Aujourd’hui, une grande partie de notre espace public sert à nous déplacer – routes, rues, ruelles, trottoirs. Une autre partie sert de lieu de vie, d’échanges économiques et de rencontres : parcs, places, jardins, squares, terrains de sport, places de jeux, terrasses, plages, forêts, etc. Une autre « catégorie » d’utilisation de l’espace public est celle qui consiste à se parquer. Et c’est une partie non négligeable de cet espace commun. En moyenne, les espaces de stationnements accueillent des véhicules qui sont à l’arrêt plus de 22 heures sur 24. Pour chaque véhicule, ce sont environ 12 m2 (ou 24 m2 si on dispose d’un espace de stationnement chez soi et à son travail) qui sont dédiés uniquement au stationnement. À Lausanne, par exemple, il y a 96’210 places de stationnement publiques et privées, soit plus d’1 km2 de la ville destiné au stationnement, ce qui équivaut à plus de 110 fois la Place de la Riponne.
Aujourd’hui, les espaces de stationnement deviennent des lieux toujours plus convoités par celles et ceux qui souhaitent bénéficier d’endroits au pied de chez eux pour pouvoir s’asseoir à l’ombre des arbres, jardiner, pique-niquer à plusieurs, lire, rencontrer ses voisins, fêter, faire de la musique, boire un café au soleil, travailler, jouer au ping-pong, et bien d’autres choses encore. Seulement voilà, pour cela, il faut que celles et ceux qui ont eu le monopole de l’espace public ces dernières années soient d’accord de le partager à nouveau. Il faut que chacun puisse avoir le droit de dire ce qu’il souhaiterait pouvoir y faire et que des terrains d’entente soient trouvés. Impliquer les habitantes et les habitants dans le réaménagement de ces espaces publics est donc une première piste pour faciliter le partage. Parce que réaliser toutes les autres activités qui pourraient prendre la place de cet espace, au bénéfice de tous et toutes, motive à trouver des solutions communes.
Partager les véhicules permet de réduire drastiquement l’espace utilisé pour les parquer. La coopérative de car sharing Mobility partage ses 3’010 véhicules avec ses 242ʼ300 clients privés et 5ʼ000 clients business ! Cela signifie que 0,15 m2 d’espace de stationnement est utilisé par chacun de ses clients privés, contre 12 m2 si chacun avait fait le choix de disposer d’une voiture non partagée. Grâce à Mobility donc, ce sont donc près de 3 km2 d’espace non nécessaire au parking libéré en Suisse. Maintenant que toujours plus de villes se mettent à redistribuer l’espace public, habitantes et habitants des quartiers : partagez vos véhicules et vos espaces !
« J’échange trois places de stationnements pour un arbre qui a suffisamment d’espace pour s’épanouir et offrir une canopée généreuse en été. »
Les apports concrets de cet échange ? À l’ombre d’un arbre, la température diurne peut être jusqu’à 7 °C plus fraîche qu’à ses alentours. Les surfaces perméables quant à elles emmagasinent moins la chaleur et réduisent les risques d’inondation. Mais pour qu’un arbre puisse s’épanouir, il faut près de 40 m3 d’espace disponible en sous-sol.
« J’échange des places de stationnement pour des terrasses de cafés et de restaurants offrant des opportunités d’espaces supplémentaires pour les commerçants et des nouvelles activités possibles pour les habitantes et habitants. »
« J’échange une quinzaine de places de stationnement pour une nouvelle place de quartier permettant aux différentes personnes d’un quartier – enfants, seniors, familles, jeunes, etc. – de faire toutes sortes d’activités : organiser une fête, jouer, se reposer, créer, profiter de la nature, et bien plus encore. »
« J’échange un espace pour stationner ma voiture pour un espace pour stationner 12 vélos »
Cela permet à 12 personnes de stationner leur véhicule plutôt qu’à une seule.
Pour Giorgio Giovannini, fondateur du bureau Mobilidee qui accompagne les entreprises et les collectivités dans l’élaboration de leurs stratégies de mobilité, il est effectivement essentiel de partager cet espace. Piétonniser des rues est un processus souvent compliqué, notamment parce que les commerçants craignent que la suppression de places de parcs réduise leur clientèle. Lors de ces rencontres avec les commerçants, il présente les nombreux arguments en faveur de la piétonnisation des rues pour les acteurs économiques. Une étude anglaise par exemple démontre que sur un mois, les personnes qui se déplacent à pied sur une route principale dépensent 40% de plus que les personnes qui se déplacent en voiture.
Visiter avec les commerçants concernés des bons exemples et les faire discuter avec d’autres commerçants qui ont vécu cette transition. Une idée de visite ? La Ville de Sion est un excellent exemple de ville qui a transformé progressivement ses espaces publics motorisés en espaces publics destinés à d’autres activités. Comment cela s’est-il passé ? L’exécutif sédunois a constaté la diminution de la fréquentation du centre-ville une fois les bureaux fermés. La zone commerciale excentrée, facilement accessible en voiture, concurrençait alors largement les commerces sédunois. L’exécutif a ainsi décidé de lancer un concours pour l’aménagement de la Place du Midi (la zone commerçante du centre-ville) en zone de rencontre. Malgré plusieurs oppositions (principalement de la part des commerçants qui ne souhaitaient pas que des places de parcs soient supprimées), le projet se réalise. La place devient un haut lieu de vie et de convivialité – grâce à l’agrandissement des terrasses notamment.
Résultat : un succès commercial et social ! Comme tout cercle vertueux, les résultats positifs ont donné envie à tout le monde de continuer sur cette voie. C’est ainsi qu’au fil des ans, plusieurs autres rues de la vieille ville se sont transformées en zones de rencontres. La volonté de la Ville n’était pas de mettre en place des mesures trop brutales, par exemple fermer tout le centre-ville à la circulation, mais de permettre le changement d’habitudes de façon coordonnée et harmonieuse. La mise en place de zones de rencontres a été une excellente manière d’y parvenir.
Hélène Monod
Rédactrice
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