépendants». Il faut préciser que dans de très nombreux cas, les consultants trouvent en général eux-mêmes des missions en Suisse ou à l’étranger.
Je peux ainsi me concentrer sur mon job et ne pas perdre de temps en paperasse.
Ainsi, le consultant biostatisticien genevois David Warne utilise le système du portage pour offrir ses services, sans avoir à monter sa propre structure. Il nous explique le fonctionnement: «Lorsque le groupe pharmaceutique important qui m’employait depuis dix-huit ans a fermé ses portes à Genève, mes compétences étaient si spécifiques qu’il m’était difficile de correspondre aux besoins d’une seule société. En l’espace de deux ans, j’ai construit un portefeuille de plusieurs clients basés en Suisse et en Europe. J’ai horreur de perdre du temps avec de la paperasse, mais j’adore mon travail. En utilisant le portage, je peux me concentrer sur celui-ci.»
Preuve de son succès, The Business Harbour a «porté» jusqu’à aujourd’hui 350 employés auprès de 200 sociétés pour des mandats de quelques mois à plusieurs années. «La durée moyenne est de dix mois et la demande est en croissance continue, car notre solution permet une sorte de flexibilité pendant les gels d’embauche ou les restructurations. Mais également durant les périodes de surchauffe durant lesquelles les demandes sont toujours plus nombreuses pour des projets», ajoute Gina Empson.
Autorisation du Seco
Un avis partagé par Alan Cookson, un entrepreneur client de la société genevoise. «J’étais directeur général de deux start-up issues de l’Université de Genève actives dans les domaines pharmaceutique et diagnostic développant des produits dans le monde entier. Mais nous n’avions pas les compétences à l’interne pour gérer les salaires. En externalisant nos besoins auprès d’une équipe d’experts du portage, nous avons pu augmenter nos effectifs facilement au fur et à mesure de notre croissance sans engagement à prendre sur le long terme.» Et de l’avis de plusieurs experts, le portage salarial commence effectivement à prendre de l’ampleur en raison des périodes économiques toujours plus instables.
La concurrence romande sur le portage est d’ailleurs très vive, avec la présence de sociétés comme ThalenT, MITC, Helvetic Payroll, Access Etoile ou Jam. La législation suisse en la matière ne cesse d’ailleurs d’évoluer dans le sens de ces pratiques. Il est à noter enfin que les sociétés de portage salarial évoluent dans un cadre légal strictement contrôlé. Elles nécessitent entre autres des autorisations des office cantonaux de l’emploi et du Secrétariat à l’économie (Seco) pour proposer leurs services de portage salarial.
Comment ça marche?
Le portage salarial est une relation entre trois parties:
- Le consultant devient un «contractant employé» de la société de portage, avec un contrat de travail et tous les avantages liés au statut d’employé. Ses prestations sont facturées à la société contractante par le «porteur».
- Le consultant est responsable du travail qu’il s’engage à fournir à la société contractante. De même, il est chargé de trouver ses clients et de négocier ses tarifs avec eux.
- La société de portage et la société contractante sont liées par un contrat de prestations de services. Le «porteur» facture les prestations du consultant à la société contractante et se charge de verser le salaire du consultant.