Briser la solitude du chef ou de la cheffe d’entreprise, tel est l’argument principal avancé par la vingtaine de groupes d’affaires et autres clubs services contactés dans le cadre de cette enquête. Ensuite, chacun y va de sa spécificité: réservé au top management de la société, aux CEO de moins de 40 ans, aux femmes, aux dirigeants gays, aux indépendants, il y a de quoi satisfaire tous les besoins. Comment cohabite cette multitude de cercles d’affaires?
A les entendre, aucune cannibalisation, et parfois même des collaborations, comme l’illustre La Rentrée des réseauteurs, organisée à Genève le 20 août prochain, où dix associations allient leurs forces, espérant drainer près de 450 dirigeants d’entreprise. Quel est donc le groupement professionnel qui vous correspond? Inventaire, non exhaustif, en Suisse romande.
DÉVELOPPEMENT DU MANAGER
APM, Association pour le progrès du management
«Le but est de faire progresser le numéro un de l’entreprise grâce à un partage d’expériences entre pairs, explique Marc Devillard, fondateur et président pendant dix ans d’APM Genève. Dix fois par an, nous consacrons une journée à échanger sur une thématique avec un intervenant d’envergure. Nous abordons des questions telles que la gestion du stress, la stratégie commerciale, les préoccupations écologiques, les pièges à éviter lors de la vente de sa société ou comment manager les jeunes générations… La mission d’APM étant de donner une vision élargie au chef d’entreprise.»
Il existe trois APM en Suisse romande, celles de Genève, des Trois-Lacs et de la Riviera Léman. Chaque groupe compte au maximum 25 personnes qui ne sont pas là pour faire du business. Les prérequis principaux sont: la présence à 80%, la signature d’une charte de confidentialité, l’adhésion par cooptation et être le patron d’une structure de plus de dix collaborateurs. La cotisation est de 3800 francs par an.
Cercles de Rezonance
Lancés il y a deux ans pour les managers, ces cercles sont les groupements imaginés par Geneviève Morand, pionnière en matière de communautés intellectuelles. Rappelons qu’elle a créé en 1998 Les Rendez-vous du numérique, cinq ans avant l’apparition de LinkedIn. «Avec les RezoCercles, nous ne visons pas l’augmentation de la connaissance du manager, mais l’approfondissement de celle-ci, expose Geneviève Morand. C’est un enrichissement du modèle mental. Après un premier rassemblement hyper-cercle entre tous les groupes en août à Genève, les échanges d’une demi-journée se poursuivent lors de sept rencontres en unités de taille réduite dans les régions. Ces cercles doivent être des moteurs de créativité, pas des cours qui vous disent comment faire.»
Les conditions d’adhésion sont la confidentialité absolue, être dirigeant d’une entreprise d’au moins dix employés, accueillir si possible l’un des cercles dans sa société. La cotisation est de 3200 francs par an tout compris. Quatre cercles existent en Suisse romande et deux autres vont voir le jour d’ici à la fin de l’année.
RCE, Raiffeisen Centre des entrepreneurs
«Ces rassemblements sont destinés exclusivement à des patrons d’entreprise, leur propriétaire, non à des directeurs, précise Nicole Conrad, responsable RCE pour la partie francophone. L’implication et le vécu ne sont pas les mêmes.» Le concept a démarré cet automne en Suisse romande à Yverdon, avec 100 membres, mais est né en Suisse alémanique, où l’on trouve cinq centres. Point intéressant: les espaces de travail RCE sont à disposition des membres partout en Suisse. Ils peuvent aussi y louer des salles de conférences à prix préférentiel. La cotisation s’élève à 290 francs ou 400 par couple, ce qui donne droit à quatre événements gratuits (lire aussi PME Magazine de février 2018).
Osmose Connect
Il est réservé aux indépendants, qui se retrouvent à dix reprises pendant un an dans le Nord vaudois. Les séances se déroulent dans des espaces de coworking ou des restaurants. Le principe est celui du «speed dating professionnel». «Dans les événements de réseautage, tout le monde n’est pas à l’aise d’aller parler avec quelqu’un. Ici, vous avez huit minutes pour échanger sur votre entreprise et connaître celle de votre interlocuteur», explique Patricia Wiesner, porte-parole d’Osmose. En une heure et demie, vous avez ainsi entendu les pitchs de tout le monde ou échangé sur une problématique bien précise. Il est gratuit et les échanges entre générations sont bienvenus.
