Les entreprises reporteront cette hausse sur le consommateur, même si cela peut provoquer une certaine mauvaise humeur chez celui-ci. Mais cela restera un défi relativement modeste par rapport à ce qui attend potentiellement l’économie en cas d’acceptation de la 13e rente AVS le 3 mars prochain. En effet, si ce généreux projet devait être financé par les cotisations salariales, celles-ci augmenteraient de 0,8 point, dont la moitié à charge des entreprises.
L’initiative « mieux vivre à la retraite », dite pour une 13e rente AVS, sera en effet soumise à votation tout prochainement. Le texte a été lancé par les syndicats en 2020. Il réclame pour tous les retraités une « 13e rente », en réalité une hausse de chaque rente mensuelle de 8,33%, ce qui revient au même résultat sur l’année. Les rentiers au bénéfice de prestations complémentaires n’y perdraient pas droit. La 13e rente coûterait 4,2 milliards de francs en 2026, et 5,3 milliards en 2033, en raison de l’inévitable augmentation du nombre des retraités (les fameux baby-boomers).
Les motivations des syndicats sont simples : ils affirment que les retraités sont précarisés, que le 2e pilier ne tiendra pas ses promesses et qu’il s’agit de faire un geste en faveur des femmes, dont les rentes de vieillesse sont globalement inférieures à celles des hommes.
Le hic, c’est que l’initiative se garde bien de dire comment cette hausse des rentes sera financée. A l’époque de son lancement, c’était simple : les syndicalistes péroraient qu’il s’agissait d’utiliser les « bénéfices faramineux » de la Banque nationale suisse (BNS). On se permet deux objections : premièrement, la BNS a une mission, à savoir assurer la stabilité monétaire ; son rôle ne consiste pas à réaliser des bénéfices, ni à financer l’AVS, ni le tunnel du Gothard ou des avions de combat. En outre, en 2022, elle a enregistré pas moins de 132 milliards de pertes ! Raison pour laquelle le PS et les syndicats ont prestement abandonné la récolte de signatures pour leur initiative « Renforcer l’AVS grâce aux bénéfices de la Banque nationale ».
Comme il n’y a pas d’argent magique à attendre de la BNS, qui devrait financer la 13e rente ? Les victimes sont toutes trouvées : les employeurs et les travailleurs, ou les consommateurs. Si la 13e rente est mise à la charge des salaires, les entreprises devront s’acquitter d’un supplément de cotisations de 0,4%, et il en ira de même pour leurs employés. Si la 13e rente est financée par la TVA, celle-ci devra augmenter de 1 point et passer à 9,1%. Voilà pourquoi on se permettait de dire, en début d’article, que le relèvement de 0,4 point à 8,1% début 2024 n’est pas le plus grand défi actuellement.
Lorsque l’on sait que les rentes AVS actuelles ne sont pas financées au-delà de 2030, il n’est pas responsable de proposer une extension du système, qui plus est pour l’ensemble des retraités ; une bonne partie d’entre eux n’ont objectivement pas besoin de 13e rente, en particulier ceux qui touchent les rentes les plus élevées et qui ont un bon deuxième pilier. Si l’initiative est acceptée, ce sont les jeunes générations qui seront appelées à en financer les coûts, sans être sûres pour autant que l’AVS sera en mesure de leur offrir des prestations leur tour venu. D’autre part, il est incompréhensible que les mêmes partis qui ont thématisé, lors des élections fédérales, la perte de pouvoir d’achat due à l’inflation et aux primes-maladie, n’hésitent pas une seule seconde à réduire le pouvoir d’achat de ceux qui financeront cette 13e rente. Réservons les moyens financiers pour l’AVS actuelle, qui affrontera encore des défis ces prochaines années, plutôt que pour une proposition démagogique et non ciblée sur les besoins.
Suppléant de la direction romande, responsable de projets Finances et fiscalité
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