Il y a quelques années, le BIM (pour building information modeling), cette méthode de collaboration entre les corps de métier de la construction basée sur une modélisation 3D très précise, arrivait en Suisse, avec un peu de retard par rapport aux Etats-Unis et à d’autres pays européens. Beaucoup de PME dans le bâtiment et de petits bureaux d’ingénieurs avaient de la peine à engager les coûts nécessaires à sa mise en œuvre. Les choses ont aujourd’hui passablement évolué et cette technique s’est largement répandue.
«Le BIM est une méthode de modélisation numérique qui permet de concevoir, construire et gérer des bâtiments de manière plus efficace et collaborative, souligne Mohammed Alem, expert BIM au sein du Laboratoire de culture numérique du projet architectural de l’EPFL. En Suisse, elle est en train de devenir une norme dans l’industrie de la construction, car elle permet de réduire les coûts, les délais et les erreurs tout en améliorant la qualité et la durabilité des constructions.» Selon ce spécialiste, l’un des principaux enjeux pour assurer une adoption généralisée de cette méthode est la formation des professionnels de la construction.
Compétences techniques nécessaires
En effet, sa mise en place nécessite des compétences techniques et informatiques spécifiques, ce qui implique une formation continue pour les architectes, les ingénieurs et les autres parties prenantes du projet. Pour répondre à ce besoin, des centres de formation, de recherche et des programmes de certification ont été mis en place dans tout le pays (Mensch Maschine Suisse, Fondation pour la formation des adultes Ifage à Genève, Smart Living Lab à Fribourg, EPFL, HES-SO, etc.).
Aujourd’hui, le BIM est utilisé aussi bien par des géants de la construction que par de petits bureaux locaux. Leader helvétique dans le domaine des services immobiliers et de construction, Implenia applique cette technique dans tous ses grands projets. En 2019, le groupe a défini une procédure dont l’objectif est d’établir un processus numérique uniforme basé sur cette technologie sur l’ensemble de la chaîne de création de valeur. A l’avenir, il souhaite continuer à numériser tous les processus à grande échelle. Parmi les exemples de projets démontrant l’efficacité de cette méthode, l’entreprise mentionne des chantiers complexes comme le quartier de Lokstadt à Winterthour ou le tunnel de Varberg en Suède. Active depuis une vingtaine d’années dans la construction et la gestion de données, la société genevoise Swissbim est devenue une experte en la matière. Comptant une dizaine d’employés, elle travaille pour des clients comme Total, General, ainsi que pour des maîtres d’ouvrage et des bureaux d’architectes romands. «Les avantages de cette méthodologie sont multiples, souligne le directeur, Dylan Martins. Tout d’abord, elle permet d’anticiper les problèmes potentiels et de maîtriser les coûts du projet. De plus, elle permet de capitaliser les données géométriques et documentaires, qui seront utiles pour la phase de gestion, d’exploitation et de maintenance.»
Les économies engendrées par le BIM peuvent atteindre 20% selon une étude de Boston Consulting Group. Au-delà de la réduction des dépenses et des délais sur les chantiers, cette technique est également fort utile pour la rénovation de bâtiments existants: «Grâce à la modélisation numérique, les professionnels peuvent identifier plus facilement les problèmes de structure et de plomberie, ce qui permet de réduire les coûts de rénovation tout en améliorant la durabilité des constructions», explique Mohammed Alem. Eric Barthole, membre de la commission de la gestion de l’information au sein de la Société suisse des ingénieurs et des architectes, confirme la démocratisation de cette méthode dans l’industrie du bâtiment. Bien que le BIM exige un investissement pour les entreprises en termes de formation et d’achat de logiciels, il relève que les prix deviennent plus accessibles depuis quelques années. «Mais ces frais doivent être mis en lien avec les économies importantes générées, aussi bien sur les chantiers que dans l’entretien des immeubles, qui représente la plus grande part des coûts d’une construction.»