Les femmes sont de plus en plus présentes au sein des entreprises suisses. Elles y occupent un nombre croissant de postes à responsabilité. L’évolution se révèle donc positive mais de nombreux défis demeurent. Line Pillet, professeure et directrice de l’Institut entrepreneuriat et management (IEM) de la HES-SO Valais et présidente de l’association Femmes PME Suisse romande, connaît bien les obstacles que doivent surmonter les femmes dans le monde professionnel. Interview.
La place des femmes s’est-elle améliorée dans les entreprises en Suisse?
Line Pillet: La situation a globalement évolué positivement ces dernières années. Le taux de femmes actives occupées est aujourd’hui à 60% (taux en équivalents plein-temps, ndlr). En 2019, environ la moitié d’entre elles exerçaient une profession hautement qualifiée, ce qui représente une augmentation d’environ 20% en comparaison à 2010 selon les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS). C’est particulièrement le cas dans les PME. Cette évolution reste néanmoins plus difficile dans les grandes entreprises, qui fonctionnent encore souvent de façon très hiérarchique, avec une vision plus traditionnelle du leadership. Les défis restent donc nombreux.
La Suisse reste encore loin de l’égalité salariale, avec un écart de près de 20% entre femmes et hommes. Comment l’expliquer?
Malheureusement, cette idée qu’une femme fera une carrière moins rectiligne, souvent à temps partiel, persiste. Elle laisse place à de nombreux préjugés, comme le fait que ces candidates s’engageront moins. Pourtant, ce n’est pas parce qu’un parcours de carrière est temporairement interrompu que les compétences seront moindres, au contraire! De nombreuses femmes en profitent pour continuer à se former.
Travailler à temps partiel constitue-t-il un frein pour accéder à un poste à responsabilité?
Il peut être difficile d’accéder à un poste à responsabilité avec un taux de travail à 40%, par exemple. Néanmoins, beaucoup de ces fonctions peuvent être gérées à 80%. Il existe également de nouveaux modèles de travail intéressants, comme le «job sharing» (partage de poste). Cette méthode demande une bonne coordination et une complémentarité entre les deux personnes qui se partagent la tâche, mais les avantages sont considérables, en matière de disponibilité comme pour les prises de décision. Ce modèle représente un gain de productivité pour l’entreprise et permet une meilleure conciliation de l’équilibre travail-famille.
Quels sont les principaux défis pour les femmes, selon vous?
La représentation équitable des hommes et des femmes à la tête des grandes entreprises ne progresse que très lentement, malgré la nouvelle loi en vigueur. Selon l’étude «Business monitor 2019», elles sont moins de 20% à être membres du conseil d’une société anonyme en Suisse et seulement 9% à en occuper la présidence. Autre défi majeur: l’égalité salariale. Les salaires doivent être définis en fonction des compétences et des responsabilités. Les femmes ont ici leur rôle à jouer, en se renseignant sur les barèmes et les salaires appliqués au sein de l’entreprise. Il sera ainsi plus facile de négocier une rémunération juste.
Enfin, la question de la prévoyance est un élément central. Notre système est équitable au niveau du 1er et du 2e pilier, mais ce n’est pas le cas pour le 3e, qui n’est accessible qu’aux personnes exerçant une activité professionnelle rémunérée. Ce modèle pénalise de nombreuses femmes mais aussi des couples. Il devient donc urgent de repenser le cadre légal de notre couverture retraite.