L'essentiel en 3 points :
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Le rythme actuel des rénovations énergétiques reste trop lent en Suisse, seulement 0,9% des bâtiments sont rénovés chaque année dans le pays, et ce taux stagne à 0,8% dans le canton de Vaud.
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Cette lenteur s’explique notamment par l’approche actuelle, qui consiste à agir par immeuble ou par bien, sans déployer une approche plus globale qui permettrait d’étendre les rénovations sur de plus larges zones géographiques.
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Adopter une approche par quartier permettrait de dépasser un taux de rénovation annuel de 3% tout en profitant d’avantages incitatifs jusqu’ici inédits au niveau financier, administratifs et social.
En Suisse, le parc bâti représente quelque 40% de la consommation énergétique totale et près d’un tiers des gaz à effet de serre qui y sont émis, selon l'Office fédéral de l’énergie. Dans cette proportion, la Société suisse des ingénieurs et des architectes souligne par ailleurs que la majorité de cette consommation provient des bâtiments existants, qui s’avèrent logiquement bien plus énergivores que les nouvelles constructions.
Pour contrer le fort impact carbone de notre parc bâti vieillissant, la Confédération et les Cantons ont lancé différentes mesures et initiatives, dont des programmes de subvention, et cela dès 2010 déjà, notamment avec le Programme Bâtiments par exemple. Objectif : encourager les acteurs de la branche immobilière à entreprendre rapidement des rénovations énergétiques par le biais de ces mesures d’aide et de soutien. Des travaux de très grande ampleur à l’échelle nationale, qui ciblent d’abord l’enveloppe du bâtiment afin d’améliorer son isolation (façade, fenêtre, toiture) et le remplacement de ses installations de production de chaleur pour favoriser les énergies renouvelables. L’objectif est double : réduire la consommation d’énergie et en améliorer sa nature et sa provenance pour diminuer les émissions de CO2 en favorisant les filières de production renouvelable.
Mesures inefficaces ?
Si les programmes d’aide et de subvention prévus par la Confédération - déclinés à l’échelle cantonale et communale - sont bien présents, force est de constater que le rythme des rénovations énergétiques reste lent. En effet, seulement 0,9% des bâtiments sont rénovés chaque année en Suisse, et ce taux stagne à 0,8% dans le canton de Vaud, d’après la Conception cantonale de l’énergie (CoCEn). Alors que pour parvenir aux objectifs fixés par la Confédération dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050, il faudrait être en mesure de passer à 2,5% d'ici à 2030.
Outre les limitations liées aux problèmes de pénurie de main d’œuvre, ces rénovations sont aussi entravées en termes d’ampleur de par leur dispersion géographique. Un manque de synergies et de coordination à grande échelle mis en évidence par une récente étude de l’EPFL, mandatée par la Direction générale de l’environnement et la Direction de l’énergie (DGE-DIREN) de l’État de Vaud, menée par l’architecte spécialiste en durabilité et ex chercheur à l’EPFL Goto Takayoshi, et le professeur Philippe Thalmann, directeur du Laboratoire d'Economie Urbaine et de l'Environnement (LEURE) de l’EPFL. Si l’on devait continuer à avancer au faible rythme actuel, il nous faudrait encore un siècle pour que les bâtiments suisses atteignent les standards ciblés par la Stratégie énergétique 2050.
Face à cette urgence climatique, notamment déclarée par le Grand Conseil de l’État de Vaud en mars 2019, il est impératif d'adopter des actions de rénovation énergétique à grande échelle. Dans le cadre du Plan climat vaudois, l’étude de l’EPFL propose une approche novatrice visant à concentrer les efforts sur la rénovation des quartiers résidentiels, et non plus en avançant par immeuble ou par bien. Objectif : mettre un coup d’accélérateur dans le canton de Vaud et identifier les moteurs et les freins de la mise en œuvre d’une telle stratégie.
Le quartier, cette échelle clé
Concrètement, le taux de rénovation actuel en terres vaudoises implique que seulement un bâtiment sur cent est rénové à la fois. Pour doubler, voire tripler ce rythme, il est nécessaire de changer d’optique en adoptant une vision de masse. Une mutualisation des actions entreprises entre plusieurs immeubles d’un même quartier - appartenant à des propriétaires différents - permettrait de doper la mue énergétique du parc bâti.
Si la notion de quartier semble évidente, précisons tout de même que, dans le cadre de cette étude, cette zone est définie comme étant un groupement d’au moins deux bâtiments voisins, aménagements, infrastructures et usagers environnants compris. Dans le canton de Vaud, on trouverait ainsi plus de 40 quartiers résidentiels dont le potentiel de rénovation s’avère des plus significatifs.
Entreprendre des travaux à cette échelle implique en même temps une complication nouvelle, celle de devoir composer avec des propriétaires différents. Dans ce sens, l’étude a notamment consisté à scanner le terrain à travers un filtre d’homogénéité, autant en matière de types de propriétaires concernés que de types de bâtiments et de leur état. Une condition nécessaire en termes de mutualisation des démarches à effectuer, du diagnostic énergétique au financement en passant par la planification et les travaux de rénovation.
