L’essentiel en trois points :

  1. Au-delà des toitures, un monde de possibilités : la production d'énergie solaire ne doit pas se cantonner aux toitures. Les possibilités sont nombreuses pour augmenter la production d'énergie renouvelable en Suisse.
  2. Des solutions solaires pour toutes et tous : il existe des solutions adaptées à tous les acteurs et actrices : les architectes, les particuliers, les agriculteurs, les entreprises, les communes, etc. Il est possible d’utiliser de manière optimale l'espace, tout en harmonisant la production d'énergie avec d'autres usages.
  3. Vers une intégration harmonieuse de l'énergie solaire : l'innovation et la collaboration entre les secteurs-clés ouvrent la voie à une intégration harmonieuse de l'énergie solaire dans notre environnement, que ce soit à travers des serres photovoltaïques ou des panneaux solaires aux couleurs et aspects variés.

 

Ces trois dernières années, la demande d’installation solaires a explosé dans le canton de Vaud et l’État souhaite accompagner cet élan, comme l’explique Antoine Boss, en charge du développement de l’énergie solaire à la Direction générale de l’environnement VD. « Il s’agit d’aller vite et de chercher toujours de nouvelles surfaces pour pouvoir réaliser de grandes installations et déployer rapidement d’importantes capacités solaires. Pour cela, il ne s’agit pas de miser uniquement sur les toitures », précise-t-il. En parallèle, Swissolar rappelle que pour réussir la transition, nous devons construire plus et plus vite. En 2050, le photovoltaïque devra fournir 45 TWh d’électricité, soit 15 fois plus qu’aujourd’hui. Et pour l’association des professionnels du solaire, l’expansion ciblée du photovoltaïque avec une capacité installée de 50 GW (objectifs 2050) ne peut être réalisée qu’avec une combinaison intelligente de types d’installations : d’abord les toits et les façades, qui présentent le plus grand potentiel, puis les infrastructures et finalement les installations au sol, comme les centrales solaires alpines. Voyons plutôt.

 

LES FAÇADES

Dans l’échiquier des solutions, les installations solaires en façades offrent un potentiel certes modeste, mais néanmoins intéressant, avec deux avantages considérables : une production journalière décalée et un meilleur rendement hivernal qu’une installation en toiture. « Avec un soleil plus bas sur l’horizon et des rayons qui frappent de manière frontale les panneaux, on capte mieux l’énergie, explique Martial Genolet, spécialiste du photovoltaïque chez Romande Energie. En fonction de l’orientation et de l’inclinaison des panneaux, la production peut par ailleurs être décalée de celle en toiture au cours d’une même journée, ce qui répond au souci de surproduction sur un même laps de temps. » Une enquête menée par Swissolar révèle quant à elle un potentiel d’environ 17 TWh de production annuelle sur des surfaces en façade au minimum considérées comme « moyennes », dont 40% à 50% sont susceptibles de se produire au cours du semestre d’hiver, précise l’association suisse des professionnels de l’énergie solaire.

 

STRUCTURES ET INFRASTRUCTURES

Les surfaces déjà exploitées offrent un terrain idéal pour la production d'électricité solaire. Voilà quelques exemples :

Autoroutes et routes

Bien que de grands projets n’aient pas encore vu le jour, l’appel à projets lancé par l’OFROU (Office fédéral des routes)  pour équiper les infrastructures autoroutières d’installations photovoltaïques est prometteuse. Les aires de repos et les murs anti-bruit vont petit à petit se parer de capteurs solaires. En Valais par exemple, la société Genedis installera quelque 4000 panneaux photovoltaïques au bord de l’A9 entre Saint-Maurice et Sierre. De son côté, le Consortium ABCD Horizon équipera de toits solaires pliants 45 aires situées le long d’autoroutes en Suisse romande et dans le canton de Berne. À Fully (VS), la société EnergyPier prévoit quant à elle de couvrir 1,6 km d’autoroute de panneaux photovoltaïques. Quittons les voies rapides et prenons les chemins de traverses, pour découvrir l’initiative commune d’Impact Living et Newatts, qui vise de recouvrir de panneaux solaires quelque 2’000 km de routes communales et agricoles dans les années à venir.

Carports (ou abris de voiture) et véhicules

- Stationner sous un carport produisant de l’électricité renouvelable, n’est-ce pas une idée brillante ? « Ce qu’il y a de bien, note Martial Genolet de Romande Energie, c’est qu’avec les travaux et aménagements actuels autour de l’électromobilité, on peut envisager un projet global qui permet de produire l’électricité pour l’injecter directement dans son véhicule, c’est un super mariage ! ».

- Les recherches se penchent également sur nos carrosseries : on cherche à les couvrir de cellules photovoltaïques. Cette technologie est en cours de développement pour une utilisation sur les bus, les camionnettes et les camions, et on a parlé de l’approche à la « PVinMotion » en mars dernier à Neuchâtel : co-organisée par l’EPFL et le CSEM, la manifestation s’intéressait aux questions de production solaire et de mobilité.

Chemins de fer

Là aussi, comme aux abords des autoroutes, les parois anti-bruit peuvent être des supports intéressants. Mais la start-up Sun-Ways va plus loin et s’immisce entre les rails : elle propose d’installer des panneaux solaires amovibles entre les voies, une solution encore en développement qui exploite le potentiel solaire jusque dans les moindres interstices.