BUSINESS FIRST
BNI ou Business Network International
Le but: accumuler du chiffre d’affaires en ouvrant son carnet d’adresses aux membres BNI et en les recommandant. BNI Suisse a ainsi cumulé 278 millions de francs de CA en 2018. Chaque «chapter» accepte un membre par métier. La présence obligatoire – chaque semaine à 6h45 du matin – est souvent vue comme une contrainte. Le coût annuel varie entre 2200 et 3200 francs, selon les arrangements petits-déjeuners (lire aussi PME Magazine de mai 2019).
AGRP, Association genevoise de réseautage professionnel
Son credo: du business local par les entreprises locales. Depuis sa création en octobre 2016, 1146 recommandations d’affaires ont été enregistrées. «Notre chiffre d’affaires est de près de 3 millions de francs en moins de trois ans, relève Stanislas Jacques, le président et fondateur. Nous nous rapprochons de BNI, mais sommes plus souples, avec deux rencontres seulement par mois, par exemple. Par ailleurs, nous encourageons nos membres à se montrer dans d’autres réseaux.» A noter qu'Alexis Jacques, membre fondateur et vice-président de l'AGRP, est également le fondateur de l’événement La Rentrée des réseauteurs à Genève, qui vise à découvrir d’autres groupes professionnels. Prix: 50 francs par mois sans le petit déjeuner.
CRR, Club de Réseautage Romand
Objectif : offrir des opportunités pour le développement des affaires par le biais d’échanges réguliers entre les membres et invités externes. Comptez une dizaine d’évènements par an. Appelé réseautage romand, il est quasi exclusivement orienté sur Genève. Conditions: 70 francs par an et événements payants, un seul acteur par profession.
FEMMES EN TÊTE
Genuine Women
Créé en 2017 par Emilie Hawlena, ce groupe de soutien aux femmes porteuses de projet s’est développé dans huit villes en Suisse romande. «Nous comptons 700 entrepreneuses dont la société a entre 0 et 5 ans, précise la fondatrice. Le principe est l’entraide sur des projets, grâce à une permanence juridique ou marketing gratuite, où les «genuines» se consacrent mutuellement du temps, selon leurs compétences. Nous organisons aussi des événements et des workshops de trois heures. Ces ateliers sur des thèmes liés au lancement d’une entreprise coûtent 45 francs pour les membres.» Promouvant la cocréation et les partenariats, la structure collabore à l’occasion avec les Mampreneurs ou Women in Digital. Conditions: 390 francs par an de cotisation. Les hommes sont invités à se joindre à certains événements.
LEAF, L’Entrepreneuriat au féminin
Réseau virtuel gratuit regroupant une communauté de 2900 adhérents, dont des hommes. «Nous parlons de l’entrepreneuriat au féminin, mais des hommes s’y intéressent; soit parce qu’ils ont une cheffe, soit une épouse ou une sœur qui est entrepreneuse», observe la fondatrice, Sophie Lambert. Des rencontres avec des échanges d’expériences sur des thèmes comme la faillite, la gestion financière ou le recrutement sont proposées dans un mode décontracté. «J’aime rire fort et, dans les autres clubs, je ne me sentais pas à l’aise, note Sophie Lambert, qui a mis en ce moment les événements LEAF en veilleuse, le temps de sa grossesse. L’ambiance se veut chaleureuse, à l’américaine. Nous avions par exemple organisé un talk-show à l’IMD à Lausanne, animé par Marianne James. Des cheffes d’entreprise y évoquaient leur quotidien professionnel avec humour.»
Femmes PME Suisse romande
C’est un réseau de femmes exerçant une responsabilité dans une PME. Elles se retrouvent dans des centres patronaux ou des entreprises partenaires quatre ou cinq fois par an pour les séances centrales et de trois à cinq fois pour les rencontres dans les régions. «Après quatre ans, nous comptons 400 membres actifs, relève Valérie Véron, porte-parole de Femmes PME. Nos thèmes phares sont notamment la transmission d’entreprise et le développement de synergies entre les PME et les indépendants. Nous traiterons de ce dernier thème cet automne.» La cotisation est de 90 francs par an.
BPW, Business and Professional Women
Ce groupe vise à faire progresser professionnellement les femmes, depuis 1930 déjà. Il compte 2500 membres en Suisse et 40 clubs locaux. Il a une consonance politique assumée, avec notamment des initiatives comme l’Equal Pay Day, la journée internationale de l’égalité salariale le 22 février.
