Morges décarbone son territoire

L’essentiel en trois points :

1. Objectifs ambitieux de réduction : d'ici à 2035, Morges s’engage à réduire significativement sa consommation d'énergie et ses émissions de CO₂ par habitant, visant une diminution de 43% de la consommation d'énergie, 13% de la consommation électrique et 41% des émissions de CO₂.

2. Renforcement des infrastructures durables : la ville concentre ses efforts sur des mesures concrètes comme la rénovation du parc immobilier, le passage au gaz renouvelable, et le développement de son réseau de chauffage à distance, et s'appuie sur des incitations financières via un fonds d'encouragement.

3. Mobilisation des acteurs locaux : la réussite de la stratégie énergétique adoptée par la ville repose sur l'engagement des acteurs locaux, soit la municipalité, les entreprises et les citoyens. Une étroite collaboration essentielle pour décarboner le territoire.

 

Engagée depuis 2000 déjà dans les initiatives durables et distinguée par le label « Cité de l’énergie » et plus récemment, le prestigieux « Cité de l’énergie gold » (2022), Morges poursuit sa transition. Une dynamique saluée par Christophe Jeandupeux, Product Manager senior chez Romande Energie et responsable de la démarche Commune Rénove. « Morges est particulièrement dynamique et exemplaire ! C’est réjouissant de voir des communes qui mettent tout en place pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques. »

La Stratégie énergétique 2035

La Municipalité s’est dotée d’une « Stratégie énergétique 2035 ». Le document, établi en 2017 déjà, sert ainsi de boussole durable. Trois objectifs majeurs à atteindre d’ici 2035 (et par rapport à 2017) y figurent, soit réduire - par habitant - 43% la consommation d’énergie (chaleur et énergie), 13% la consommation d’électricité et 41% des émissions de CO₂.

Puisque la plus grande partie de la consommation énergétique fossile provient du parc immobilier, la Ville concentre ses efforts sur ce secteur et pose cinq axes stratégiques.

1. La rénovation du parc bâti

Objectif 2035 : Morges entend diminuer de 17.6% les besoins en chaleur des bâtiments par rapport à 2017, s’appuyant sur la rénovation annuelle d’environ 16’000m² par an de surface de référence énergétique

Comment : par un soutien logistique et financier, à travers les programmes de sensibilisation et le fonds d’encouragement. « Le fonds d’encouragement est alimenté par les contributions de la taxe sur l’électricité et il subventionne des initiatives durables à hauteur de CHF 400'000.- à 500'000.- par an, ce qui allège le coût des travaux d’assainissement des propriétaires. Ce fonds accompagne les objectifs énergétiques du territoire communal et représente le socle pour de nombreux programmes initiés par la commune » précise Marc Bungener, chef d’Office de la durabilité pour la Ville de Morges. Deux projets en particulier se concentrent sur la rénovation du parc bâti :

Commune Rénove (décliné en Morges Rénove) : ce programme, initié par Romande Energie, vise à encourager les propriétaires et régisseurs à rénover leurs biens, en leur simplifiant les interactions avec les autorités et en les accompagnant dans l’évaluation technique et financières de leur projet. Le but est également d’accélérer les procédures, qui peuvent être très longues comme le rappelle Christophe Jeandupeux de Romande Energie, responsable de déployer le programme au sein des communes. « Entre le moment où une envie de projet de rénovation est posée et le moment où les premiers échafaudages sont montés autour de l’immeuble d’un propriétaire, il peut s’écouler deux à trois ans ». Il ajoute qu’actuellement, une attention particulière est portée aux grands bâtiments. Et le travail ne manque pas. « Le taux de rénovation doit tripler pour atteindre les objectifs fixés par la Confédération. L’ampleur des travaux est telle que nous avons décidé de nous concentrer en priorité sur ce qu’on appelle les passoires énergétiques, soit les grands immeubles présentant un potentiel d’économie d’énergie important. » Pour faciliter le parcours des propriétaires, une feuille de route leur est proposée, comprenant les étapes d’assainissement (déjà préapprouvées par les autorités). Des ateliers sont également organisés conjointement entre Romande Energie et la Ville de Morges, où toutes les questions peuvent être posées à différents experts intervenant dans un projet d’assainissement énergétique. Dès septembre 2024, l'initiative s'étendra aux bâtiments plus petits (à l’exception des villas).