Gains et obstacles
La conclusion de l’étude est claire : adopter une approche par quartier permettrait de dépasser un taux de rénovation annuel de 3% tout en profitant d’avantages incitatifs jusqu’ici inédits au niveau financier, administratif et social. En termes de coûts, grâce à l’économie d’échelle réalisable, rénover par quartier pourrait en outre se traduire par une diminution de la facture par unité de logement d’environ 10%.
Dans la pratique, cette vision stratégique pertinente se confronte cependant au morcellement actuel qui caractérise la structure du marché immobilier. Car même au sein d’un quartier dit « homogène » en termes de type de propriétaires et de biens, chaque propriétaire a ses propres intérêts et chaque ouvrage comporte des spécificités intrinsèques. Ce qui pourrait potentiellement multiplier les travaux nécessaires. Pour contrer ce phénomène, l’idée consiste à définir un médiateur, soit une personne ou une organisation externe neutre dont le rôle clé consisterait à accompagner et à coordonner les acteurs d’un projet. Le soutien engagé du Canton et des Communes s’avère aussi essentiel pour mener à bien des rénovations de ce type. Pour en savoir plus, l’auteur de l’étude Goto Takayoshi répond à nos questions.
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Trois questions à Goto Takayoshi, architecte expert en durabilité et ex chercheur à l’EPFL
Questions d’énergie : Le marché immobilier s’avère très morcelé, entre des acteurs publics et privés différents, dont les points de vue et les priorités divergent. Comment mettre en place le cadre collaboratif nécessaire à l’adoption d’une approche de rénovation par quartier ?
Goto Takayoshi : Le premier élément essentiel à mettre en place consiste à impliquer les autorités et les pouvoirs publics dès les toutes premières phases d’un projet. Dans ce sens, l’Etat a un rôle clé à jouer, notamment en rassemblant et en incitant les différents acteurs privés propriétaires des biens à rénover à agir conjointement, mais aussi et surtout en matière de communication et de promotion auprès du grand public et des riverains. Un des exemples auxquels je m’intéresse dans le cadre de notre étude - Onex-Rénove - démontre en effet l’importance de bénéficier d’une telle implication au niveau étatique. Ce projet pilote a notamment pu aboutir grâce au rôle de l’Etat de Genève, aussi bien auprès des acteurs privés et des propriétaires que des locataires concernés. Pour les propriétaires, le positionnement du Canton et de la Ville d’Onex leur ont notamment permis de bénéficier d’un accès privilégié via un guichet unique pour résoudre tous les problèmes réglementaires, administratifs ou encore financiers. On peut citer un contre-exemple dans les hauts de Lausanne, où le projet de rénovation des Bergières, porté uniquement par les acteurs privés propriétaires du parc immobilier en question, n’a pas pu aboutir en grande partie en raison d’un problème de communication auprès des habitants qui ont fait opposition. Sans la présence d’autorités publiques, les riverains peuvent avoir tendance à percevoir un projet immobilier comme étant mené uniquement à des fins d’augmentation de rendement, alors même que ses objectifs réels s’avèrent louables et nécessaires d’un point de vue environnemental et énergétique.
Dans ce sens, que peut-on attendre des pouvoirs publics et des autorités cantonales et communales ?
Il est probable que les autorités publiques prennent de plus en plus ce rôle de facilitateur et de coordinateur entre les différentes parties prenantes de projets de rénovation énergétique menés à l’échelle du quartier. C’est un rôle complexe mais essentiel pour parvenir à adopter et à déployer plus largement ce type de démarches. Outre les fonctions clés citées ci-dessus auprès des propriétaires et des riverains, les autorités peuvent aussi agir sur deux autres axes. Au niveau financier, il serait par exemple bénéfique de pouvoir proposer des mesures d’aide et des subventions supplémentaires destinées aux prioritaires qui décident de se joindre à l’effort collectif entrepris dans une rénovation de quartier. Enfin, au niveau réglementaire, par exemple sur des aspects liés à la préservation du patrimoine ou encore à la sécurité en matière d’incendie, il pourrait s’avérer pertinent de proposer des solutions sur mesure, adaptées à l’échelle du quartier. Un assouplissement légal qui, dans le cadre de ces rénovations entreprises plus largement, pourrait permettre de se jouer des contraintes réglementaires et administratives relativement figées qui restent propres à chaque bâtiment.
Existe-t-il d’autres modèles, par exemple à l’étranger, desquels s’inspirer pour mettre en œuvre cette approche de rénovation novatrice et pertinente par quartier ?
Oui, il en existe beaucoup. Dans d’autres pays, de nombreux projets inspirants voient en effet le jour. Un des modèles pionniers les plus intéressants se trouve aux Pays-Bas, où la démarche EnergieSprong vise à industrialiser l’approche en matière de rénovations énergétiques. Pour ce faire, l’idée consiste à réaliser un audit énergétique de quartier puis à planifier et à modéliser les travaux de rénovation nécessaires à l’aide d’outils digitaux. Une fois préfabriqués, les modules qui vont être utilisés pour renforcer l’enveloppe thermique des biens concernés sont posés depuis l’extérieur des logements en un à deux jours seulement. Ce qui permet de réduire au maximum les nuisances pour les habitants. Un point encore problématique en Suisse et qui nécessite d’abord de se munir des bons outils politiques et sociaux dans l’optique d’embarquer tout le monde dans la même démarche.
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