L’essentiel en 3 points :
  1. Les communs sont des ressources partagées collectivement, elles peuvent être d’ordre naturel (eau, air, forêt), matériel - c’est-à-dire générées par la main de l’homme (l’électricité, un système d’irrigation) ou immatérielles (la connaissance et l’information).
  2. Un système de gestion collective est une alternative intéressante favorisant les collaborations locales et assurant une gestion des ressources plus équitable et durable, en témoignent les exemples des bisses valaisans et de la commune de Prats-de-Mollo-La Preste.
  3. Le partage de connaissance et d’information en libre accès permet de favoriser la durabilité, l’équité et l’innovation. Encourager de telles pratiques permet de repenser notre système de valeurs vers une perspective sociale, solidaire et durable en accord avec les limites planétaires.

Nous appelons communs des ressources naturelles, matérielles ou immatérielles gérées et partagées de façon collective par une communauté. Les communs naturels représentent les ressources formant notre environnement naturel (eau, air, sol, forêts, etc.). Les communs matériels regroupent les éléments issus de ou générés par la main de l’homme, comme un système d’irrigation, une coopérative solaire, etc. Les communs immatériels sont les connaissances et l’information partagées, par exemple les brevets, un logiciel open source, un système d’informations géoréférencées.

Dans cet article nous allons parcourir l’exemple de la gestion collective des bisses valaisans pour comprendre les enjeux pour une gestion durable d’une ressource, la gestion collective de la fourniture en électricité pour l’ensemble d’une commune ainsi que quelques exemples de connaissances partagées afin de permettre à tout un chacun une certaine autonomie dans un domaine. 

L’opportunité de considérer les communs pour la transition écologique et énergétique

L’évolution de nos modes de vies ne cesse d’augmenter la consommation des ressources de notre planète devenant d’autant plus limitées et prisées. L’objectif est par conséquent d’adopter des modes de vies sobres et moins coûteux en ressources. Pour y parvenir, une reconsidération de la répartition des richesses ainsi que de la façon d’utiliser les ressources est nécessaire. Nous abordions déjà cette question récemment dans un article sur le partage de l’espace public à redécouvrir ici.

La gestion collective est un mode de fonctionnement alternatif qui permet de travailler à plus petite échelle et qui peut faire émerger des collaborations nouvelles entre différents acteurs locaux. Il s’agit de travailler ensemble en dehors d’un système de concurrence pour s’assurer de la pérennité d’un bien commun dont la communauté dépend. Cela implique, de fait, d’œuvrer collectivement à une utilisation raisonnée de la ressource afin que chaque membre de la communauté puisse en bénéficier. In fine, cela permet de préserver les ressources.

L’exemple des bisses du Valais : la pérennisation d’un mode de faire ancestral

En Suisse et en particulier en Valais, plusieurs formes de gestions collectives ont régulé la région sous différents aspects : gestion de l’eau, des forêts ou des alpages. Toutefois, l’évolution des modes de vie et l’intensification du secteur secondaire dans la région ont gentiment fait disparaître la plupart de ces systèmes de gestion Le cas des bisses est cela dit un exemple intéressant car il a su perdurer dans le temps et s’adapter aux évolutions des cadres légaux et des systèmes d’irrigation.

La gestion des bisses s’est faite sous la forme d’une gestion collective appelée consortage : une association de propriétaires où les consorts possèdent chacun des droits et des devoirs définis par les règlements du consortage. Le but partagé est d’assurer l’accessibilité et la jouissance de la ressource à l’ensemble des membres sur le long terme, et cela tout en tenant compte du fait qu’il s’agit d’une ressource dont l’usage est à la fois rival et non exclusif. Ce dernier point est d’autant plus important car il renforce la notion d’inclusion et de partage de cette forme de gestion.  

Légalement, les consortages sont reconnus par le Code civil suisse et sa Loi d’application valaisanne (art. 126 et ss). Cette reconnaissance leur permet ainsi de perdurer dans le temps et de négocier également avec d’autres entreprises exploitant la ressource. C’est par exemple le cas de la région d’Émosson où la Société hydroélectrique d’Émosson et le consortage ont trouvé un accord pour permettre à la société hydroélectrique d’exploiter les eaux non utilisées par les bisses durant une période de l’année.