JEUNES DIRIGEANTS
GJD, Groupement des jeunes dirigeants d’entreprise
L’idée est d’offrir une bulle d’air récréative aux dirigeants d’entreprise. «C’est plus une amicale, relève Stéphane Camélique, ancien président du GJD-Fribourg. On va à un match de hockey ensemble, on marche sur le chemin de Compostelle. Il y a une dizaine de rassemblements différents par an. Cela répond à une demande, puisque nous sommes 70 sur Fribourg et qu’un nouveau groupe a été constitué cette année à Bienne, avec 46 membres.» En Suisse romande, il y a désormais six sections. La cotisation varie selon les cantons; elle est de 750 francs à Fribourg. Il faut avoir moins de 45 ans et être patron lors de son adhésion. Dès 50 ans, vous êtes exclu.
YPO, Young Presidents’ Organization
Club international réservé aux dirigeants de moins de 40 ans. Il faut être CEO, président ou propriétaire d’une entreprise de plus de 20 employés et avoir un certain chiffre d’affaires. La taille de votre société détermine si vous êtes YPO Gold ou seulement YPO. «Nous nous rencontrons entre 10 et 12 fois par an, sur des événements business, mais également dans un cadre décontracté pour parler des apprentissages de la vie, signale Naava Mashiah, présidente de l’Alpine Chapter YPO. C’est une ambiance très internationale et plusieurs membres parlent cinq langues. Nos thèmes d’actualité sont l’inclusion et la diversité. Nous échangeons pour trouver des solutions inclusives, avec plus de femmes, plus de millennials, plus d’entreprises différentes et plus de sociétés orientées impact.» La cotisation dépasse les 5000 francs.
CDJE, Club des jeunes entrepreneurs
Le cercle est réservé aux dirigeants de leur société qui ont moins de 40 ans. Passé cet âge, ils doivent quitter le groupe. Il y a six réunions officielles, une dans chaque canton romand. Un rapprochement est en cours avec un club de jeunes entrepreneurs alémaniques. «On échange entre chefs d’entreprise de notre génération, car face à une personne de 60 ans, on reste encore souvent le junior, mentionne Yannick Guerdat, le président du CDJE. Au-delà des rencontres, nous avons un groupe WhatsApp qui est activé chaque jour pour des questions telles que «je cherche un avocat international, qui en connaît un?…» Une fois par an, le club remet le Prix Junior Entreprise de plusieurs milliers de francs à un projet de jeunes entrepreneurs entre 16 et 32 ans. La cotisation est de 2500 francs et un représentant par profession est accepté.
ET ENCORE…
Network s’adresse aux dirigeants gays, artistes ou indépendants, tandis que Lwork est un réseau professionnel de femmes homosexuelles en Suisse romande. La question du coming out dans le cadre du travail est une des thématiques récurrentes de ces deux collectifs.
Booster Club, basé entre Genève et la France voisine, véhicule la positive attitude dans le cadre professionnel. Ateliers de coupe de verre, jeux de rôle avec un avocat, participation à une conférence TED ou discussions entre expatriés sur Genève sont au programme de cette année. Se définissant comme un cercle d’amis professionnels, le Booster Club se décline entre Genève, Lausanne, Fribourg, le Valais, Annecy et Annemasse. La cotisation est de 500 francs par an et les rencontres en mode souper canadien sont très fréquentes.
Chambres de commerce toujours attrayantes
Face à la multiplication des clubs d’affaires ou de soutien aux chefs d’entreprise, les chambres économiques ont ajusté leur modèle. Exemple: la Chambre neuchâteloise du commerce et de l’industrie (CNCI) a vu son nombre de membres augmenter de 40% ces cinq dernières années. «Aujourd’hui, les dirigeants se retrouvent devant une pile d’invitations et face à une diversification des réseaux d’affaires, observe Florian Németi, directeur de la CNCI. Nous avons eu une réflexion sur notre rôle. Elle a débouché sur le développement d’événements ciblés B2B, ne dépassant pas 30 personnes, des chefs d’entreprise entre eux. Ces derniers cherchent principalement à se former et à s’informer, ainsi qu’à partager des expériences.» Cette prise de recul de la CNCI a été notamment à l’origine de la création du groupe Agenda 4.0, qui rassemble 50 entreprises de Suisse romande échangeant sur le digital. Autre développement proposé, celui de Vivre l’économie autrement. Tous les deux ans, la CNCI organise une semaine dans un endroit insolite réservé à une trentaine de dirigeants qui bénéficient de trois conférences par jour. La prochaine se déroulera dans un avion. La cotisation à la CNCI démarre à 540 francs et varie en fonction de la taille de l’entreprise. Elle ouvre la porte à un certain nombre d’événements gratuits et à un service juridique ou à des formations à prix préférentiel.