L'essentiel en trois points

  1. Initiative Réseau H2 : Lancé sur le Campus EPFL, le Réseau H2, piloté par la Fondation Nomads, vise à créer un écosystème d'innovation pour l'hydrogène bas carbone en Suisse, en rassemblant des acteurs de tous les horizons pour stimuler des projets collaboratifs dans la région lémanique et au-delà.
  2. Rôle des pouvoirs publics : L'engagement des pouvoirs publics est crucial pour le développement de l'hydrogène bas carbone. Leur soutien est indispensable pour surmonter les défis d'infrastructure et de financement, et pour instaurer un cadre favorable à l'innovation et à l'adoption de cette technologie.
  3. Importance de l'hydrogène vert : En tant que vecteur énergétique, l'hydrogène vert joue un rôle vital dans la décarbonisation et la diversification énergétique de la Suisse, soutenant l'autonomie énergétique tout en renforçant la compétitivité de l'économie locale.

 

L’hydrogène vert a son réseau ! Baptisé « Réseau H2 », il mise sur le développement de synergies entre les acteurs romands, et au-delà. « Cette initiative est pionnière par son financement public-privé-philanthropique, et aussi par sa vision systémique qui réunit l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeurs – startups, PME et industries. Le Réseau H2 a l’ambition de s’élargir progressivement à d’autres initiatives régionales, suisses ou internationales du secteur, notamment les projets de l’Union européenne » précise Jean-Luc Favre, président de la Fondation Nomads. Pour promouvoir l'hydrogène, le Réseau H2 fédère ainsi un large spectre d'acteurs, des autorités cantonales de Genève et Vaud aux entreprises privées telles que les Services Industriels de Genève (SIG) et Romande Energie, en passant par diverses start-ups et acteurs philanthropiques. Sabrina Cohen Dumani, directrice et fondatrice de la Fondation Nomads, souligne l’importance de cette union particulière : « Voir Romande Energie, les SIG et Alpiq réunis autour de la même table, alors qu'ils peuvent être concurrents dans d'autres circonstances, est un fait marquant. Cela démontre leur volonté de collaborer dans un domaine émergent et c’est crucial que tout le monde tire à la même corde si on veut que la Suisse se positionne fermement dans le secteur de l'hydrogène. »

La genèse du réseau

Le Réseau H2 s'est constitué dans la foulée de deux projets emblématiques nés sous l'impulsion de la Fondation Nomads : Generation of Hydrogen (GoH!), qui réunit SIG, Migros Genève, GreenGT, LARAG, et a abouti fin 2023 à la mise en service du démonstrateur du premier camion de 40 tonnes à propulsion électrique et hydrogène conçu en Suisse ; ainsi que le projet Aurora, qui rassemble GreenGT, Realstone et Romande Energie, visant à la décarbonisation des bâtiments. « Ces deux projets ont posé les fondations de notre réseau en démontrant notamment que la coopération facilite la résolution de défis complexes » explique Sabrina Cohen Dumani, directrice et fondatrice de la Fondation Nomads.

À ce jour, cinq projets de production et d’usage d’hydrogène bas carbone sont initiés à des stades divers. Parmi eux, Romande Energie a annoncé le projet PRHYSM qui exploite l'énergie solaire, ainsi que les chaleurs perdues d'un procédé industriel utilisant de l'hydrogène gris, pour substituer ce dernier par la production à haute efficacité d'un hydrogène décarboné sur site. L'entreprise a par ailleurs testé un groupe électrogène à hydrogène pour alimenter chantiers et événements.

Le potentiel de l’hydrogène

De par la flexibilité qu'il offre en tant qu'agent énergétique, l'hydrogène dit « vert » permet le recours à des énergies renouvelables dans tous les domaines et favorise ainsi le couplage des secteurs, qui constitue une composante essentielle d'un secteur de l'énergie décarboné. L’hydrogène peut être un vecteur énergétique pertinent, notamment pour la décarbonisation de l'industrie et des transports lourds. Par ailleurs, la production d'hydrogène bas carbone à base de traitement des déchets et le stockage de surplus d 'énergie solaire estival sous forme d'hydrogène bas carbone pour un usage hivernal, pourrait également contribuer à l'autonomie énergétique et renforcer la compétitivité de notre économie locale.

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Quelques questions à Sabrina Cohen Dumani

Directrice et fondatrice de la fondation Nomads

Sabrina Cohen Dumani

Quelle est votre perception de la position actuelle de la Suisse dans le marché de l’hydrogène bas carbone en Suisse ?

