Il a été responsable du recrutement dans un grand groupe, il est aujourd’hui conseiller en réinsertion professionnelle et coach au sein de la société Balthasar, dirigée avec sa femme Véronique et qui compte une dizaine de collaborateurs. Passionné par les questions de santé en entreprise, il a publié à la fin de 2020 un livre détonnant, Le burn-out, un signe de bonne santé (Editions Favre).

Pourquoi témoigner? Pourquoi partir de votre expérience personnelle?
C’est celle que je connais le mieux. Et elle me permet aussi de faire comprendre qu’on peut apprendre et grandir à travers cette épreuve. Les personnes qui ont souffert d’un burn-out peuvent avoir l’impression d’être diminuées. Je suis convaincu qu’on peut au contraire en sortir enrichi. Le message, c’est aussi qu’il n’y a pas de honte à parler de son burn-out. Du reste, ça peut arriver à beaucoup d’entre nous.

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Vous avez vécu deux burn-out dans des circonstances très différentes…
Pour le premier, en 1998, on ne parlait pas encore de burn-out et c’est seulement quelques années plus tard que j’ai compris que j’étais passé par là. Responsable du recrutement dans un groupe international alors en plein processus de fusion, j’ai débarqué dans un domaine d’activité nouveau pour moi et sans encadrement approprié, sans cahier des charges clair… J’ai fait ce que j’ai pu pendant dix-huit mois, avant d’être mis en arrêt par mon médecin, puis licencié à mon retour quinze jours plus tard. En 2008, j’ai ressenti les mêmes sensations physiques et j’ai donc assez vite compris de quoi il en retournait.

Pourtant, votre situation était complètement différente…
Nous préparions un tour du monde en famille, avec nos quatre enfants, avec l’idée de partir pour plusieurs années. Les enjeux émotionnels et le stress étaient considérables. Il fallait se préparer à faire face au défi du home schooling, nous avions vendu notre maison et confié l’argent que nous en avions retiré à Credit Suisse, qui l’avait placé dans des produits Lehman Brothers juste avant le krach. Une bonne partie des économies prévues pour la fin de notre voyage et le retour était partie en fumée. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. J’ai craqué. C’est ma femme qui s’est occupée de tout afin que nous puissions, avec un peu de retard, réaliser notre projet.

Les candidats au burn-out ne sont pas des personnes dites faibles. Mais, au contraire, des personnes dites fortes et qui ont tendance à beaucoup prendre sur elles. Le mécanisme commence à être connu, mais il vaut la peine d’y revenir…
Les personnes dites faibles ont l’intelligence de se mettre au repos. Alors qu’une personne dite forte, qui entre dans un processus de burn-out, va faire comme si de rien n’était et ne pas tenir compte de symptômes qu’elle qualifiera de petits bobos. Ce sont en effet les personnes qui en font le plus, sans calculer et sans s’écouter, qui sont candidates au burn-out. Parce qu’elles ne respectent pas les limites quand elles se présentent. D’ailleurs, quand vous craquez, les autres vous disent invariablement: «Je n’aurais pas imaginé que ça t’arrive à toi, qui es si fort, si engagé, si organisé…»

Quelles sont les causes du burn-out?
Il résulte d’une surcharge à la fois psychique et émotionnelle. J’ai pris le parti de définir le burn-out comme étant le résultat de cette surcharge, mais aussi comme le processus de descente qui le précède. Voilà pourquoi, quand quelqu’un me dit qu’il est sur le fil du rasoir, c’est qu’il est pratiquement déjà en burn-out, même si cette personne a encore l’impression de gérer.

Et le mécanisme qui vous met en incapacité totale de fonctionner?
L’accumulation soudaine de différents facteurs qui se combinent. C’est-à-dire qu’en plus de la surcharge professionnelle, vous êtes confronté à la maladie d’un enfant, à un décès dans votre famille ou votre entourage, à un déménagement… On se casse la figure parce qu’on était déjà à la limite. J’insiste beaucoup là-dessus. Parce qu’une personne qui mène une vie équilibrée peut endurer une accumulation soudaine de stress et passer le cap.

Vous utilisez le terme de «born-out» avec l’idée que ce type de casse peut entraîner une forme de renaissance…
De nouveau, c’est le fruit d’une expérience personnelle. Le burn-out vous fait comprendre qu’il y a des choses que vous ne pouvez plus vous permettre. On peut considérer que c’est une mauvaise nouvelle ou alors y voir une bonne nouvelle qui vous ouvre des possibles. On a le choix. Et on peut prendre la décision qui, selon moi, va de pair: mettre à son propre service tout ce que vous aviez exclusivement mis au service des autres jusque-là. Vous vous incluez dans l’équation en quelque sorte. C’est pour moi l’une des clés essentielles du rétablissement.

Quelles sont les leçons de la pandémie pour les entreprises que vous conseillez? Et quid du burn-out dans cette situation très particulière de retour sur les lieux de travail?
La crise du covid et le recours au travail à distance ont amené beaucoup de réflexions positives sur l’organisation du travail. Mais on parle trop peu de leurs effets négatifs sur la santé liés à l’isolement, à la perte des liens sociaux, à des règles organisationnelles mouvantes… Beaucoup de gens sont en nettement moins bonne santé aujourd’hui qu’au 14 mars 2020. Et je ne parle pas des effets du virus. Nous n’avons pas encore pris conscience des nouveaux risques de burn-out liés aux suites de la pandémie.

Sur quelles données vous appuyez-vous?
Nous accompagnons chaque année 300 personnes à l’assurance chômage et une cinquantaine à l’AI. Jusqu’à la pandémie, nous observions de grosses différences entre ces deux populations. Nous rencontrons aujourd’hui les mêmes symptômes d’épuisement chez l’une et chez l’autre. Il est crucial qu’on prenne ces facteurs en considération à l’heure où l’on redéfinit l’organisation du travail.

On observe aussi la mise en place de nouvelles règles du jeu dans les entreprises, avec notamment des cercles de responsabilités élargis ou du home office censés apporter plus de bien-être aux collaborateurs. Qu’en pensez-vous?
Je pense qu’il n’existe pas de solutions uniques qui conviennent à tous et de la même manière. Il ne faut donc pas associer tous les salariés à ces nouveaux fonctionnements. Quand on offre des choix aux collaborateurs, c’est très positif. Quand on les impose à tous sous prétexte que c’est d’office bon pour eux, on en perd les vertus. D’abord parce que ces réorganisations prennent beaucoup de temps et d’énergie à des collaborateurs qui sont déjà surchargés. Ensuite, tous ne sont pas intéressés.

De ce fait, je regarde avec beaucoup de circonspection les théories du management comme l’holacratie. Elles ont certes l’avantage de poser de bonnes questions, mais attention aux réponses! Nous vivons une époque où les changements sont naturellement très rapides et placent les collaborateurs face à une instabilité croissante. Je ne plaide pas pour le retour à des structures rigides, bien sûr. Mais je mets en garde contre le mirage de l’entreprise libérée. Celle-ci n’apporte un bien-être au travail qu’avec la mise en place d’un cadre clair. Les êtres humains en ont besoin et c’est la responsabilité des entreprises de le leur fournir.