Les entreprises vivent aujourd’hui une époque mouvementée. L’avenir est incertain, les dirigeants et les collaborateurs sont souvent à cran et les vagues de licenciements se succèdent. Dès lors, les conflits humains et les dissensions entre hiérarchies se multiplient également. L’heure est donc souvent à la négociation, un art maîtrisé à la perfection par le conseiller en entreprise Christophe Caupenne, et pour cause. Cet ex-commandant de police de l’unité française d’élite du RAID (pour recherche, assistance, intervention, dissuasion) a longtemps été chef du groupe de gestion «crise et négociation».

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Policier pendant vingt-cinq ans, Christophe Caupenne a travaillé comme inspecteur dans la police judiciaire, la répression du banditisme et des criminels, avant d’officier au sein du RAID durant douze ans. Dans ce cadre, il a supervisé plus de 350 opérations de prises d’otages, de mutineries ou de kidnappings en France et à l’étranger. Aujourd’hui à la tête d’un cabinet privé de consultant en France, Caupenne Conseil (neuf salariés et 80 experts externes), et de plusieurs sociétés spécialisées dans l’aide aux entrepreneurs, cet expert des négociations complexes partage ses techniques pour affronter des situations difficiles dans le contexte professionnel.

Votre parcours est intimement lié à la police et à la psychologie. Comment êtes-vous devenu entrepreneur?

Lors de mes multiples expériences professionnelles dans les forces d’intervention françaises, j’ai eu notamment la possibilité de collaborer avec mes homologues du FBI à Quantico, près de Washington. Cela m’a donné l’idée de proposer un projet de nouvelle formation en psychologie et en négociation en France. Un business angel a cru en moi et j’ai créé mon cabinet de conseil en 2011 afin d’accompagner les entreprises, publiques et privées, dans leurs défis du quotidien. J’ai rapidement bénéficié de ma réputation et de mon réseau.

Passer du milieu du banditisme au monde de l’entreprise, un choc?

Pour moi, le plus difficile à gérer fut de quitter le monde très secret du RAID pour devenir un homme d’affaires et m’afficher publiquement du jour au lendemain. Reste qu’on apprend vite à naviguer en tant qu’entrepreneur et financier. J’ai ainsi trouvé des investisseurs qui détiennent dorénavant 27% du capital de mon groupe.

Quels sont les profils de vos clients?

La moitié de mes clients sont des grands groupes (SNCF, Accor, EDF, Transavia, Monoprix, Leclerc, ndlr), le reste se partage entre des PME et des particuliers, comme des avocats, des psychologues ou des médecins, notamment.

Quelles sont les demandes de vos clients aujourd’hui?

Les demandes des PME concernent essentiellement des crises et des conflits importants à gérer à l’interne, et cela très rapidement. En ce qui concerne les grands groupes, ces derniers nous sollicitent davantage lors de négociations de gros contrats à signer, d’achats de sites ou de fusions et acquisitions. Les RH font aussi appel à nous lors de licenciements ou de fermetures de site. Nous travaillons également avec des family offices qui veulent restructurer des entreprises et doivent négocier des départs. Parmi les services que nous proposons figure le profilage de sociétés ou de personnes.

Quelles sont les étapes à respecter dans une négociation?

Il s’agit d’instaurer auprès des dirigeants ce que nous appelons une communication d’influence afin d’éviter les erreurs de comportement et de ne pas «blesser» les collaborateurs ou les autres intervenants. Il faut s’adapter à son interlocuteur, introduire du respect dans l’échange et gérer les agressions verbales qui ne sont souvent que des exutoires à la pression, et qui n’ont en général rien de personnel. Il faut d’abord user de termes positifs dans toutes ses phrases et faire preuve de bienveillance et de spontanéité dans le discours. C’est de l’humain et de la psychologie avant tout. Il faut ensuite mettre en avant ce qui peut rendre la négociation coopérative et travailler selon une stratégie d’étapes axée sur de l’influence progressive.

Lors de vos mandats, comment procédez-vous dans les entreprises?

Il existe des missions globales sur le long terme et certaines plus spécifiques. Mais chaque fois, nous regardons en premier lieu ce qui ne va pas et ce qui peut être amélioré rapidement. L’étape primordiale est de faire comprendre aux dirigeants qu’ils doivent changer des choses dans leur comportement ou dans leur organisation, avant de vouloir agir sur l’extérieur.

Prenons l’exemple d’une négociation avec un syndicat sur une convention collective ou des licenciements.

Notre travail est d’aider le décideur à intervenir, en le préparant en amont. Il faut le persuader de suivre un comportement éthique et basé sur la mise en évidence d’objectifs communs. Nous recherchons le consensus, pas forcément le compromis, qui est un pis-aller qui ne satisfait pas vraiment les parties. Le consensus est davantage une solution non forcée pour les protagonistes. Parfois, nous participons aussi directement en tant que médiateurs.

Quels sont les conseils de base que vous pourriez partager?

Avant toute négociation, la phase de prise de renseignements est fondamentale. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, on arrive à presque tout savoir sur son interlocuteur ou sa société. Il faut alors chercher ce qui peut rassembler, idéalement un objectif commun. Ensuite, je préconise la méthode que j’appelle BLOCS. «B» pour «besoin», qui permet de ne pas se focaliser sur les demandes, souvent paravents, mais bien sur les attendus réels de l’interlocuteur. «L» pour «limites», c’est-à-dire connaître celles de notre mandat et se demander si nous sommes la bonne entité pour assurer le dialogue. «O» représente l’«objectif» commun, chiffré, mais également immatériel, comme prendre soin de la confiance mutuelle, la réputation. «C» désigne les «contraintes», celles liées à la culture du vis-à-vis ou liées au temps disponible pour atteindre un accord, ou encore liées aux règlements en vigueur. Enfin, le «S» est celui de la «solution», celle qui doit naturellement apparaître après le travail fourni.

Pourriez-vous nous donner des anecdotes liées à des négociations?

J’ai assisté le patron d’une société spécialisée dans les pièces automobiles lors d’une renégociation de contrat avec un fournisseur. Nous étions trois pour en discuter de notre côté, mais l’autre partie est arrivée à la séance avec 15 personnes pour essayer de nous impressionner par le nombre. Dans notre jargon, nous appelons ces personnes des «sacs de sable». Ils ont fait une grosse erreur, car il nous a suffi de creuser un peu et de mettre en avant les incompétences de chacun d’eux dans ce dossier et de relever leurs failles en faisant ce que l’on appelle du pilonnage ciblé. Ils ont été décrédibilisés et la séance a fini en fiasco pour la partie adverse!

Quels sont vos tarifs?

Ils sont très variables et dépendent évidemment de la mission. Mais pour donner un ordre d’idée, le prix moyen d’une intervention d’un de nos experts durant une journée en entreprise est de 2000 euros.