On pourrait remonter le cours de l’histoire, jusqu’en 1910, et décrire comment Ermenegildo Zegna a fondé, dans les Préalpes du nord de l’Italie, à Trivero, non loin de Turin, l’usine de laine qui porte encore aujourd’hui son nom. On pourrait raconter comment il planta des arbres autour de son site de production – bien avant que l’on parle de durabilité – afin de rendre son pays plus beau et plus proche de la nature. On pourrait aussi s’étendre sur la manière dont Ermenegildo Zegna s’établit, après la Seconde Guerre mondiale, comme une marque de luxe et de sur-mesure. Cela dit, toute personne s’y connaissant un tant soit peu en matière d’étoffes raffinées, d’artisanat de luxe et de style le sait.

Contenu Sponsorisé
 
 
 
 
 
 

L’histoire de Zegna se raconte désormais au présent, comme le prouve le dernier produit à succès de la marque: la basket haut de gamme Triple Stitch. Comme cette célèbre paire de sneakers, cette histoire d’affaires moderne s’écrit en trois points. Il ne s’agit pas de tradition, mais de glamour offensif, d’avant-garde et de baskets à plusieurs millions de dollars. Et un peu de Sergio Ermotti, le patron d’UBS.

Tom Ford fait quasi partie du groupe Zegna

Pour découvrir le premier point, partons à Austin, au Texas. C’est dans cette ville américaine que naît en août 1961 un certain Thomas Carlyle Ford. Un homme qui deviendra mondialement célèbre en tant que styliste, sous le nom de Tom Ford. C’est lui, qui, au milieu et à la fin des années 1990, tira Gucci de son profond sommeil en la rendant plus attrayante que jamais. Tom Ford misa sur le glamour et le sexy, parfois de manière agressive, mais sans jamais être vulgaire.

Il poursuivit sa carrière, avec la même recette et le même succès, en créant sa propre entreprise qui, comme Ermenegildo Zegna, porte son nom. Aujourd’hui, l’entreprise américaine Tom Ford fait quasiment partie du groupe Zegna. Les Italiens ont en effet obtenu sa licence via le véritable propriétaire de Tom Ford, le groupe de cosmétiques Estée Lauder.

NEW YORK, NEW YORK - SEPTEMBER 12: Designer Tom Ford walks the runway Tom Ford during NYFW: The Shows at David H. Koch Theater, Lincoln Center on September 12, 2021 in New York City. (Photo by Dimitrios Kambouris/Getty Images)

Tom Ford et sa société homonyme sont considérés comme un joyau aux yeux de Gildo Zegna.

© Getty Images

Avec Tom Ford, Zegna répond depuis un peu plus d’un an et demi aux besoins de mode des femmes qui ont de l’argent à dépenser. Ce faisant, la multinationale a aussi acquis une entreprise qui contribue à hauteur d’environ 12% de son chiffre d’affaires total, qui s’élève à près de 2 milliards d’euros.

Le directeur général, Gildo Zegna, qui appartient à la troisième génération Zegna, qualifie Tom Ford de joyau: «Lors de chaque conversation que j’ai sur Tom Ford Fashion, que ce soit avec des clients ou d’autres représentants de l’industrie du luxe, ils sont tous d’accord avec moi pour dire que c’est une marque passionnante, avec de nombreuses possibilités pour le futur.»

Reprise de la marque Thom Browne, à la surprise générale

Thom Browne n’a pas non plus beaucoup de tradition dans sa manche. Cette marque, Zegna l’a pourtant reprise, à la surprise générale du secteur du luxe et de la mode. Elle est certes reconnue pour son artisanat sans compromis, mais aussi pour ses coupes et ses combinaisons audacieuses.

Chez Thom Browne, les hommes défilent en short ou avec des pantalons de costume trop courts et, parfois, leur sac n’est pas aussi bien ajusté que le recommanderait un tailleur pour hommes. La marque est même parvenue à rendre les jupes pour hommes présentables. Mais, en réalité, un Italien averti devrait frémir à la vue d’hommes habillés en Thom Browne et s’émerveiller quand des femmes en portent.

Thom Browne Haute couture fall winter 2024 Paris june 2024 Thom Browne Haute couture fall winter 2024 Paris june 2024, PUBLICATIONxNOTxINxUKxFRAxUSA Copyright: xZeppelinx/xAvalonx 0887236796

La tradition rencontre l'avant-garde: la marque Thom Browne est connue pour ses coupes et se combinaisons audacieuses. 

© imago/Avalon.red

Car la marque, née à New York, fonctionne. Et comment! Elle poursuit sa croissance même en temps de crise, en alliant traditionalisme et avant-gardisme. Et c’est précisément ce qui la rend si cool. Son chiffre d’affaires de 380 millions d’euros parle de lui-même. Gildo Zegna l’affirme: «Cette marque a une communauté mondiale, fidèle et fière, et nous pensons qu’elle a le potentiel de dépasser les 500 millions d’euros de chiffre d’affaires que nous avions initialement visés.»

La chaussure Triple Stitch est en passe de devenir une icône

Venons-en à l’essentiel, au troisième point de notre voyage transatlantique: à la Triple Stitch, la chaussure qui, aux côtés des tissus les plus fins et des meilleurs costumes, est devenue le produit à succès de Zegna.

La Triple Stitch était un essai, transformé en succès surprise et qui, aujourd’hui, est en passe de devenir une icône. Cette chaussure de Zegna est reconnaissable grâce à ses trois élastiques croisés sur le cou-de-pied, c’est-à-dire là où les lacets assurent normalement le maintien. Lancée avec la collection d’hiver en 2019, elle a été initialement mise sur le marché sans pression publicitaire apparente.