GROUP-IT Rénovation : pour les maisons individuelles et les petites PPE, Morges participe à la phase pilote de GROUP-IT Rénovation, initié par la HES-SO Valais avec Région Morges. Il s’agit ici encore de simplifier les processus, en gérant une partie de la paperasse ou en dénichant des offres intéressantes. « Le programme encourage le passage à l’action en facilitant les démarches, précise Marc Bungener, aux commandes de la durabilité à Morges, car depuis le moment où un propriétaire a l’idée d’assainir jusqu’à l’aboutissement du projet, la route peut être compliquée et les questions nombreuses. »

2. Transition du gaz naturel vers le gaz renouvelable

Objectif 2035 : que le gaz distribué à Morges comporte un minimum de 10% de gaz renouvelable, tout en réduisant la consommation globale et en substituant le gaz fossile par du gaz renouvelable.

Comment : la Ville vise la méthanisation des déchets organiques pour produire biogaz, compost et engrais, la diminution du gaz consommé par les bâtiments administratifs et l’augmentation progressive du gaz renouvelable injecté dans le réseau (+0.7%/an).

3. Développement et raccordement à des réseaux thermiques

Objectif 2035 : Morges vise à satisfaire 38% de ses besoins en chaleur via des réseaux de chauffage à distance. La gestion du chauffage à distance (CAD) est confiée à Morges Energie, société détenue à 49% par Romande Energie et à 51% par la Municipalité de Morges. « Nos partenaires chez Morges Energie développent actuellement le réseau de chauffage à distance sur le secteur nord de Morges, précise Marc Bungener. D’autres réseaux existants continuent leur progression sur le secteur sud. Dans ces zones, nous recommandons plutôt le raccordement au CAD que le remplacement des chaudières par les producteurs individuels. Ce projet privilégie ainsi une réponse renouvelable collective plutôt que des solutions individuelles, ce qui permet entre autres une gestion plus efficace des installations. »

Comment : en favorisant l'utilisation de sources renouvelables, telles que le bois, la chaleur des eaux épurées à la STEP ou l'eau froide du lac.

4. Développement des énergies renouvelables et diminution du recours au mazout et au chauffage électrique

Objectif 2035 : remplacer 73% des chauffages à mazout et 68% des chauffages électriques directs, en favorisant les chauffages alimentés en énergies renouvelables. Pour cela, la Municipalité encourage la population se chauffant au mazout, au gaz et à l’électricité, à effectuer une transition vers des énergies renouvelables, grâce à des campagnes de sensibilisation et au soutien financier du fonds d’encouragement.

Comment : la stratégie envisagée inclut le remplacement annuel d'environ 50 chauffages fossiles (mazout et gaz) par des alternatives renouvelables.

5. Développement de la production électrique locale

Objectif 2035 : Morges ambitionne d’atteindre une production annuelle de 10 GWh d’énergie renouvelable, principalement via l’installation de centrales photovoltaïques sur les toits des bâtiments communaux, en ajoutant chaque année 3’000m2 de panneaux solaires.

Comment : la Municipalité s’associe aux milieux scientifiques pour déployer des installations pilotes innovantes, explorant notamment la convergence des réseaux, tel que le power to gas.

Le GROUP-IT Photovoltaïque : le projet GROUP-IT Photovoltaïque, porté par la HES-SO Valais et Région Morges, est le pendant « solaire » du GROUP-IT Rénovation. « C'est encore une fois un service clé en main pour les propriétaires, qui vise cette fois à maximiser le potentiel solaire local », explique Marc Bungener de la Ville de Morges. « Cette approche, sans obligation de mise en œuvre, vise à encourager la participation citoyenne dans la transition énergétique. Ainsi, on identifie les potentiels, on prodigue des conseils et on propose d’assurer la coordination avec les prestataires, entre autres. » L’efficacité de la stratégie déployée repose quant à elle sur une collaboration étroite entre les divers acteurs, ajoute-t-il. « Les investissements dans l’énergie sont aujourd’hui rentables et nous sommes dans une dynamique plutôt positive. Je ressens une belle synergie entre les différents acteurs (Office de la durabilité de la Ville, Romande Energie, HES-SO, Région Morges, Services industriels de Morges et Morges Energie, ainsi que la population). Pour mener à bien les projets, le lien et les échanges sont primordiaux ».

