Photos postées sur Instagram, publications sponsorisées sur Facebook ou applications dédiées: les moyens de promotion sur internet ne manquent pas aujourd’hui. Au point de tuer la lettre d’information? Ce moyen de communication, aussi appelée parfois «infolettre», qui consiste à envoyer une communication périodique à une liste de destinataires prédéfinie, semble faire figure de dinosaure à l’ère numérique.
«Nous avons constaté un déplacement progressif des utilisateurs vers d’autres moyens de communication mais nous continuons d’utiliser la newsletter pour son aspect informatif et qualitatif, témoigne Pascal Meyer, fondateur et directeur du site de vente en ligne QoQa. Par exemple pour le suivi d’un projet humanitaire auquel la communauté a contribué, ou l’aboutissement d’une levée de fonds. Dans ces cas, nous observons un taux d’ouverture très important.»
Canal préféré des internautes
Plusieurs études récentes indiquent que l’e-mail reste aujourd’hui encore le canal préféré des internautes pour interagir avec les marques, loin devant les réseaux sociaux. Sur les 4,4 milliards de personnes dans le monde ayant accès à internet, 98% possèdent une adresse e-mail et 81% d’entre elles sont inscrites à au moins une newsletter. «Une bonne lettre d’information occupe toujours une place essentielle dans la stratégie marketing d’une entreprise», confirme Blaise Reymondin, cofondateur de l’agence lausannoise Blaise et Bruno Acquisition Marketing. Pour le spécialiste, la newsletter possède deux principaux intérêts: elle permet de «transformer un prospect en client» et de «conserver ses clients pour cultiver leur loyauté».
Mais pour ce faire, les entreprises doivent impérativement segmenter leurs bases de données. Il s’agit de regrouper les contacts par groupes et de les qualifier pour mieux cibler leurs besoins et leur envoyer des e-mails les plus personnalisés possible. Cette phase de segmentation nécessite souvent un important travail de nettoyage, comme l’explique Aurore Gailing, associée au sein de Spoutnik, une agence spécialisée dans l’e-business basée à Lutry (VD). «Certaines entreprises pour lesquelles nous avons travaillé avaient des bases de données vieillottes, leurs contacts ne lisaient plus leurs e-mails depuis longtemps et elles ne s’en étaient même pas rendu compte… Il faut alors supprimer les e-mails non qualitatifs afin d’optimiser la qualité de chaque envoi.»
La segmentation et la qualification des contacts permettent, ensuite, aux entreprises d’optimiser la gestion des relations avec leurs clients sur la durée. C’est un travail constant à faire au quotidien, mais qui porte ses fruits. «Il ne faut pas hésiter à interroger directement son audience, poursuit Blaise Reymondin. Par exemple en réalisant des sondages pour comprendre les besoins des clients.»
Solidifier la relation client
L’objectif d’une newsletter, on l’aura compris, n’est donc pas d’aboutir à une vente mais de construire et d’entretenir une bonne relation avec son public pour le fidéliser en vue d’obtenir des contacts qualifiés – des leads – ou des clients réguliers. En ce sens, elle est un maillon essentiel de la stratégie CRM (Customer Relationship Management) d’une entreprise, qui consiste à mettre en place des outils pour assurer le suivi de la relation avec les clients depuis leur acquisition jusqu’à leur fidélisation sur le long terme. «Une newsletter réussie doit permettre d’optimiser la conversion des leads en clients, indique Christophe Compte, associé chez Spoutnik. Si l’on atteint 1 ou 2% de conversion par inscription, selon le secteur d’activité, c’est déjà un succès!»
Pour réaliser une lettre d’information réussie, il vaut la peine de faire appel à une palette de solutions dédiées au marketing automation. Des outils comme Salesforce.com, Marketo.com ou Zoho CRM, par exemple, permettent de lire automatiquement les informations d’une base de données et de personnaliser les e-mails en fonction de la qualification des contacts, ou encore de choisir la fréquence d’envoi ou de relance. C’est ce travail qu’effectue notamment l’agence Spoutnik pour accompagner dans sa stratégie CRM des entreprises ou organisations comme la Banque cantonale vaudoise, Gaz naturel ou encore la Fête des Vignerons.