L’objectif était de réaliser une vente de 100 millions d’euros. Et il est fort possible que ce palier soit déjà atteint.

 

D’autant que la marque était jusqu’alors totalement inconnue pour sa maroquinerie. Pourtant, la Triple Stitch n’a cessé depuis d’envahir les étalages, les terrasses d’hôtels cossus, bars de plage et restaurants. Elle est devenue la chaussure indispensable pour toutes les personnes à haut revenu ne portant pas de costume. Son taux de croissance est tout simplement gigantesque. 

Triple Stitch

Les sneakers haut de gamme Triple Stitch rencontrent un énorme succès. 

© DR

Edoardo Zegna, fils du patron Gildo Zegna et responsable du marketing du groupe, a déclaré un jour lors d’une journée d’investisseurs que ce succès était surtout dû au bouche à oreille. Lors de conférences d’envergure mondiale, comme le WEF, à Davos, «il y a toujours au moins un orateur qui porte des Triple Stitch».

En revanche, le montant des recettes de la chaussure est passé sous silence. L’objectif était de réaliser une vente de 100 millions d’euros, une somme importante pour une marque noble comme Zegna. Et il est fort possible que ce palier soit déjà atteint.

Dans tous les cas, la Triple Stitch s’est révélée être un aimant à clients: chez les nouveaux acheteurs, le pourcentage de porteurs de Triple Stitch est 42% plus élevé que chez les clients réguliers. A noter qu’il est impossible d’acheter des sneakers à moins de 830 francs, du moins lorsque l’extérieur est en cuir. Celles en laine ou en lin sont un peu moins chères. 

Au-delà de la tendance fondamentale à vouloir plus de confort – sneakers plutôt qu’Oxford –, il existe deux raisons au succès de ces chaussures. Premièrement, la Triple Stitch répond à pratiquement tous les souhaits des clients en termes d’esthétique. Elle est disponible dans différentes matières telles que le veau, le cerf ou le daim, mais aussi la toile ou le cuir tressé appelé Pelletessuta. Ce qui lui permet d’être portée même avec un costume, selon le styliste de célébrités Andrew Weitz, qui habille des stars du sport et des super-riches. 

Deuxièmement, elle est discrète. Sa silhouette puriste laisse place aux matériaux. Le laçage est certes marqué, mais sobre. Les initiés reconnaissent immédiatement la marque Zegna: ses trois élastiques croisés fonctionnent comme un code pour les membres du club. Et il y a bien sûr une belle histoire à raconter: loin d’être un hasard, la triple bande élastique rappelle les trois fils croisés à l’intérieur de la boutonnière sur le revers des costumes. Ces fils, rappelle Edoardo Zegna, que l’on devait à l’époque enlever afin d’y glisser une fleur.

Sergio Ermotti, administrateur principal de Zegna

Chez Zegna, il y a aussi un nom suisse qui joue depuis quelque temps un rôle important. Chez nous, Sergio Ermotti est connu en tant que patron d’UBS, mais, dans le nord de l’Italie, il est l’administrateur principal de Zegna. Avec Gildo Zegna, patron et président, il est l’homme le plus important du groupe. Il siège également au conseil d’administration dans un cercle illustre, qui pourrait bien intéresser son employeur suisse.

D’un côté, Angelica Cheung, la femme qui a lancé Vogue en Chine et qui est aujourd’hui membre du conseil d’administration de Sequoia Capital, une grande entreprise de la Silicon Valley. De l’autre – et la boucle est bouclée –, Domenico De Sole, qui a fait grandir Gucci et Tom Ford, aux côtés du célèbre styliste. Enfin, Valerie Mars, du géant américain des biens de consommation Mars.

Sergio Ermotti a introduit Zegna en bourse aux Etats-Unis, par le biais du véhicule SPAC qu’il a fondé.

 

Sergio Ermotti, le cerveau suisse d’un groupe au cœur italien, ne sert pas seulement de sparring-partner bien vêtu à Gildo Zegna. C’est également lui qui a introduit Zegna en bourse aux Etats-Unis, par le biais du véhicule SPAC qu’il a fondé. Toutefois, cette introduction en bourse est l’un des rares échecs du groupe Zegna. Depuis décembre 2021, date de l’IPO, les temps n’ont pas été faciles sur les marchés boursiers, mais le cours, qui se trouve actuellement en dessous du prix d’émission, ne raconte pas non plus toute l’histoire.

L’introduction en bourse a tout de même permis de faire entrer près de 900 millions de dollars dans les caisses du groupe. Gildo Zegna avait alors déclaré: «Nous aurions pu rester indépendants pendant encore cent ans, mais le moment est propice, le monde a beaucoup évolué et le luxe est devenu très exigeant.»

A Trivero, les arbres de l’Oasi Zegna poussent jusqu’au ciel. Plus nombreux que jamais, on dit qu’ils sont déjà plus d’un demi-million. Et ils continueront à grandir, indépendamment des cours de la bourse, des tendances de la mode ou des succès commerciaux. Curieusement rassurant.

>> Lucerne Dialogue, qui a lieu les 27 et 28 novembre 2024, invite 45 jeunes leaders de toute l’Europe à participer à un camp d’une semaine afin de développer des idées concrètes sur la manière de renforcer les démocraties européennes par le biais de l’économie.