L'essentiel en 3 points :
  1. La voiture toujours dominante en Suisse : malgré les efforts pour réduire les émissions de CO2, la voiture reste très implantée en Suisse, où près de 80% des ménages disposent d’un véhicule. Toutefois, dans les grandes villes comme Berne, Bâle, Zurich et même Lausanne, près de la moitié des foyers se passent de voiture, grâce à des infrastructures de transport alternatives bien développées.
  2. Une réglementation en évolution : les règles cantonales et communales imposent encore généralement la construction de places de stationnement lors de projets immobiliers, même là où elles ne seraient pas nécessaires. Cela conduit à des parkings inutilisés, à des coûts importants et à l’artificialisation des sols. Toutefois, de plus en plus de communes autorisent des dérogations à ces normes pour favoriser l’habitat sans voiture.
  3. L’habitat à stationnement réduit, une alternative : ce modèle d’habitat vise à offrir des conditions de vie où la voiture personnelle devient superflue. Grâce à des solutions comme l’autopartage, les transports publics et la mobilité douce, les habitants peuvent réaliser leurs déplacements quotidiens sans véhicule privé. Ce type d’habitat intègre aussi un accès facilité aux commerces et services de proximité pour simplifier la vie sans voiture.
Une mobilité suisse encore dominée par la voiture

Le report vers une mobilité moins carbonée est essentiel pour une transition vers un futur durable, le secteur des transports étant le premier poste d’émission de CO2 en Suisse. Un peu plus d’un ménage helvétique sur cinq vit actuellement sans voiture, selon le dernier microrecencement mobilité et transports (MRMT). Toutefois, cette statistique cache d’importantes disparités régionales. Dans les grandes villes comme Berne, Bâle ou Zürich, c’est plus de la moitié des ménages qui se passe de voiture. Même Lausanne, dont les pentes sont un obstacle à la mobilité douce, est proche de 50% de ménages sans voiture. Mais si renoncer à la voiture, au trafic et aux soucis qu’elle génère attire une part importante de la population, les solutions alternatives font encore souvent défaut.

C’est là que l’habitat à stationnement réduit entre en jeu. Ce concept vise à créer les conditions propices pour permettre d’effectuer tous ses déplacements quotidiens sans voiture personnelle. Dans le cas d’un habitat à stationnement réduit, les logements disposent d’une large gamme d’offres de mobilité rendant la voiture individuelle superflue : autopartage, transports publics et accessibilité en mobilité douce y sont particulièrement développés. Un accès aisé aux commerces et services du quotidien sans véhicule fait en outre partie des impératifs de l’habitat à stationnement réduit.

Un cadre législatif restrictif pour les nouvelles constructions

Aujourd’hui, les propriétaires qui souhaitent construire des habitations sans places de stationnement sont souvent confrontés à des régulations cantonales et communales strictes. Afin d’éviter un report du stationnement vers le domaine public, le nombre de places de stationnement pour les habitations est en effet régi par des règlements cantonaux et communaux. À défaut, c’est généralement la norme de l’association des professionnels de la route (VSS) qui s’applique. Cette dernière prescrit un minimum d’une place de stationnement par 100m2 de surface de plancher ou une place par logement, et fixe aussi des valeurs indicatives pour les places de travail, qui peuvent être adaptées en fonction de la desserte en transports publics ou en mobilité douce.

Cette situation pose plusieurs problèmes : dans les villes, un grand nombre de places de stationnement en location restent vacantes, mais les promotrices et promoteurs sont contraints d’en construire au risque de ne pas pouvoir les louer ou les vendre. Même lorsqu’elles le sont, c’est le plus souvent à un prix ne permettant pas de couvrir les charges. Cela entraîne un surcoût supporté par l’ensemble de la population, y compris les ménages sans voiture. Ces places inutilisées, au-delà de leur impact financier, intensifient l’artificialisation des sols et participent à l’effet d’îlot de chaleur urbain. 

Vers un nouveau modèle d’habitat

Pourtant, de nombreux exemples de quartiers à stationnement réduit fleurissent en Suisse et en Europe, et un grand nombre sont recensés sur la plateforme « Habitat et mobilité » de l’Association transports et environnement (ATE). Que ce soit dans des écoquartiers flambant neufs desservis par de nombreuses lignes de transports publics, accessibles en mobilité douce et équipés de toute la panoplie de services de mobilité partagée, ou, plus simplement, lors d’un développement ponctuel bénéficiant de dérogation à l’obligation de créer des places, il n'est aujourd’hui plus rare de voir des logements neufs avec moins de places de stationnement.

Le premier quartier sans voiture de Suisse a été inauguré en 2011 à Berne (Bümpliz). La coopérative d’habitation de Burgunder offre 80 logements sans aucune place de stationnement de voiture pour les personnes y habitant. 13 places sont cependant à disposition pour les visiteuses et visiteurs, et la gare de Bümpliz-Süd, bien desservie, se situe juste à côté. Le quartier se veut accueillant pour les familles et abrite une crèche et une salle communautaire. Les locataires s’engagent contractuellement à ne pas avoir de voiture privée, et des emplacements mobility se trouvent sur place et à la gare voisine. En Suisse romande, on peut citer l’exemple de la Coopérative d’en face au cœur de Neuchâtel, elle aussi sans place de stationnement.

De tels quartiers épargnés par le trafic automobile et ses nuisances séduisent de plus en plus de familles en quête d’un mode de vie plus épanouissant, et de nombreuses communes autorisent désormais sous certaines conditions à ne pas atteindre le nombre minimal de places de stationnement préconisé par la VSS.

Facteurs de succès

La thèse de Daniel Baehler (2019) s’intéresse aux personnes habitant ces quartiers sans voiture. Au-delà de leurs motivations personnelles, il identifie des facteurs pratiques cruciaux pour choisir ce mode de vie. Parmi eux : la possibilité de se déplacer à pied ou à vélo au quotidien, l’accès à des transports publics de qualité (arrêt à moins de cinq minutes de marche permettant une connexion rapide à une gare bien desservie), ainsi que la disponibilité d'un service de partage de voitures (Carsharing). En effet, vivre sans voiture privée ne signifie pas ne jamais en utiliser. De plus, il est indispensable que des magasins d’alimentation et d’autres infrastructures éducatives, de services et de loisirs soient accessibles à proximité.

Ces besoins pratiques sont le plus souvent déjà satisfaits dans les zones urbaines en Suisse, les transports publics y étant bien développés et la densité de commerces et de services y étant relativement élevée. Si des lacunes sont parfois encore relevées en termes d’infrastructure cyclable, et si ces conditions restent plus difficiles à remplir en milieu rural, le contexte est largement favorable à l’expansion de l’habitat à stationnement réduit. Il incombe désormais aux autorités d'encourager ce modèle d’habitat pour accélérer la transition vers une mobilité plus durable.

Pour aller plus loin

  • Découvrez la plateforme habitatmobilite.ch 
  • L’ATE propose notamment une offre de conseils pour planifier et construire avec moins de places de stationnement.
  • Concept d’habitat à stationnement réduit

Sources mentionnées dans le texte

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Cyril Gros

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