Liens utiles :

- Stratégie énergétique 2035 Morges : strategie_energetique_2035_web-2.pdf (morges.ch)

- Fond encouragement : Ville de Morges - Subventions énergie et développement durable

- Dashboard de la transition énergétique de Morges : Dashboard - Ville de Morges (ncsa.ch)

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> Une question à…

Marc Bungener, chef d’Office de la durabilité, Ville de Morges

Quels défis avez-vous rencontrés dans vos efforts de décarbonisation à Morges ?

Le principal défi réside dans la complexité de compréhension des questions énergétiques. Les propriétaires ne parlent pas forcément le langage de l’ingénieur et ce décalage est un souci, car on demande aux gens de s’engager sur des thématiques qui paraissent abstraites. Or, les gens ne s’investissent pas, ou peu, sur des actions qu’ils ont de la peine à comprendre. Il y a aussi la question financière. Dans de nombreux cas, un changement d’enveloppe coûte cher. La situation est encore plus compliquée pour les propriétaires immobiliers âgés, qui ont plus de mal à se projeter dans l’avenir et bénéficient très difficilement d’emprunts bancaires. Une autre complexité est le sentiment d'impuissance face à l'ampleur des défis climatiques. Les gens ont de la peine à percevoir de quelle manière leurs actions peuvent changer les choses. On a la sensation que le monde évolue trop rapidement, que tout part dans tous les sens et que les défis sont énormes. Alors beaucoup se sentent démunis et ne pas savoir par où commencer peut freiner l’engagement.

Malgré ces obstacles, l'action demeure primordiale, car même des avancées apparemment minimes ouvrent des perspectives. L’avantage d’agir pour une commune est de pouvoir ensuite capitaliser sur ce premier geste, qui aura des retombées positives, comme l’image d’une ville respectueuse de l’environnement ou encore l’appréciation de la population quant aux actions menées par leurs autorités. Le but est de créer des boucles de rétroactivité positives chez les gens : d’abord s’engager petit, puis faire de plus grand pas. À Morges, nous sommes vraiment dans une démarche d’encouragement et de facilitation, et non de contraintes. »

> Une question à…

Christophe Jeandupeux, Product Manager senior et responsable du programme Commune Rénove, Romande Energie

Pour une commune qui ambitionne de décarboner son territoire, par où recommandez-vous de commencer ?

L'élaboration d'un Plan énergie climat ou d’une Planification énergétique territoriale est une bonne première étape. Toutefois, ces approches ont leurs limites : il s’agit d’études, mais rien n’est fait pour la mise en œuvre des mesures préconisées. La concrétisation de celles-ci peut toutefois poser problème, surtout pour les petites et moyennes communes, limitées par les ressources et les compétences internes. Le vrai défi réside dans l'application de ces stratégies, notamment convaincre les propriétaires de s'engager dans la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Des incitations, surtout financières et administratives, seraient cruciales pour catalyser l'action en matière d’assainissement énergétique des bâtiments. Cela pourrait inciter d’autres acteurs à entreprendre ce type d’actions.

Mais ce qui contribue énormément à faire avancer les choses, c'est la volonté et l’engagement des individus. À Morges notamment, il y a des personnes clés qui s'investissent dans ces projets sans compter leurs heures. Ce sont de véritables moteurs pour la transition. On travaille avec des gens convaincus et passionnés, et cela fait du bien ! Les mondes se rencontrent et il y a des choses à faire. L’enjeu est tellement grand, qu’il y a du travail pour bien plus qu’un seul acteur.