Compte tenu du contexte climatique actuel et de l’augmentation des périodes de sécheresses, le système d’irrigation par les bisses reprend du service pour les terres agricoles valaisannes redonnant par la même occasion un regain d’intérêt pour les consortages.  

L’exemple de la commune de Prats-de-Mollo-La Preste en chemin pour une autonomie en électricité

En France dans les Pyrénées orientales, la Commune de Prats-de-Mollo-La Preste s’est rendue autonome en électricité grâce à un travail collaboratif entre la Commune, ses habitantes et habitants et la régie d’électricité locale en créant une Société d’Économie Mixte (SEM) nommée Prats’EnR et détenue pour 60% par la Commune et 40% répartis à parts égales entre un collectif citoyens constitué en société coopérative et la régie d’électricité locale. L’objectif de la démarche est de faire de l’électricité une ressource mutualisée au travers d’un réseau de distribution pour toute la commune.

Afin de permettre ce processus, des outils techniques et technologiques ont été sollicités, de même qu’un système de gouvernance à part entière. La participation et la co-construction avec la population de la Commune a d’ailleurs été un élément clé de la démarche. En 2019, 8% de la population communale avait adhéré au collectif citoyen, ce qui représente 80 personnes.

Pour parvenir à ses fins, la Commune s’est affairée sur plusieurs chantiers. Elle a notamment remis en fonction une ancienne installation hydraulique, arrêtée depuis 20 ans, installé des microturbines sur différentes canalisations d’eaux issues des montagnes avoisinantes, installé des panneaux photovoltaïques sur des toitures des bâtiments agricoles et industriels et projette d’installer un système de microméthanisation alimenté par les effluents des agriculteurs de la Commune.

La Commune souhaite également pouvoir installer dans chaque foyer des signaux afin d’informer les habitantes et habitants de leur niveau de consommation en électricité, permettant ainsi de sensibiliser et d’informer la population.

Quelques autres exemples de communs

Le Vhélio est un vélo à auto-construire dont les instructions sont disponibles en libre accès à tout un chacun depuis le site Internet de l’association Vélo Solaire pour tous. Cette association à but non lucratif a élaboré un véhicule pouvant être construit avec des matériaux et des outils facilement accessibles afin d’offrir la possibilité à chacun de se fournir une alternative aux mobilités existantes.

Ce principe est également proposé par Sebasol, une association à but non lucratif qui a pour but d’accompagner les propriétaires dans l’installation en auto-construction ou de façon clés en main d’une installation solaire thermique. Outre l’installation, l’objectif est également de former les participants sur la thématique et de permettre à tous de bénéficier d’une énergie de manière abordable et durable.

On peut également penser aux différentes coopératives d’énergie citoyenne qui se développent en Suisse dans le but de favoriser une production autonome d’énergie décentralisée, écologique, participative et collective, comme par exemple Energie Citoyenne. Nous vous en parlions récemment dans un article consacré aux coopératives d’énergie.

Les biens communs comme vecteur pour reconnaître la diversité et encourager l’innovation sociale et solidaire

Ces exemples nous permettent de constater combien chaque communauté est unique et à quel point chaque ressource demande une approche différente – il n’existe pas de recette universelle pour une bonne gestion des communs. La compréhension fine des dynamiques locales, combinée à une flexibilité dans la mise en œuvre des principes, reste essentielle pour une gestion réussie.

Ainsi, il s’agit face à la diversité des communs et de leurs contextes d’explorer les dynamiques locales, avec des approches innovantes et adaptatives. Encourager ces pratiques est essentiel pour penser notre système de valeur sous un autre angle, un angle plus doux : social, solidaire, juste et plus en accord avec les limites de notre planète.

À lire aussi :
Penser les biens communs pour affronter les « dilemmes tragiques » de l’énergie

Ou à écouter :
Faut-il un service public des biens communs : l’eau, l’énergie, les transports (dès 2:26)

Ligaya Scheidegger

Ligaya Scheidegger
Géographe-urbaniste

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