En matière d’impact environnemental, la construction et l’urbanisme font partie des domaines d’activités à considérer de près. En effet, selon le rapport annuel 2020 du Programme Bâtiments de la Confédération, en Suisse le parc bâti représente 40% de la consommation d’énergie nationale et est en outre responsable d’environ un tiers des émissions de CO2. Notons encore que plus d’un million de maisons présentent une isolation insuffisante et nécessitent un assainissement énergétique d’urgence.
Si le besoin immédiat des rénovations énergétiques et des nouvelles constructions durables est une évidence, encore faut-il être en mesure de comprendre et identifier les problématiques du parc bâti existant et à venir dans le détail. Dans ce cadre, la technologie des jumeaux numériques joue un rôle clé, notamment en permettant de bénéficier de modélisations aussi précises qu’enrichies de données pour permettre ensuite de prendre les bonnes décisions, tant en termes de construction ou de rénovation que de planification urbaine. Mature, la technologie commence gentiment à se démocratiser auprès des acteurs immobiliers, des architectes et ingénieurs ou encore des communes et collectivités.
Concrètement, un jumeau numérique consiste à créer une modélisation 3D hyper détaillée d’un élément existant. Obtenue par différents processus, dont l’imagerie aérienne par exemple, cette modélisation est ensuite augmentée de données actuelles, voire continues, pour offrir un niveau de détail, d’actualité et de réalisme bien plus poussé qu’en utilisant des méthodes et outils classiques tels que la cartographie ou encore Google Earth.
« Si Google Earth peut déjà être considéré comme un jumeau numérique, les données utilisées sont actualisées tous les cinq à dix ans, ce qui limite les informations et la pertinence des données avec lesquelles on peut travailler », explique Romain Kirchhoff, CEO de la société Uzufly, spécialisée dans les services liés aux jumeaux numériques et à l’animation 3D. « En augmentant nos modèles de données publiques issues par exemple de Swisstopo, l’Office fédéral de topographie dont les relevés sont effectués tous les trois ans, on va permettre aux utilisateurs de bénéficier d’informations fiables. Si ces données sont déjà accessibles, très peu de monde connaît leur existence ni ne sait comment les utiliser. En les incorporant dans nos modèles, on démocratise ainsi leur utilisation tout en démontrant leur pertinence. »
Si la technologie s’avère des plus utiles dans les domaines techniques, notamment en matière d’ingénierie, d’architecture, d’urbanisme et de construction, son impact sociétal est également à souligner. Grâce aux jumeaux numériques réalistes, comprendre l’avenir d’un quartier devient possible pour toutes et tous. Une compréhension et une démocratisation qui, lorsque l’on se base sur des plans d’architectes uniquement, font bien souvent défaut pour le grand public. Dans ce sens, la technologie des jumeaux numériques peut constituer une base ouverte pour mener des discussions participatives, par exemple entre des acteurs communaux et la population.
Réalisée par drone ou par hélicoptère, l’imagerie munie de ces données constitue ainsi un précieux modèle pour comprendre l’impact d’une construction à venir au sein d’un quartier ou d’une zone délimitée. Envergure, intégration esthétique ou encore potentiel énergétique constituent autant de paramètres pouvant être exploités par les maîtres d’ouvrage, les collectivités, les ingénieurs ainsi que les architectes. Les habitants des régions concernées, dont les opposants à certains projets, peuvent aussi y voir plus clair quant à l’implantation d’un futur projet.
« Il existe différents types de jumeaux numériques qui servent tous à appréhender la réalité et à déployer différents scénarios. De notre côté, nous réalisons des modèles réalistes à l’aide de la photogrammétrie, une technologie qui fonctionne effectivement sur la base de prise d’images aériennes. Ce qui n’est pas le cas de la majorité des jumeaux numériques qui vont plutôt être schématiques, on parle alors de jumeaux numériques sémantiques. En termes de durabilité, notre type de modélisation offre aussi un avantage certain puisque nous pouvons étudier de manière très précise et réaliste les potentiels énergétiques en procédant à des simulations poussées. Orientation de l’ouvrage, type d’infrastructures énergétiques envisagées, données météorologiques liées à la région concernée ou encore surfaces photovoltaïques potentiellement déployées sont autant de paramètres que nous pouvons prendre en compte pour calculer exactement les performances énergétiques atteignables. »
À terme, Uzufly entend aussi proposer sous licence un accès à une vaste modélisation du territoire, notamment en région genevoise, pour permettre aux acteurs immobiliers et de la construction d’y implanter numériquement leurs projets futurs avant réalisation.
Une fois construit, un ouvrage nécessite en outre une fine compréhension de son fonctionnement, de son usage et de ses performances. Un monitoring dynamique des infrastructures qui permet de donner naissance à ce que l’on appelle la smart city. Une ville dite intelligente, au sein de laquelle les performances énergétiques des ouvrages sont optimisées grâce à leur scan continu. Et dans ce sens, Romande Energie travaille sur un projet innovant des plus prometteurs. Le concept : capter les données relatives à l’utilisation d’un bâtiment pour en comprendre le fonctionnement détaillé puis affiner les réglages de ses infrastructures de chauffage.
« Notre solution, baptisée OPTIM, permet en effet de mesurer la consommation énergétique précise d’un bâtiment pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire », souligne Jordan Giraud, Product Manager Senior chez Romande Energie. « Pendant une période de référence de deux mois, le système va ainsi analyser le comportement du bâtiment pour en comprendre le fonctionnement. Nous enrichissons ensuite ce modèle avec des données météorologiques, dont l’ensoleillement et les températures extérieures, pour obtenir une compréhension très fine et identifier les potentiels d’économie d’énergie. Dans un deuxième temps, nous optimisons les réglages du chauffage à l’aide d’un algorithme qui tient compte des prévisions météorologiques en continu. On évite ainsi de surchauffer le bâtiment lorsque l’ensoleillement fournit de la chaleur naturellement. Globalement, la technologie permet d’économiser 15 à 20% d’énergie et de CO2 pour le chauffage sans entreprendre de rénovations. »
Destinée aux propriétaires de parcs immobiliers, la technologie se déploie actuellement. Élaborée pour des bâtiments d’une certaine envergure – dont la consommation annuelle correspond à 200’000 kWh minimum – la solution peut cependant être installée dans des parcs d’immeubles de diverses tailles permettant de mutualiser des gains entre bâtiments et donc d’optimiser un plus grand nombre de biens.
Pour un propriétaire, la solution offre en outre l’avantage de bénéficier de données précises quant aux besoins énergétiques de ses biens. Ce qui permet à Romande Energie d’accompagner le propriétaire, en anticipant sur des travaux de rénovation, pour l’optimisation du dimensionnement d’une future installation de chauffage, et donc de réaliser d’importantes économies financières. Enfin, mentionnons encore que le système constitue aussi un précieux outil de centralisation de données pour faciliter le reporting dans le cadre de rapports ESG (Environnemental, Social et Gouvernance).
Thomas Pfefferlé
Journaliste innovation
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Energéticien de référence et premier fournisseur d'électricité en Suisse romande, Romande Energie propose de nombreuses solutions durables dans des domaines aussi variés que la distribution d’électricité, la production d’énergies renouvelables, les services énergétiques, l’efficience énergétique, ainsi que la mobilité électrique.