Une avancée pour les femmes
C’est un constat navrant, les femmes perçoivent des prestations de retraite inférieures à celles des hommes. Les trois causes sont identifiées depuis longtemps: leur salaire reste en moyenne inférieur à celui des hommes, la baisse du taux d’activité dès la maternité réduit la constitution du capital retraite, l’impact de la déduction de coordination LPP sur les salaires à temps partiel est violent. La réforme LPP n’a pas pour vocation de traiter les deux premières causes, mais elle entend agir sur la problématique de la déduction de coordination. Et elle le fait réellement, de manière simple et efficiente. Désormais, la couverture du 2ème pilier sera basée sur 80% du salaire, ce qui correspond à une déduction de coordination de 20% du salaire. Par exemple, pour les salaires se trouvant au-dessus du seuil d’entrée à la LPP (19'845 francs par an selon la réforme LPP), les projections des capitaux retraite sur une carrière complète pourront doubler par rapport à la situation actuelle.
D’autre part, les modes de vie actuels ne consacrent pas uniquement la vision d’une mère au foyer, mais également celle d’un père qui réduit son taux d’activité pour participer à l’éducation des enfants. C’est donc le couple tout entier qui se verra récompensé par cette approche modernisée de la déduction de coordination.
Enfin, les emplois multiples profitent également de cette nouvelle méthode de calcul. Avec les dispositions légales actuelles, un travailleur qui bénéficierait d’un salaire mensuel de 9000 francs réparti à parts égales entre trois employeurs obtiendrait une rente mensuelle cumulée de l’ordre de 1000 francs, en raison de la déduction de coordination appliquée sur les trois emplois.
Cette partie de la réforme LPP, en faveur de la retraite des femmes, représente une véritable avancée pour elles, mais également pour les familles et les emplois non conventionnels.
Les travailleurs les plus âgés, doublement préservés
Autre constat, l’échelle d’épargne croissante en quatre paliers pénalise les travailleurs âgés sur le marché du travail. Avec la proposition de la réforme LPP en deux paliers, 9% du salaire coordonné entre 25 et 44 ans et 14% à partir de 45 ans, les coûts directement liés aux dix dernières années d’activité sont réduits, par rapport aux 18% actuels. Il faut toutefois bien prendre en compte que le nouveau salaire assuré fixé à 80% du salaire AVS entraîne une augmentation de la base de calcul de la bonification d’épargne, préservant les projections d’épargne sur le long terme. Mais le défi de l’employabilité des travailleurs de plus de 55 ans est relevé.
De plus, des générations transitoires ont été définies et recevront des suppléments de rentes qui soutiendront le niveau des prestations. Sur ce point, la réforme est généreuse: ce sont 15 années d’âge qui bénéficieront de versements complémentaires de 200 francs par mois pour les 5 premières tranches d’âge puis de 150 francs et 100 francs pour les suivants. Ce supplément de rentes, qui vise à compenser la réduction du taux de conversion à 6%, se comporte comme un véritable renforcement des rentes, dépassant l’objectif d’une mesure de compensation.
Car, dans la pratique, les taux de conversion sont déjà inférieurs aux 6.8% avec la pratique de taux enveloppants. Pour les caisses de pension, la méthode consiste à calculer la rente de retraite sur l’entier du capital avec un taux réduit, par exemple de 5%, tout en vérifiant que cette rente reste supérieure à celle qui serait versée en appliquant 6,8% uniquement sur la part LPP.
Les nouveaux retraités partent actuellement à la retraite avec des prestations déjà réduites, mais ceci sans mesures transitoires. La réforme est donc urgente pour les générations proches de la retraite.
Le véritable enjeu de la réforme LPP, c’est d’accepter de franchir une étape. Refuser encore une fois de réformer la LPP ne fera que reporter les problèmes, laissant les oubliés de la prévoyance sur le bord de la route pour de nombreuses années. Une réforme est rarement parfaite et jamais définitive, mais elle est le signal de départ sur la voie de l’amélioration.
Marlène Rast, Responsable Stratégie Prévoyance chez Groupe Mutuel.