Balcons et jardins

Connaissez-vous les installations Plug & Play qui permettent de brancher directement des panneaux solaires à une prise ? Ces petites installations peuvent prendre place sur un balcon, une terrasse ou encore un garage et alimenter vos appareils électriques et électroniques. Les clôtures solaires sont une autre solution, particulièrement intéressante lorsque le potentiel de production est important, relève Martial Genolet de Romande Energie. « Les bâtiments administratifs et commerciaux viennent en priorité, mais dans la situation actuelle, chaque production fait sens, y compris chez les particuliers. Et à l’avenir, lorsque les habitats collectifs s’y mettront, ça deviendra très intéressant. »

Stations d’épuration et décharges

Des toits solaires pliables peuvent être déployés au-dessus des installations pour maximiser la production d'énergie renouvelable. Le projet pilote à la STEP de Coire était alors pionnier en 2017/2018, il a depuis été suivi.

 

EN ALTITTUDE

Lacs

Romande Energie a réalisé le premier parc solaire flottant en milieu alpin. Situé sur le lac du barrage des Toules à Bourg-St-Pierre (VS), à 1'810 mètres d’altitude, le projet pionnier de démonstration a été mis en service en décembre 2019, avec le soutien de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Ces tests en situation réelle ont permis le développement d’un projet de grande envergure. Il prévoit de couvrir un peu plus d'un tiers du lac des Toules et produira plus de 22 millions de kilowattheures par an, soit la consommation moyenne de plus de 8’800 ménages. Sa construction se heurte pour l'heure à des difficultés administratives.

Murs de barrages

Les services électriques de la Ville de Zurich (EWZ) ont construit leur deuxième centrale solaire sur un barrage, celui du lac de Lei, près de Ferrera (GR), doté de plus de 1’000 modules pour une puissance totale de 350 kW. Par ailleurs, depuis fin août 2022, le projet « AlpinSolar » d’Axpo sur le barrage de Muttsee produit environ 3,3 millions de kWh/an, dont la moitié en hiver. 

Parcs solaires

Les installations solaires en altitude surpassent celles en plaine en termes de production énergétique, notamment en hiver. L’année passée et face au risque de pénurie énergétique, le Parlement a initié le programme « Solarexpress » pour stimuler le développement des parcs solaires alpins, avec des procédures facilitées et des aides financières. Toutefois, l’avancement de ces projets est freiné par l’opposition de la population et des ONG environnementales notamment. En outre, la mise en place et l’entretien de ces parcs solaires exigent des installations conséquentes et souvent complexes. Swissolar note qu’« étant donné que l’état de la planification de ces projets n’est pas encore très avancé et que seules quelques centrales solaires alpines ont existé dans le monde jusqu’à présent, il n’est à l’heure actuelle pas possible de donner beaucoup d’information sur le calendrier et le cadre financier des centrales solaires alpines. » Dans un contexte de réflexion sur l’empreinte environnementale de ses actions, Romande Energie a par ailleurs décidé de ne pas construire de parcs solaires dans les espaces qui n’ont pas encore été touchés par les activités humaines ou qui présentent un impact sur la biodiversité, estimant qu’il existe suffisamment d’autres zones propices à ce développement alpin (lacs de barrage, anciennes carrières, zones proches d’infrastructures existantes, etc.).

 

CENTRALES AU SOL 

Champs solaires

Les installations photovoltaïques au sol trouvent leur intérêt sur des terrains moins valorisés, tels que les sites pollués ou les anciennes gravières. Bien que les zones industrielles soient également ciblées, les contraintes liées à l’aménagement du territoire freinent souvent ces initiatives. « En Suisse, les terrains sont déjà bien occupés et la disponibilité des espaces libres au sol est limitée, souligne Marial Genolet de Romande Energie. Les possibilités d’obtenir un permis de construire pour une centrale au sol sont très faibles, même si c’est moins compliqué sur une affectation industrielle. »

Agrivoltaïsme

L’agrivoltaïsme associe l’agriculture et la production solaire. Suite à des tests sur des installations pilotes, notamment sur le site d’Agroscope à Conthey et en partenariat avec Romande Energie, Insolight commercialise désormais ses solutions. L’idée ? Remplacer les structures agricoles traditionnelles (tunnels et serres en plastique, filets anti-grêle ou anti-insectes) par des installations photovoltaïques. En-dessus, la production solaire et en-dessous, la production agricole ! L’approche convient particulièrement aux cultures fruitières et maraîchères (petits fruits et mâche). Les agriculteurs ont le choix d’acheter la solution ou d’opter pour un contrat de prestation, où Insolight demeure propriétaire de l'installation et la met à disposition de l'agriculteur, qui bénéficie d'une compensation pour l'énergie produite. Par ailleurs, Romande Energie collabore avec la start-up Voltiris sur des panneaux solaires innovants qui préservent les longueurs d'onde nécessaires à la croissance des plantes. Un essai est actuellement mené dans une serre de tomates, une culture exigeant beaucoup de lumière.

Les possibilités pour produire notre énergie solaire sont ainsi bien plus vastes que nos pans de toits, car à bien y réfléchir, toute surface baignée de soleil recèle un potentiel énergétique à exploiter. Dans les années à venir, nous pouvons ainsi nous attendre à une expansion considérable des espaces et des lieux aptes à accueillir des capteurs solaires.

Joëlle Loretan

Joëlle Loretan, rédactrice indépendante.

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