J’aime évoquer cette expression qui dit : « Je me regarde je me désole, je me compare je me console ». Nous sommes un petit pays, mais comparativement – et proportionnellement – à des géants comme la Californie ou la Silicon Valley, nous sommes en réalité assez avancés dans la concrétisation des projets. Grâce à « H2 Energy » lancé en 2014, nous avons par exemple des camions qui roulent déjà à l’hydrogène bas carbone. En Suisse, nous réalisons des performances notables, mais nous restons timides dans la façon de célébrer nos succès. Il est pourtant important de nous positionner fortement, pour réduire notre dépendance énergétique vis-à-vis de nos voisins. Les entreprises et start-ups proposent des solutions très intéressantes, mais la Confédération doit adopter une approche plus proactive. Elle nous promet une stratégie hydrogène depuis des années, il est temps de passer à l'action !

Pourquoi est-ce si important de se positionner sur ce marché de l’hydrogène vert ?

La position de la Suisse est stratégiquement cruciale pour deux raisons principales. D’abord, nos voisins directs, et plus largement l'Union européenne, investissent massivement dans l’hydrogène vert et ses infrastructures, comme le montre l’initiative « European Hydrogen Backbone (HEB) ». Elle vise à créer d’ici 2040 un réseau d'infrastructures reliant les pays du sud, producteurs d'hydrogène vert, au reste de l'Europe. Le fait que ces infrastructures traversent également la Suisse est encore en discussion. Ensuite, nous sommes à un tournant : le marché de l'hydrogène est encore en phase de définition et trouvera sa place au cours des prochaines quinze années. Si nous n'agissons pas maintenant, nous risquons de manquer le train en marche. Il est aussi important de noter que, contrairement à l'Union européenne, où l'approche est top-down avec des décisions d'investissements prises par les pouvoirs publics, en Suisse, nous adoptons une approche bottom-up. Cela signifie que ce sont les acteurs locaux, les entreprises, et les startups qui prennent l'initiative de se regrouper et collaborer pour trouver les solutions.

Quels sont les défis actuels dans le développement de l’hydrogène vert en Suisse ?

Nous sommes dans un classique dilemme de la poule et de l’œuf. Nous avons des acteurs engagés comme Romande Energie avec son projet PHRYSM (PRoduction of green HYdrogen for clean Steel and Metallurgy) à Aigle, qui prévoit de mettre en place une centrale pour produire de l’hydrogène vert d’ici à 2025, destiné à l’autoconsommation locale. De même, Hydrospider produit depuis plusieurs années de l’hydrogène vert utilisé principalement dans les domaines de la mobilité et de la logistique. Cependant, la production reste limitée par le manque d’infrastructures nécessaires pour stimuler la demande. Pour que ça fonctionne, un engagement actif des pouvoirs publics est essentiel. Ils doivent jouer un rôle plus affirmé pour instaurer la confiance dans le marché de l’hydrogène par des incitations financières pour le développement des infrastructures. Laisser au seul secteur privé la responsabilité de développer des installations de recharge des camions est illusoire, les soutiens publics sont indispensables. C’est un élément-clé démontré par de nombreuses études. On ne pourra pas rester dans une politique bottom-up. Il faut vraiment changer de paradigme et développer en complément une politique fédérale top down engagée à l’instar des cantons de Vaud et de Genève.

Quelles évolutions espérez-vous voir dans le domaine de l’hydrogène bas carbone dans les années à venir ?

J’espère un investissement significatif des pouvoirs publics dans les infrastructures, mais aussi l’émergence d’une multitude de petites productions locales en Suisse qui permettent de couvrir les besoins locaux. Par ailleurs, j'attends une politique ambitieuse qui facilite notre intégration aux infrastructures énergétiques européennes et au-delà. J'espère aussi un soutien fort à nos start-ups. Elles proposent des solutions intéressantes, mais sont souvent freinées par un écosystème de financement encore émergente.

Justement, quel message souhaitez-vous adresser aux acteurs privés et publics qui liront ces lignes ?

Que l’union fait la force, que nous sommes un petit pays et que la coopération est cruciale au niveau local. Je vous encourage à être ambitieux et à investir dans des solutions à long terme. Adoptons ensemble une approche écosystémique, comme celle instaurée au sein du Réseau H2, pour inspirer de nouveaux modèles économiques adaptés à l'économie de la transition. Nous avons besoin de concevoir de nouveaux instruments économiques, de nouveaux modèles d’affaires et une nouvelle fiscalité qui incitent réellement à cette transition. Atteindre des objectifs climatiques ambitieux et urgents n’est pas possible en s’appuyant sur les vieux outils économiques et financiers de l’ère industrielle.

Joëlle Loretan, rédactrice indépendante.

Joëlle Loretan, rédactrice indépendante.

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