Les résultats s’avèrent payants, détaille Aurore Gailing: «Pour la Fête des Vignerons, l’été dernier, nous avons différencié les différents types de communication – informatif, marketing, merchandising – et créé des segments d’audience pour chacun d’entre eux. Grâce à cette stratégie, nous avons pu obtenir un taux d’ouverture moyen de 60% sur toute la période de communication, ce qui est énorme!»
81% des personnes ayant une adresse e-mail sont inscrites à au moins une newsletter.
En plus d’être un atout essentiel pour la gestion de la relation client, la newsletter s’avère être une option économique. «Dès lors qu’un contact accepte de donner son adresse e-mail, une relation de confiance s’instaure et on n’a plus besoin de payer pour lui envoyer une communication, comme c’est le cas avec la publicité ciblée sur Google ou les réseaux sociaux», explique Christophe Comte. C’est l’une des raisons qui expliquent que les spécialistes du marketing continuent de privilégier ce canal de communication dans le cadre de leurs actions digitales. Dans le cadre d’une campagne de merchandising pour les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) à Lausanne, l’agence Spoutnik a ainsi comparé les commandes clients effectuées via une campagne promotionnelle sur Facebook et celles réalisées par le biais de la newsletter, et les chiffres parlent d’eux-mêmes: il y a eu trois fois plus de conversions par e-mail que par la campagne Facebook.
Mais, alors, on peut se demander à quoi servent les nouveaux outils du marketing digital, comme Google Ads et les réseaux sociaux. La publicité payante est-elle vraiment essentielle? «Oui assurément, répond Blaise Reymondin. Il s’agit d’une stratégie à double détente, indispensable pour créer sa base de prospection, pour récolter des contacts en aval de la gestion de la relation client. On parle, à ce moment-là, de ’stratégie CRM’.»
Ne pas négliger le contact direct
La newsletter se révèle donc complémentaire des nouveaux outils du marketing digital. La publicité ciblée sur internet permettant d’acquérir de nouveaux contacts et prospects potentiels, tandis que la lettre d’information va tisser et construire la relation avec eux pour transformer – in fine – les leads en clients. Mais si les grandes plateformes (Google, Facebook, Instagram, etc.) sont des outils extrêmement puissants pour enclencher le processus d’acquisition de nouveaux clients, il ne faut pas négliger le contact direct, comme le rappelle Aurore Gailing. «L’événementiel reste l’un des meilleurs moyens pour entrer en contact avec les prospects et les clients. Lorsque vous organisez un événement, il faut toujours essayer de trouver un moyen pour récupérer les adresses e-mail des participants.»
Encourager le contact direct pour mettre en place une relation virtuelle serait donc la clé du succès? C’est en tout cas la stratégie développée par de nombreuses grandes entreprises internationales. «Dès que je suis en contact avec un client, je lui propose systématiquement de s’inscrire à notre newsletter», raconte le commercial suisse d’un grand groupe pharmaceutique allemand. Preuve que les échanges humains restent précieux, même dans le monde du commerce mondialisé et dématérialisé…
Une notion d’actualité
«Il faut bien distinguer la newsletter de l’e-mail marketing, aussi appelé e-mailing», explique Blaise Reymondin, cofondateur de l’agence lausannoise Blaise et Bruno Acquisition Marketing. La première adresse une information d’actualité, de façon périodique, à une liste de diffusion prédéfinie de clients ou de prospects. Par exemple l’arrivée de nouveaux produits sur le marché, la rupture de stock d’autres produits, la mise en place de promotions exceptionnelles, etc. Cette notion d’actualité et ce caractère périodique différencient la lettre d’information des autres canaux de communication par e-mail, comme les courriers automatisés ou les autorépondeurs, dont l’objectif est d’envoyer des messages publicitaires à un groupe de destinataires plus ou moins ciblés, pour générer une vente. Problème: s’il est mal ciblé et trop fréquent, ce type de communication a de grandes chances de finir parmi les courriers indésirables de ses destinataires…