Il y a certaines perceptions que la crise sanitaire n’aura pas réussi à ébranler. Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle! A savoir un décalage certain entre la vision d’un manager sur sa gestion d’équipe et… le point de vue de ses collaborateurs. C’est l’un des enseignements du sondage conçu par Raphaël H Cohen, directeur académique de la spécialisation leadership entrepreneurial du EMBA de l’Université de Genève (Unige), en collaboration avec PME Magazine et Le Temps.

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Plus de 1500 personnes, cadres et employés, hommes et femmes, basées dans leur grande majorité en Suisse romande, ont répondu à une quinzaine de questions entre les mois d’avril et d’août telles que: «A quel point votre supérieur-e vous donne envie de donner le meilleur de vous-même au travail?»; «A quel point recommanderiez-vous à un-e ami-e de venir travailler dans l’équipe dirigée par votre supérieur-e?» ou encore: «Quel est le niveau d’engagement que vous pensez susciter auprès de vos subordonné-e-s?»

Des avis qui se retrouvent renforcés par le covid

Côté collaborateurs, ils ne sont que 19,8% des sondés à répondre que leur supérieur leur donne envie de donner le meilleur d’eux-mêmes. A mettre en relation avec les 30,3% (12,6% et 17,8%) de managers qui estiment susciter un bon, voire un excellent niveau d’engagement… Quant à l’évolution des relations durant les premiers mois de la crise sanitaire, ils sont 32,3% de cadres à relever qu’elles se sont améliorées, contre 15,6% pour les employés (voir infographie). «Les chefs nourrissent bien souvent l’illusion que tout se passe bien, un avis que ne partagent pas forcément leurs collaborateurs. Le semi-confinement au printemps n’a fait que renforcer ces perceptions préalables dans le bon et le mauvais sens», note Raphaël H Cohen.

Petit florilège des commentaires laissés par les sondés: «Mon supérieur n’est pas bon dans son rôle. Le covid n’a pas changé fondamentalement les choses»; «Manque de leadership et peur de l’avenir»; «Les situations de crise exacerbent les réussites et les problèmes. L’absence de confiance et la trop grande centralisation du management ont créé la rupture du dialogue entre le haut management et les collaborateurs en télétravail»; «Mon supérieur n’a jamais eu de grandes compétences humaines. De plus, il ne comprend pas que les priorités des clients puissent être différentes actuellement. Pour un responsable marketing, ça fait un peu peur.»

Le manager, moteur central de l’engagement

Au-delà des différences de perception, un constat, choquant aux yeux du professeur: «Au vu des réponses, on constate que près de 80% des collaborateurs ne donnent pas le maximum dans leur travail. Sachant que la performance est directement corrélée au niveau d’engagement des collaborateurs – selon une étude de PwC, des collaborateurs engagés augmenteraient la productivité et les profits de 35% –, les entreprises disposent d’un trésor considérable de productivité inexploitée. Un atout d’autant plus crucial dans la période dans laquelle nous vivons.»

Je suis persuadé qu’à l’avenir, la mesure de l’engagement va devenir le concept RH le plus utilisé.

A noter que le sondage de l’Unige se concentre uniquement sur l’engagement suscité par le manager, alors que l’engagement est un concept bien plus vaste, incluant la motivation intrinsèque personnelle, l’engagement pour la cause de l’organisation et l’engagement suscité par l’institution et sa marque employeur.

Pourquoi ce choix? «Des études ont démontré que ce point compte pour 70% de l’engagement global, explique Raphaël H Cohen. Tout le monde a pu, du reste, en faire l’expérience. On peut apprécier son entreprise mais, si le manager direct est mauvais, on se désengage très vite de son travail pour ne faire que le minimum requis. Par contre, si le manager change, la machine repart. C’est donc un moteur central, d’où l’importance de l’enseigner.»

Est-ce à dire que les entreprises ont l’art de se fourvoyer dans leur casting de cadres? Pour l’auteur du livre Les leviers de l’engagement, publié l’an dernier, le problème principal vient plutôt de l’absence de mesures. «Si l’on n’évalue pas le niveau d’engagement qu’un cadre obtient, on fait comprendre implicitement que ce n’est pas important. Résultat: les managers ne font que peu d’efforts dans ce sens puisque leur hiérarchie ne le mesure pas. Un cadre qui n’obtient pas l’engagement de ses collaborateurs n’est pas forcément mauvais à son poste. Peut-être ne sait-il pas comment s’y prendre ou fait-il preuve de maladresses occasionnelles.»

Dès lors, quelles sont les recettes pour apprendre à mieux motiver ses troupes? A chaque manager de développer le cocktail compatible avec sa personnalité et son équipe, préconise celui qui enseigne à la formation continue de l’Unige. «Il n’y a pas de méthode passe-partout. Par exemple, je connais des cadres à la direction très militaire qui obtiennent d’excellents niveaux d’engagement de la part de leurs employés», souligne Raphaël H Cohen. Trois prérequis sont toutefois indispensables pour obtenir de l’engagement: traiter ses collaborateurs avec équité, pratiquer la bienveillance (à ne pas confondre avec gentillesse) et une activité porteuse de sens.

«L’autorité d’un chef n’est plus acceptée telle quelle, comme cela a pu être le cas dans le passé. Aujourd’hui, les générations plus jeunes demandent qu’un manager leur donne envie de s’investir dans leur travail. Je suis persuadé que la mesure de l’engagement va devenir le concept RH le plus utilisé des prochaines années», conclut Raphaël H Cohen.

>> Retrouvez ici le sondage de l'Unige dans son entier