À l’échelle planétaire, c’est l’une des problématiques environnementales les plus importantes. Le plastique nous submerge en effet dans des propositions alarmantes. Pour donner quelques chiffres-clés, rappelés dans un travail du National Geographic, 5’000 milliards de morceaux de plastique flottent déjà dans nos océans. La production de plastique, au niveau mondial, est en outre marquée par une croissance des plus soutenues, étant passée de 2,3 millions de tonnes en 1950 à 162 millions en 1993, puis 448 millions en 2015. Les scientifiques estiment par ailleurs que d’ici à 2050, toutes les espèces d’oiseaux marins ingurgiteront du plastique sur une base régulière. On l’aura compris, le plastique figure parmi les déchets les plus néfastes, dont il faut pouvoir se débarrasser rapidement et dans de larges proportions.

Aujourd’hui, parmi les solutions qui existent, il y a bien entendu l’incinération. Une démarche pertinente, notamment si elle peut permettre d’alimenter d’autres systèmes en récupérant l’énergie dégagée, par exemple pour les réseaux de chauffage à distance (CAD). En revanche, au niveau économique, l’incinération des déchets n’est pas anodine. En Suisse, les coûts d’élimination des déchets liés à l’incinération varient autour de 200 francs la tonne selon les cantons. Une configuration qui incite d’ailleurs certains acteurs du recyclage à acheminer les déchets qu’ils collectent vers des sites éloignés de leur emplacement pour profiter de tarifs plus avantageux, même en considérant le transport. Pour y faire face, une des solutions consiste à proposer des alternatives locales, économiques et pertinentes aux entreprises de recyclage. Dans ce sens, une idée prometteuse se développe en Suisse : agir depuis les sites de collecte pour transformer les déchets en carburant recyclé, à utiliser directement sur place. Comment ? En exploitant le processus chimique de la pyrolyse.

Comment ça fonctionne ?

Connu depuis longtemps, le principe de la pyrolyse consiste à séparer les composants de la matière grâce à l’apport d’une quantité importante de chaleur, le tout sans oxygène. Si la technique n’est pas nouvelle, son utilisation dans le cadre du recyclage de déchets en carburant commence quant à elle à se développer sous l’impulsion de plusieurs startups et entreprises novatrices. Leur idée : récolter des déchets en tout genre, dont des plastiques et caoutchoucs, pour les chauffer puis les décomposer dans des réacteurs à pyrolyse afin d’obtenir du carburant. En résumé, il s’agit en quelque sorte d’opérer le principe inverse de la fabrication du plastique qui, pour rappel, repose essentiellement sur la transformation du pétrole. Simple en apparence, la démarche du recyclage par pyrolyse nécessite en réalité des technologies et des étapes spécifiques que connaît bien l’entreprise Greenlina, qui développe des infrastructures dans le domaine en partenariat avec plusieurs acteurs énergétiques stratégiques, dont Romande Energie.

« Parmi les différentes entreprises qui développent des infrastructures de pyrolyse, notre technologie se distingue en pouvant utiliser quasiment tout type de déchets, mis à part le PET, déjà bien intégré dans les filières de recyclage existantes et qui, de toute façon, ne s’avère pas rentable dans notre domaine », explique Jean-Christophe Song, directeur de Greenlina. « Si notre approche s’avère pertinente d’un point de vue énergétique, en pouvant fournir sur place du carburant recyclé, notre technologie vise avant tout à pouvoir nous débarrasser des déchets de manière économique et durable. »

Quand le plastique redevient du pétrole

Concrètement, le système développé par Greenlina inclut une chaîne d’étapes complexes afin d’arriver aux produits finaux. Une fois dans le réacteur, les déchets sont d’abord chauffés pour être transformés de l’état solide à gazeux. Ces gaz se séparent en gaz léger et en gaz lourd. Ce dernier est alors récupéré, condensé et refroidi pour lui permettre de se liquéfier. On obtient ainsi une huile brute, semblable à du pétrole, que l’on peut ensuite raffiner pour obtenir un carburant utilisable, similaire au diesel commercialisé. « Contrairement à une raffinerie qui transforme du pétrole extrait du sous-sol, nous raffinons une huile brute dont la teneur en souffre s’avère moins élevée. Ce qui représente un atout intéressant dans la mesure où le processus de transformation nécessite moins d’infrastructures et moins d’énergie », précise Jean-Christophe Song.

Outre ce diesel recyclé, le système de Greenlina génère aussi du gaz léger – pouvant être utilisé pour générer de la chaleur et de l’électricité via par exemple un couple chaleur force (groupe électrogène) – ainsi que du noir de carbone, utilisable dans différentes filières de production comme celles du ciment avec l’objectif de le fixer dans ce type de matériaux pour éviter d’émettre à nouveau du carbone dans l’atmosphère.

Pour chauffer son four à pyrolyse, l’entreprise explore l’utilisation de trois agents énergétiques : le gaz, le mazout et l’électricité. Pour ce dernier cas de figure, les travaux de recherche et développement réalisés dernièrement tendent vers l’exploitation d’un système à induction, un peu comme les plaques de cuisine, permettant de limiter les déperditions de chaleur tout en pouvant régler plus finement la température du réacteur. Sur le plan énergétique, les premières estimations, dont les données restent encore à démontrer, indiquent pour le moment que le système à induction pourrait permettre de transformer 1 kg de déchets en utilisant 0,7 kW, contre 1,3 à 1,5 kW en recourant au gaz ou au mazout.

Utilisation locale

Dans sa stratégie, qui a d’ailleurs séduit Romande Energie et l’entreprise de recyclage Thévenaz-Leduc – tous deux partenaires d’un projet de développement – Greenlina entend commercialiser des infrastructures de pyrolyse mobiles, tenant dans des containers pouvant être acheminés vers les différents sites concernés. Sur place, les déchets sont ainsi éliminés à moindre coût et le carburant fourni peut être utilisé directement pour alimenter une flotte de véhicules ou encore un  chauffage à distance. « Il est même envisageable de proposer la solution aux agriculteurs pour convertir leurs déchets en carburant pour leurs tracteurs et autres machines », ajoute Jean-Christophe Song.

Enfin, parmi ses autres pistes de développement, la technologie de Greenlina pourrait être appliquée directement au cœur de la pollution plastique, en étant installée sur des navires autonomes sillonnant les mers et océans saturés de déchets pour les détruire là où ils sont le plus néfaste pour l’environnement. Un projet notamment amorcé avec le célèbre designer et fabricant de bateaux solaires Mark Wüst.

Thomas Pfefferlé

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

A PROPOS DE CE BLOG

Energéticien de référence et premier fournisseur d'électricité en Suisse romande, Romande Energie propose de nombreuses solutions durables dans des domaines aussi variés que la distribution d’électricité, la production d’énergies renouvelables, les services énergétiques, l’efficience énergétique, ainsi que la mobilité électrique.

Autres articles de ce blog